Le plus urgent ne semble pas être la fuite en avant, une opposition creuse aux solutions de la crise politique actuelle, mais la canalisation du puissant courant populaire qui se manifeste depuis le 22 février dernier pour le changement du système politique. Y a-t-il du nouveau, une tentative pour l'organisation d'une conférence nationale ? Plusieurs indices, des plus sérieux, permettent de répondre par l'affirmative. A en croire le quotidien national El-Moudjahid dans son édition de jeudi 15 mai : " la tenue d'une conférence nationale réunissant plusieurs responsables de partis politiques, personnalités et membres de la société civile devrait avoir lieu incessamment, pour débattre des possibilités d'une solution consensuelle à la crise politique actuelle ; C'est ce que rapportent plusieurs sources, non sans mettre l'accent sur le fait que les concernés seraient dans leur majorité disposés à adhérer à un processus de réflexion sur la voie devant permettre de transcender la situation actuelle et d'aller vers des élections démocratiques ". Selon le même article : " Rien n'a filtré pour l'heure au sujet de la date exacte et du lieu devant abriter la tenue de cette conférence nationale que l'on annonce dans la foulée des avis partagés concernant la meilleure voie à suivre pour aboutir à un scrutin présidentiel intègre et crédible ". La tentative d'aller vers cette conférence nationale peut être considérée comme une réponse à la situation politique actuelle, brouillonne et pleine de désespoir. Une tentative-initiative qui en dit assez long sur certaines contradictions et surtout sur la recherche d'un consensus de sortie de crise accepté par tout le monde..En outre, selon diverses sources, elle ne serait pas sans rapport avec la dégradation des rapports, de l'approche entre le chef de l'Etat, M. Abdelkader Bensalah, la classe politique et le mouvement citoyen. Pour beaucoup, elle en serait une éloquente illustration au regard des divergences, du refus de certains à vouloir s'asseoir à la même table du dialogue et la concertation. Dans cet esprit, M. Abdelkader Bensalah à sa prise de fonction de chef de l'Etat par intérim, a tout d'abord manifesté sa loyauté et son respect de la Constitution, ce qui signifie que l'élection présidentielle aura bien lieu ; mais à quelle date ? Si l'on tient compte de la tenue de la conférence nationale. Cela ne manque pas d'interrogations et d'intérêt à plus d'un titre. D'abord, nul ne sait quelles seraient l'attitude, la réponse des invités à cette conférence nationale. Partis politiques, personnalités et membres de la société civile sont volontairement fractionnés sur la gestion de la période actuelle, sur diverses voies bien séparées et souvent contradictoires par rapport aux revendications populaires, de la jeunesse en particulier. Un atermoiement politique qui pourrait déboucher sur une stagnation politique ou un blocage des institutions de l'Etat et par ricochet la perte de repères aux solutions à la crise actuelle. Ensuite, certains se demandent si le pouvoir actuel représenté par le chef de l'Etat et le Haut commandement de l'ANP ne serait pas tenté, au regard de ces facteurs, de ces obstacles de prendre de nouvelles décisions, d'autres orientations d'apaisement de la situation en annonçant le report de l'élection présidentielle prévue le 4 juillet prochain en attendant de s'appuyer sur les résultats de la conférence nationale pour entamer le redressement et les changements nécessaires. Mais pour l'instant, la réponse du Haut commandement de l'ANP, par la voix autorisée du vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah est connue à savoir que l'Armée récuse catégoriquement les comportements opportunistes qui ne servent en rien l'Algérie et ne contribuent aucunement à résoudre la crise. Une affirmation réitérée par le vice-ministre de la Défense nationale lors de sa récente visite à la 5e Région militaire (Constantine) en déclarant : " Aussi, il nous appartient à tous de faire preuve de bon sens et de clairvoyance et d'éviter de s'égarer dans des dédales et des conflits secondaires inutiles qui ne servent nullement l'intérêt suprême de la Nation et qui sont à même de faire perdurer la crise. Nous comptons sur tous les citoyens jaloux pour l'avenir de leur pays de conjuguer leurs efforts sincères afin d'aboutir aux meilleurs moyens pour mener le pays vers la paix. Dans cette optique, et dans le respect de la Constitution et des institutions de l'Etat, il nous incombe d'œuvrer à réunir les conditions idoines pour l'organisation d'une élection présidentielle le plus tôt possible, du fait qu'elle constitue la solution idéale pour sortir de la crise, faire face à toutes les menaces et dangers qui guettent notre pays et déjouer les desseins hostiles visant à nous mener vers le vide constitutionnel et entraîner le pays dans les spirales de l'anarchie et la déstabilisation. Ce mécanisme constitutionnel permettra d'élire un président de la République ayant la légitimité et les prérogatives pour concrétiser le reste des revendications populaires légitimes et constituera la règle de base pour que notre pays reprenne le cours du développement et de l'édification ". Résultat immédiat de tout ce remue-ménage, l'indispensable organisation d'une conférence nationale, éventuelle report de l'élection présidentielle. Pour nombre de politologues, dans la situation actuelle des plus incertaines de l'Algérie, il est préférable de reporter l'élection présidentielle à une date ultérieure et qu'il est encore davantage préférable d'opter pour une transition dégagée éventuellement par consensus par la conférence nationale annoncée permettant ainsi à tout le monde de se préparer sûrement au scrutin présidentiel dans de bonnes conditions. Autrement dit qu'au sein de la classe politique, du mouvement citoyen, certains ne seraient pas " mécontents " de ce report. Pourquoi ? Parce que le report de l'élection présidentielle ne manquerait pas de cristalliser les positions des acteurs politiques qui se disputent la haute main de l'actualité du moment surtout parce que si la confrontation actuelle entre le chef de l'Etat, la classe politique et le mouvement citoyen se perpétrait et s'aggravait, c'est l'Algérie, le peuple qui en subirait les conséquences et un horizon incertain. La menace est très claire : dérives, affrontements, dangers qui guettent le pays, voire l'exacerbation des antagonismes régionaux…, atteinte à l'unité nationale ne sont pas exclus Pour l'heure, on n'en est pas là ; mais faudra-t-il faire dans une nouvelle stratégie ? L'obligation est bien claire : des mesures énergiques, voire des initiatives nouvelles devraient se mettre en place car jusqu'ici il est relevé dans l'opinion une " sombre perspective " quant à résoudre la crise. Des constats avérés qui du reste dictent la prudence élémentaire. Toutefois, dans les graves circonstances actuelles, divers commentaires s'accordent à reconnaître que le plus urgent n'est pas l'immobilisme politique, mais plutôt la consolidation du puissant courant populaire. Un courant populaire qui a ses propres revendications, devenues un projet national du changement du système politique, changement de personnes et de style de gouvernance, mais aussi un rejet catégorique de la vieille garde politique qui était au pouvoir et dans les formations politiques. Pour les décideurs politiques du moment, ce ne sera pas une tâche aisée. D'abord, comment canaliser ce courant populaire qui n'a aucune structure qui le représente ou autres médiateurs. Ensuite, le chef de l'Etat comme le Premier ministre n'ont pas l'adhésion du peuple quant à l'application de leur agenda de sortie de crise. Deux personnalités qui sont également en bute aux critiques du mouvement citoyen et aussi des différents courants politiques qui attendent des gages sûrs devant aboutir au changement avant de s'engager davantage. La question reste jusqu'où peut aller le chef de l'Etat, M. Abdelkader Bensalah ? Ceux qui participeront à la conférence nationale annoncée se contenteraient-ils d'y prendre part ou d'exiger avant tout le changement profond dans l'immédiat. L'opinion attend donc les réponses à toutes ces interrogations.