Au moins 20 personnes ont été tuées dimanche par un kamikaze qui a fait exploser une voiture piégée à un carrefour fréquenté de la capitale somalienne, Mogadiscio, selon des responsables locaux et des témoins. "Un kamikaze conduisant une voiture s'est fait exploser au milieu du marché, à une heure de grande fréquentation, tuant au moins 20 personnes et faisant de nombreux blessés", a déclaré Ahmed Abulle Afrah, le préfet de l'arrondissement de Wadajir, à Mogadiscio. Un premier bilan avait fait état de 14 morts et 30 blessés. Selon des témoins, l'attentat a visé un carrefour très animé du quartier de Madina, dans le sud de la capitale, où se trouvaient de nombreux commerçants, des civils faisant leurs courses et des militaires de faction. "Il y a beaucoup d'échoppes le long de la route, des petits commerces, des restaurants, des maisons de thé", a expliqué un témoin, Sumayo Moalim. Le groupe islamiste Shebab, lié à Al-Qaïda, n'a pas revendiqué l'attaque, qui est cependant intervenue le jour même où il menaçait de lancer une "guerre sans merci" contre le nouveau président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, alias Farmajo, et son gouvernement, selon le SITE Intelligence Group, spécialisé dans la surveillance des sites internet islamistes. Un haut responsable shebab, Sheikh Hassan Yaqub Ali, a affirmé dans un discours sur les ondes d'une radio liée au groupe que Farmajo était considéré comme plus dangereux que ses prédécesseurs en raison de sa double nationalité somalo-américaine. Cet attentat est le premier de cette ampleur à Mogadiscio depuis l'élection de Farmajo le 8 février. Deux enfants avaient été tués par des tirs de mortier jeudi, le jour de la passation de pouvoir entre Farmajo et son prédécesseur. Trois décennies de chaos Ce type d'attentat est généralement attribué par les autorités aux militants shebab, chassés de la capitale en 2011, mais qui continuent de contrôler de vastes zones rurales. Cette nouvelle attaque à Mogadiscio illustre les défis auxquels sera confronté le président Farmajo à la tête d'un Etat miné par ce genre d'attentats, dont l'autorité peine à s'exercer au-delà de Mogadiscio et soutenu à bout de bras par la communauté internationale et la force de l'Union africaine (Amisom), forte de 22.000 hommes. "L'attaque contre des civils à Mogadiscio aujourd'hui constitue un nouvel acte de terreur visant le peuple somalien perpétré par ceux qui veulent miner les progrès pour une Somalie stable et sûre", a indiqué l'Union européenne dans un communiqué. "L'explosion a eu lieu alors que la Somalie a récemment conclu un processus de transition politique et qu'un nouveau président a été élu. Nous nous tenons au côté du président Famajo et de la nouvelle direction politique afin d'apporter la sécurité et de construire de fortes institutions". Bien que largement défaits sur le terrain militaire, les shebab ont multiplié ces douze derniers mois des attaques coordonnées contre des bases de l'Amisom et contre l'embryon d'armée somalienne, et des attentats meurtriers jusque dans la capitale somalienne. Fin janvier, au moins 28 personnes avaient été tuées et 43 blessées dans un double attentat à la voiture piégée contre un hôtel du centre de Mogadiscio, ensuite pris d'assaut par un commando shebab. L'établissement, fréquenté par des hommes politiques, était situé près du parlement et de la présidence. Alors que services de secours, policiers et journalistes étaient arrivés sur les lieux de la première explosion, un véhicule laissé aux alentours a à son tour explosé, faisant de nouveaux blessés. Les shebab ont également revendiqué ces dernières années plusieurs attaques spectaculaires et meurtrières dans les pays membres de l'Amisom, particulièrement en Ouganda et au Kenya, dont celles contre le centre commercial Westgate en 2013 (au moins 67 morts) ou l'Université de Garissa en 2015 (148 morts dont 142 étudiants). La Somalie est plongée depuis près de trois décennies dans le chaos et la violence entretenus par des milices claniques, des gangs criminels et des groupes islamistes.