L'économie américaine a continué d'embaucher de façon soutenue en septembre, même si le taux de chômage a légèrement augmenté, ce qui devrait permettre à la Fed d'attendre après les élections présidentielles de novembre pour remonter les taux d'intérêt. Les créations d'emplois aux Etats-Unis ont ralenti à 156.000, en données corrigées des variations saisonnières, contre 167.000 en août (chiffre révisé en hausse). Le taux de chômage est remonté à 5% au lieu de 4,9% le mois d'avant. Les analystes ont été déçus, qui tablaient sur 176.000 nouvelles embauches et un taux de chômage stable. Mais comme le dit Sal Guatieri, économiste en chef pour BMO Capital Markets, "les détails du rapport sur l'emploi sont meilleurs que ne le disent les gros titres". "Même si les gains d'emplois ont ralenti cette année, ils sont suffisamment dynamiques pour continuer à faire baisser le taux de chômage à moyen terme", assure-t-il. La légère remontée du taux de chômage s'explique surtout par une augmentation du taux de participation à l'emploi à 62,9% (+0,1 point de pourcentage). Cela correspond à plusieurs centaines de milliers de personnes retournant sur le marché du travail pour y trouver un emploi, ce qui est généralement considéré comme un signe de dynamisme de l'économie. La plupart des secteurs ont continué à embaucher en septembre sauf celui des industries manufacturières et du secteur public. Les inquiétudes autour du résultat des élections présidentielles auraient-elles rendu les industriels plus frileux sur les embauches ? Chris Williamson, d'IHS Markit, pense que les entreprises "retardent leurs projets d'expansion en attendant d'avoir une idée claire du paysage politique". Attentisme autour des élections ? "Le secteur manufacturier a été touché particulièrement, avec l'anxiété politique à laquelle s'ajoutent la force du dollar et la mauvaise passe du secteur énergétique", ajoute cet économiste. Signe positif en revanche, les rémunérations ont poursuivi leur modeste mais constante hausse. Le salaire horaire moyen est désormais en augmentation de 2,6% sur un an. La Maison blanche s'est félicitée dans un communiqué de cette augmentation qui "surpasse largement celle de l'inflation". Jason Furman, du Cercle des conseillers économistes du président Obama, estime que jamais depuis les années 1970, les salaires n'ont augmenté si vite au cours d'un cycle économique. La Réserve fédérale (Fed), qui aimerait voir la hausse des prix atteindre 2% -un objectif qu'elle estime sain pour l'économie-, observe de près cette évolution des salaires qu'elle voit comme un signe avant-coureur de résurgence de l'inflation. Ces chiffres de l'emploi en demi-teinte paraissent en tout cas donner raison à Janet Yellen, la présidente de la Fed, qui a choisi en septembre de patienter encore avant de relever les taux d'intérêt. Ils semblent aussi laisser le temps à la Fed d'attendre encore jusqu'après les élections présidentielles du 8 novembre pour resserrer la politique monétaire. Le Comité monétaire tient en effet une réunion les 1er et 2 novembre, cinq jours avant le scrutin. Il en prévoit une autre les 13 et 14 décembre, une date beaucoup plus probable, estiment les économistes, pour un tour de vis monétaire. "Ce rapport sur l'emploi ne change pas nos vues que la Fed va relever les taux en décembre mais cela réduit en tout cas les chances, qui étaient déjà minces, d'une hausse avant les élections", résume Ian Shepherdson, de Pantheon Macroeconomics. Au sein du Comité monétaire de la banque centrale, Loretta Mester, qui a voté récemment contre le statu quo monétaire, a redit vendredi qu'il était temps de remonter les taux. "C'est un rapport sur l'emploi solide (...). Je perçois des éléments d'inflation se profiler. Il serait bon de relever les taux", a affirmé Mme Mester sur la chaîne CNBC, n'excluant pas une hausse du crédit dès la réunion monétaire de décembre. Baisse des inscriptions au chômage Les inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis ont baissé de façon inattendue, leur moyenne sur quatre semaines glissant au plus bas niveau depuis décembre 1973, selon les chiffres du ministère du Travail publiés. En données corrigées des variations saisonnières, le ministère a recensé 249.000 demandes d'allocations chômage pour la semaine close le 1er octobre, soit une baisse de 5.000. Les analystes s'attendaient au contraire à une hausse de 4.000. Le ministère n'a pas avancé de facteur particulier pour expliquer cette baisse. Les demandes hebdomadaires d'allocations chômage se maintiennent ainsi sous la barre symbolique des 300.000 pour la 83e semaine consécutive, soit la plus longue période sous ce seuil depuis 1970, a relevé le ministère. La moyenne des demandes sur quatre semaines a chuté de 2.500 pour s'établir à 253.500. "C'est le plus faible niveau depuis le 8 décembre 1973", depuis presque 43 ans, relève le ministère. Sur un an, les inscriptions au chômage sont en retrait de 6,7%. Baisse des créations d'emplois dans le privé Les créations d'emplois dans le secteur privé aux Etats-Unis ont baissé en septembre, selon l'enquête mensuelle publiée par la société de services informatiques ADP. Le nombre d'embauches dans le secteur privé s'est établi à 154.000, en baisse de 12% sur un mois alors que les analystes tablaient sur un recul de seulement 3,4% à 171.000. Le chiffre pour août a été révisé en baisse à 175.000 créations d'embauche, contre 177.000 initialement annoncées. Vendredi, le gouvernement doit dévoiler les chiffres officiels de l'emploi pour septembre. Les analystes s'attendent actuellement à 176.000 créations d'emplois et à un taux de chômage stable à 4,9%. Le nombre d'embauches avait un peu déçu en août avec une baisse à 151.000. Selon l'enquête d'ADP, ce sont les grandes entreprises qui ont embauché le plus le mois dernier (64.000), suivies par les entreprises de taille moyenne (56.000) et les petites (34.000). Par secteur, les services, comme toujours, sont largement créateurs d'emplois (151.000) tandis que le secteur de la production de biens en a créé 3.000 après en avoir détruit le mois précédent. "La croissance des emplois s'est un peu ralentie en septembre comparée à la moyenne sur les douze derniers mois", a commenté Ahu Yildirmaz, président du département recherche de la firme de services de paie aux entreprises. Mark Zandi, l'économiste en chef de Moody's Analytics qui compile les données de l'enquête, a souligné "qu'avec le nombre d'offres d'emplois au plus haut et le nombre de licenciements pratiquement au plus bas, le marché de l'emploi reste en pleine santé. La croissance des emplois a un peu ralenti ces derniers mois mais uniquement car le marché s'approche du plein emploi", a-t-il estimé.