Le nouveau gouvernement argentin veut limiter les subventions coûteuses aux factures de gaz, d'électricité et d'eau, mais il se heurte à la justice, sensible aux arguments des usagers qui dénoncent des augmentations brutales. Au cours des deux derniers mois, des décisions judiciaires sont venues retarder les mesures de hausse, sommant le gouvernement de centre-droit de reprendre à zéro le processus et de procéder à des consultations des usagers. Soucieux de limiter le déficit budgétaire (7%) dont il a hérité, le président Mauricio Macri a expliqué aux Argentins, en prenant le pouvoir en décembre 2015, que la 3e économie d'Amérique latine ne pouvait pas se payer le luxe de maintenir la politique de subventions généralisées de l'ex-présidente Cristina Kirchner. L'Argentine en était arrivée à des aberrations. Une famille vivant dans la pauvreté et un foyer de la haute société payaient des factures 10 à 20 fois moins chères que dans d'autres pays de la région. Parfois seulement 5 ou 10 euros pour une facture de gaz ou d'électricité. Cela a occasionné des consommations irraisonnées et les Argentins ont pris de mauvaises habitudes dans l'usage du chauffage, de la climatisation et des appareils électriques. Jadis exportateur, l'Argentine doit désormais importer des hydrocarbures. C'est un revers politique pour le gouvernement, avec un impact négatif sur trois axes centraux de son programme économique : la baisse du déficit fiscal par le biais de la réduction des subventions, la stimulation des investissements et la normalisation de la politique énergétique pour créer des opportunités dans un secteur au potentiel élevé, détaille l'économiste Dante Sica.
Déboussolés Dans la rue, le jugement de la Cour suprême suspendant la hausse du gaz et condamnant le gouvernement à entamer une procédure de consultation de la population est bienvenue. Pour une fois la Cour suprême donne raison aux usagers et pas aux entreprises, se félicite Sergio Cedrola, en payant sa facture de gaz. Je suis d'accord, avec les salaires que nous gagnons, c'est impossible de payer, surtout pour les familles les plus pauvres, dit Julia Rosales. Les foyers les plus démunis, continueront de bénéficier de tarifs sociaux, a assuré le gouvernement. En cet hiver austral plus long que d'autres années, le chauffage est allumé dans les foyers depuis le mois de mai et le montant des factures fait bondir les Argentins. Il n'est pas rare de voir une facture de gaz passer de 400 pesos (24 euros) à 2.000 pesos (120 euros) d'un bimestre à l'autre. La hausse du gaz, de l'électricité et de l'eau, jusqu'à 2.000% dans certains cas, a stimulé la hausse des prix déjà forte, la portant à plus de 30% depuis le début de l'année. Les Argentins sont déboussolés. Au fur et à mesure des décisions judiciaires et des appels interjetés par l'Etat, ils ne savent plus s'ils doivent payer ou pas leur facture. Pour le gaz, la société Metrogaz va devoir émettre de nouvelles factures. Ceux qui ont réglé leur facture bénéficieront d'un avoir. Pour l'électricité, la justice n'a pas encore tranché définitivement. Le gouvernement regrette les recours en justice qui ne font selon lui que retarder le processus. Pour le politologue Rosendo Fraga, c'est pour le gouvernement un faux pas politique et économique, à vouloir jouer à +tout ou rien+ (...), mais pas une crise. La justice l'a recadré en lui indiquant le chemin à emprunter, estime-t-il. En récession depuis fin 2015, l'économie argentine souffre en 2016 (prévisions de récession annuelle de 0,5 à 1,5%), mais le gouvernement table sur une embellie en 2017 avec une croissance de plus de 3%.