L'économie américaine a créé un peu moins d'emplois que prévu en août et le taux de chômage a légèrement progressé mais l'absence de hausse des salaires et une inflation dormante laissent la banque centrale dans l'expectative quant à sa politique monétaire. "Le scénario de la Fed (Réserve fédérale américaine) en faveur d'une hausse des taux a pris un sérieux coup aujourd'hui", résume Chris Low de FTN Financial, observant que les chiffres publiés vendredi sont dans leur ensemble moins bons que prévu. "Ils reflètent non seulement des salaires modestes mais encore une économie qui ralentit", commente-t-il. Les créations d'emplois ont légèrement baissé à 156.000 et le taux de chômage a légèrement augmenté à 4,4%, selon les chiffres du département du Travail, en deçà des attentes des analystes qui tablaient sur 183.000 nouvelles embauches, et un taux de chômage de 4,3%, comme en juillet. Outre le ralentissement du nombre de créations d'emplois, le rapport pointe la faible hausse des salaires le mois dernier (+0,1%), de même que sur un an (+2,5%). Malgré une économie pratiquement au plein emploi, la dynamique hausse des salaires - hausse des prix ne semble donc toujours pas enclenchée. La hausse des salaires est un indicateur crucial pour la Fed. Si elle s'accélère, l'institution relèvera ses taux directeurs afin d'éviter que l'inflation s'emballe. Ce rapport devrait donc conforter les anticipations d'un statu quo de la Fed lors de sa prochaine réunion de politique monétaire le 19 et 20 septembre. "Le taux de chômage est toujours à un bas niveau mais il ne s'est toujours pas traduit par une hausse significative des salaires", remarque Lawrence Yun, économiste en chef de l'Association nationale des agents immobiliers américains (NAR).
Incertitude "L'économie est assez routinière jusqu'à présent cette année oscillant entre +bien à tolérable+, mais certainement pas formidable", a-t-il également réagi. Pourtant, elle a fortement accéléré son rythme de croissance au deuxième trimestre, atteignant l'objectif de 3% que s'est fixé le président américain Donald Trump. L'administration Trump entend faire accélérer l'expansion durablement à plus de 3% grâce à des réductions d'impôts, des dépenses d'infrastructures et à une dérégulation bien que son programme de réformes économiques soit encore flou. "Je pense que nous pouvons aller bien au-delà de 3%. Il n'y a pas de raison que nous n'y parvenions pas", a ainsi martelé le président mercredi. Les ménages américains affichent eux aussi un certain optimisme. Leur moral a ainsi fortement progressé en août par rapport à juillet, selon l'Université du Michigan, malgré un fléchissement à partir de la mi-août. Les ménages jugent leur situation financière plus favorable à la faveur d'une meilleure estimation de leurs biens immobiliers et portefeuilles d'actions. Vendredi, les économistes tempéraient néanmoins cet optimisme, pointant du doigt l'incertitude et la volatilité à venir, après l'ouragan Harvey qui a frappé le Texas et une partie de la Louisiane. Si la tempête "n'a pas eu d'effet perceptible sur les chiffres de l'emploi et du chômage en août", selon le département du travail, les données ayant été collectées pour leur plus grande partie avant la tempête, les conséquences financières doivent encore être évaluées. Harvey, qui a fait une quarantaine de morts selon le dernier bilan, a dévasté une des principales régions économiques du pays. Les dommages sont d'ores et déjà évalués en dizaines de milliards de dollars en raison d'inondations exceptionnelles. "Nous n'aurons sans doute pas de vision claire du marché de l'emploi avant octobre et novembre", ont ainsi estimé les économistes de Barclays, soulignant que les statistiques seront faussées par la situation exceptionnelle au Texas, le deuxième Etat du pays. Les économistes de l'Université du Michigan estiment enfin que Harvey pourrait par ailleurs ralentir le rythme de la croissance économique du troisième trimestre avec des prix de l'essence plus élevés ayant un impact direct sur les consommateurs.
Hausse des inscriptions au chômage Le nombre des inscriptions au chômage n'a augmenté que légèrement la semaine dernière aux Etats-Unis, ce qui ne remet pas en cause l'image d'un marché du travail dynamique qui apporte un soutien sans faille à l'économie. Ce nombre a augmenté de 1.000 à un total CVS de 236.000 dans la semaine au 26 août, a annoncé le département du Travail jeudi. Les inscriptions de la semaine antérieure ont été revues à la hausse de 1.000 à 235.000. Les économistes interrogés par Reuters projetaient une hausse de ce nombre à 237.000. Cela fait 130 semaines consécutives que ce nombre est inférieur à 300.000, le seuil associé à un marché du travail considéré comme sain. C'est une série inédite depuis 1970, époque où le marché du travail était bien moins ample. La moyenne mobile de quatre semaines, considérée comme une meilleure mesure de la situation du marché de l'emploi car elle lisse le nombre hebdomadaire, a diminué de 1.250 à 236.750, au plus bas depuis mai. Le nombre de personnes percevant régulièrement des allocations de chômage, c'est-à-dire depuis plus d'une semaine, a diminué à 1,942 million dans la semaine au 19 août. Ce nombre est inférieur à deux millions depuis 20 semaines. Les prochains chiffres risquent d'être affectés par les retombées de l'ouragan Harvey car certaines personnes se retrouveront sans doute momentanément sans emploi et l'enregistrement des allocataires risque d'être retardé.
Croissance relevée La croissance de l'économie américaine au deuxième trimestre a été relevée, atteignant un plus haut en plus de deux ans, et les premiers signes montrent qu'elle devrait rester robuste sur la période juillet-septembre, confortant le scénario d'une poursuite du resserrement graduel de la politique monétaire. La hausse du produit intérieur brut (PIB) est ressortie à 3% en rythme annualisé sur la période avril-juin contre 2,6% en première estimation, soutenue par la consommation et l'investissement des entreprises, selon une deuxième estimation publiée mercredi par le département du Commerce. Elle s'inscrit au plus haut depuis le premier trimestre 2015 et fait suite à une hausse du produit intérieur brut de 1,2% sur les trois premiers mois de l'année. Les économistes interrogés par Reuters s'attendaient en moyenne à une croissance de 2,7% au deuxième trimestre. Les dernières données sur les ventes au détail et les dépenses des entreprises montrent que la croissance américaine a confirmé son élan au troisième trimestre. La robustesse de la croissance et un marché du travail proche du plein emploi confortent le scénario d'une poursuite du resserrement graduel de la politique monétaire avec la perspective d'une annonce par la Réserve fédérale ce mois-ci des modalités de réduction de son bilan de 4.200 milliards de dollars (3.500 milliards d'euros) avant un nouveau relèvement de ses taux directeurs en décembre. Le dollar a d'ailleurs accentué ses gains après la publication de ces données, l'euro repassant brièvement sous le seuil de 1,19 dollar. L'accélération de la croissance au deuxième trimestre a permis à l'économie américaine de croître de 2,1% sur le premier semestre contre une estimation de +1,9% précédemment. Le président Donald Trump s'est fixé comme objectif de porter la croissance à 3% en rythme annuel grâce à des mesures de soutien mêlant baisses d'impôts, dépenses d'infrastructures et assouplissements réglementaires, qu'il peine toutefois à faire adopter par sa majorité républicaine au Congrès. L'impasse politique n'a pour l'instant pas entamé la confiance des ménagées et des entreprises.
Dépenses de consommation solides Les dépenses de consommation des ménages, qui représentent plus des deux tiers du PIB américain, ont augmenté de 3,3%, leur rythme de croissance annualisé le plus élevé en un an, contre une progression de 2,8% en première estimation. Elles expliquent l'essentiel de la révision à la hausse de la croissance au deuxième trimestre mais se sont traduites par une baisse du taux d'épargne dans un contexte de faible augmentation des salaires. Le dynamisme de la consommation n'a pas entraîné d'accélération de la hausse des prix. L'indice d'inflation privilégié par la Fed, l'indice core PCE, qui exclut les prix volatils de l'alimentation et de l'énergie, n'a progressé que de 0,9%, sans changement par rapport à la première estimation et le rythme le plus faible en plus de deux ans. Il avait augmenté de 1,8% au premier trimestre. Le déflateur du PIB, autre mesure de l'inflation, a augmenté de 0,8%, également comme en première estimation. Les entreprises ont aussi contribué à l'accélération de la croissance au deuxième trimestre avec une hausse de 8,8% de leurs dépenses d'équipement en rythme annualisé, au plus haut en près de deux ans et contre une progression de 8,2% en première estimation. Il s'agit du troisième trimestre consécutif de progression. L'investissement en immobilier non résidentiel a bondi de 6,2% contre une hausse de 4,9% précédemment annoncée, en retrait toutefois par rapport à l'envolée de 14,8% au premier trimestre. La contribution des stocks a été neutre sur la période avril-juin après un effet négatif de 1,46 point de PIB au premier trimestre. Celle des échanges extérieurs a été positive pour le deuxième trimestre consécutif, à hauteur de 0,2 point de PIB (contre +0,18 point en première estimation). La construction de logements a freiné la croissance au deuxième trimestre avec une contraction de 6,5% en rythme annualisé des dépenses à ce titre, la plus mauvaise performance en près de sept ans mais un peu moins négative qu'annoncé en première estimation (-6,8%).