Après avoir truqué pendant des années ses statistiques économiques, l'Argentine a publié un nouvel indice d'inflation, crédible, calculé selon une nouvelle méthodologie. Pour le seul mois de mai, la hausse des prix en Argentine a atteint 4,2%, a annoncé l'Institut national des statistiques (Indec, officiel). En revanche, l'Indec n'a pas donné de chiffres de l'inflation sur les quatre premiers mois de l'année. Les instituts économiques privés estiment que les prix ont bondi de 23,6% depuis le début de 2016. En arrivant au pouvoir le 10 décembre, le président argentin de centre-droit, Mauricio Macri, avait promis la transparence sur la situation économique du pays, fondamental pour rassurer les milieux d'affaires et procurer des informations fiables aux potentiels investisseurs étrangers. Dans un premier temps, estimant qu'une refonte du système de calcul était nécessaire, l'Indec a suspendu pendant six mois la communication des chiffres de l'inflation au niveau national. En arrivant au pouvoir fin 2015, le gouvernement avait annoncé son objectif de contenir l'inflation dès 2016. Le ministre du Budget et des Finances, Alfonso Prat Gay, espérait en janvier ramener la hausse des prix à 20-25% cette année, à 12-17% en 2017, 8-12% en 2018 et 5% en 2019, terme du mandat de M. Macri. Après un premier semestre de forte inflation, le gouvernement prévoit un ralentissement de l'inflation au second semestre. Faute de statistiques fiables, des instituts économiques privés se livraient ces dernières années à des estimations. En 2015, l'inflation annuelle a été estimée à environ 30%. En Argentine, l'inflation annuelle réelle dépasse les 20% depuis 2008. A partir de 2007, le gouvernement de la présidente de gauche, Cristina Kirchner (au pouvoir jusqu'en décembre 2015), avait sous-estimé l'inflation, une politique condamnée par le Fonds monétaire international (FMI). Pendant plusieurs années, le gouvernement annonçait par exemple une inflation légèrement supérieure à 10% et le ministère du Travail encourageait paradoxalement une hausse des salaires de l'ordre de 25%, un chiffre plus proche de la réalité de la hausse des prix.
Un moment très important Sous la pression du FMI, l'exécutif avait en 2014 corrigé l'indice des prix, sans pour autant le rendre crédible. Pendant la gestion Kirchner, les salaires étaient revalorisés en fonction de l'inflation et le gouvernement finançait cette politique par l'émission monétaire, au prix d'un déficit budgétaire qui était de 6% du PIB fin 2015. Pour Alfonso Prat-Gay, la "normalisation" de l'Indec est un "moment très important". "Il n'y aura pas d'ingérence du gouvernement dans les chiffres de l'Indec", a promis le ministre. Fin juin, l'Indec communiquera également les chiffres révisés du PIB. Après plus d'une décennie de croissance, le ralentissement de la 3e économie d'Amérique latine est fort. La Banque mondiale prévoit une récession de 0,5% en 2016, avant une reprise en 2017. L'Argentine souffre de la forte récession au Brésil, son premier partenaire commercial. D'après l'Université catholique argentine, la pauvreté touche 34% des 41 millions d'Argentins. Et l'inflation est la principale préoccupation. Les réformes de début de mandat de M. Macri, notamment la suppression des subventions aux factures de gaz, d'électricité et d'eau, ont particulièrement entamé le pouvoir d'achat. Selon les syndicats, 200 000 Argentins ont perdu leur travail depuis le début de l'année.