La période 1999/2004 a été consacrée à la stabilisation politique et au retour de l'Algérie sur la scène internationale qui a été en partie réussie,encore que toute voix est écoutée durablement , en ce XXIème siècle, selon la puissance économique . La période d'avril 2004 à avril 2009 devait être consacrée à asseoir un Etat de droit, les réformes micro-économiques et institutionnelles, sans lesquelles la stabilité macro-économique établie durant la période 1995/1997 serait éphémère, et la relance de la machine économique condition de la lutte contre le chômage et la pauvreté à travers une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Dans ce contexte, le diagnostic de la société algérienne dans son ensemble renvoie à d'autres aspects que l'étalement de chiffres physiques sectoriels ou le juridisme qui ne doivent pas être une fin en soi, les données statistiques pouvant voiler les impacts économiques et sociaux réels et les pratiques sociales pouvant contredire des textes si louables soient-ils. La situation actuelle en Algérie doit prendre en considération le couple contradictoire, préservation de la rente approfondissement des réformes à travers la stratégie des différents acteurs politiques, économiques et sociaux tant internes qu'externes. Aussi, face aux enjeux de la mondialisation, processus historique du développement du capitalisme processus non encore achevé, le dépassement des contradictions ,doit intégrer les enjeux de la mondialisation, et donc me semble t-il , doit à la fois s'inscrire dans le cadre de l'intégration maghrébine, euro-méditerranéenne et arabo- africaine, espace naturel de l'Algérie au moment des grands ensembles, en ce monde turbulent en perpétuelle mutation, où toute Nation qui n'avance pas recule et répondre à l'amélioration de la condition économique et sociale de la population(1). En fait, cela renvoie à une meilleure gouvernance tant politique, économique et à une nouvelle régulation sociale d'où l'importance de l'Etat régulateur. C'est l'objet de cette modeste contribution. Premièrement je dresserai le bilan de la situation économique et sociale de l'Algérie, également produit historique de toutes les politiques du développement menées de l'indépendance à nos jours tout en tenant compte de la période coloniale, à partir tant des indicateurs officiels du gouvernement établis les mois de janvier- mars 2008 que de l'appréciation des organisations internationales. Les dynamiques économiques, politiques et sociales étant inextricablement liées, il s'agira d'analyser dans une deuxième partie, la situation présente du système partisan et de la société civile. La troisième partie traitera des axes futurs du redressement notamment à travers le futur rôle de l'Etat au sein d'une économie de marché concurrentielle dans le cadre de l'interdépendance mondiale où doit être accordée une place centrale à la décentralisation, le siège de la commune, d'ailleurs, étant le premier repère pour le citoyen, dans son jugement sur l'efficacité et la moralité de l'Etat. I.Situation socio-économique en avril 2008 1.1-Bilan du Gouvernement : des résultats en deçà des prévisions(2) Face à un cours du brent qui est passé de 17,91 dollars US en 1999, 29,03 en 2003, 54,64 en 2005 , 65,4 fin 2006 et une moyenne de 75 fin 2007 et en ce début avril 2008, d'un cours à plus de 100 dollars à la fois pour des raisons économiques dont la croissance de l'économie mondiale et notamment des pays émergents comme la Chine et l'Inde, la dépréciation du dollar monnaie de référence par rapport à l'euro , la spéculation boursière, le niveau des réserves américaines et les tensions géo- politiques notamment au Nigeria , en Iran et la stratégie du géant russe Gazprom en rappelant que l'OPEP ne représente que 40% de la production commercialisée au niveau mondial., comme tous les pays pétroliers et gaziers, le prix du gaz, marché segmenté du fait de la prépondérance des canalisations, étant indexé sur celui du pétrole, l'impact le plus évident pour l'Algérie est une aisance financière inégalée due non à une bonne gouvernance interne mais à des facteurs exogènes, avec cinq impacts sur la situation socio-économique où nous reprenons les données officielles du gouvernement algérien : Premièrement l'accroissement des réserves de change qui ont progressé fortement passant d'environ 4 milliards de dollars US en 1999 à 56,18 en 2005 , 77,78 milliards de dollars à fin 2006 à 110,18 milliards de dollars à fin décembre 2007. Cela a eu un impact sur les recettes de l'Etat artificiellement augmentées avec un cours officiel de plus de 70 dinars un dollar et plus de 100 dinars un euro, et par voie de conséquence l'importance des liquidités au niveau des banques primaires. Mais avec ce paradoxe que le taux d'épargne est en moyenne 2006/2007 de 56,3% et le taux d'investissement 31%, 25% des revenus du pays n'étant ni consommés ni investis. Lié à cet aspect, les différentes lois de finances algériennes depuis 1999 ont tablé sur un baril de 19 dollars expliquant le déficit budgétaire de la loi de finances 2008 de 35% mais calculé sur un baril de 70 dollars nos aurons seulement 3%. Car ce ratio sur le PIB est à corriger si l'on tient compte du cours réel, puisqu'une fraction du montant du fonds de régulation dont le montant fin 2007 est de 3.215 milliards de dinars contre 2.931 fin 2006. Cela a servi à financer le déficit du trésor mais avec obligation de maintenir le solde de ce fonds à hauteur de 740 milliards de dinars. Deuxièm conséquence est que cette aisance financière a permis les remboursements par anticipation de la dette extérieure. Car en 20 ans, (1986/2006), l'Algérie a payé 118 milliards de dollars dont 84 milliards de dollars de remboursement du principal et 34 milliards de dollars pour les intérêts (tout en rappelant la cessation de paiement et le rééchelonnement de 1994). De 30 milliards de dollars US en 1999, l'encours de la dette extérieure à moyen et long terme passe à 15,5 milliards de dollars en 2004, tombe à 5 milliards de dollars fin 2006 et à 4,90 milliards de dollars US fin 2007 soit environ 3,6% du PIB et les réserves de devises permettent 40 mois d'importation de biens et services. Troisième conséquence est la réduction de la dette publique intérieure qui est passée de 1779 milliards de dinars fin 2006 à 1050 fin 2008 15% du PIB contre 32,6% fin 1999. Car, la dette interne algérienne fin 2006 était composée de la dette courante (bons du Trésor sur le marché et sur formule), évaluée à 403 milliards de dinars, et des dettes dites d'assainissement, estimées à 1 376 milliards de dinars. Face à cette aisance financière, dans la foulée, l'assainissement des entreprises publiques qui a déjà coûté au trésor plus de 40 milliards de dollars US entre 1991/2007 et la loi de finances 2008 prévoit encore 4 milliards de dollars US. Cependant le problème majeur posé est le suivant : en ne s'attaquant pas à l'essence du mal qui ronge le corps social, qui est un blocage systémique, tant des entreprises publiques que de la mauvaise gestion de l'administration et des services collectifs, renvoyant à la refonte de l'Etat gestionnaire devant passer à l'Etat régulateur en économie de marché, ne risque t-on pas à terme à voir de nouveau croître cette dette publique ? Car selon les estimations officielles du Gouvernement en janvier 2007, plus de 70% des entreprises publiques sont déstructurées sur les 1255. Seuls 365 ont un actif net supérieur au quart de leur capital social et une trésorerie supérieure à un mois de leur chiffre d'affaires et les dettes à court terme représentent les 2/3 de leur endettement. Par ailleurs, ils pèsent moins de 10% de la valeur ajoutée de l'économie nationale et n' emploient que 335.000 salariés sur 710.000 de l'ensemble du secteur économique public (EPE- secteur de l'énergie et les hydrocarbures EPIC) et les principaux indicateurs chiffre d'affaires, productivité, emploi régressent d'année en année. Quatrième conséquence l'importance de l'excédent commercial et ce malgré qu'environ moyenne 2006/2007, 60% des importations algériennes, certes en régression relative au profit notamment de l'Asie et notamment de la Chine , se font en euros et plus de 98% des exportations en dollars. Dans ce cadre, il est utile de signaler qu'un baril de 90 dollars et des réserves de change de 110 milliards de dollars équivalent en termes de parité de pouvoir d'achat euros ( mois de mars 2008) respectivement à moins de 50 et 55 milliards d'euros. Par ailleurs, si les importations pour 2007 ont été de 27 milliards de dollars US en CAF et les exportations 60 milliards de dollars, il ne faut pas analyser uniquement la balance commerciale mais la balance de paiement qui tient compte des mouvements de capitaux. Car, les exportations de plus de 58 milliards de dollars d'hydrocarbures (2,2% hors hydrocarbures 2007) doivent prendre en compte l'investissement réalisé dans ce secteur ,qui est en baisse depuis la modification de la loi des hydrocarbures,les recettes étant fonction du vecteur prix beaucoup plus que du vecteur quantité, les transferts de capitaux des associés de Sonatrach dans la rente pétrolière qui sont estimées à 2,2 milliards de dollars US en 2002 ; 3,12 en 2004 ; 4,74 en 2005 -plus de 74% des transferts- ; 5,29 milliard de dollars en 2006 et 3, 90 milliards de dollars en 2007 , cette tendance récente étant liée au mécanisme de la taxe sur les profits exceptionnels qui a été instauré en juillet 2006 ; également le coût de l'assistance technique et de l'importation des biens intermédiaires pour avoir le solde final net . Cinquième conséquence est l' accroissement en valeur monétaire du produit intérieur brut, en 2007 évaluée à 9374 milliards du PIB dont 4140 pour les hydrocarbures donc plus de 40% à prix courant soit 132 milliards de dollars US ( calcul au cours de 70 dinars un dollar) et ce contre un PIB de 105 milliards de dollars Us en 2005, 84 en 2004, 68 en 2003 , donnant 3.968 dollars par tête d'habitant en 2007 contre 3.478 en 2006 et 1.623 en 1999. Sixième conséquence du fait de la faiblesse des capacités d'absorption, et malgré que l'Algérie selon le gouverneur de la banque d'Algérie lors de la réunion avec les DG des banques et des établissements financiers le 15 octobre 2007 a réalisé des placements à l'étranger ayant atteint en moyenne courant 2007 plus de 3600 milliards de dinars soit environ 51 milliards de dollars US ( rappelons selon l'Institut Paterson proche du département d' Etat US dans sa note de conjoncture 2007 donne le montant de 43 milliards de dollars US placés en bons de trésor américain , le restant étant placé dans des banques internationales bien cotées appelées AAA) .Pour ces 43 milliards de dollars US, l'Algérie ne pouvant retirer son argent à court terme au risque de perdre le gain des intérêts ( minimum 5 années , ces placements étant garantis par l'Etat américain avec un taux fixe,bien que faible environ 5%),tenant compte de la dépréciation du dollar, le montant en pouvoir d'achat euros de ces bons de trésor est de 21,5 milliards d'euros. En prenant en compte le taux d'inflation américain de 2,5% moyenne 2003/2007 , nous aurons un taux d'intérêt net 2,5% permettant une somme d'intérêt ne dépassant pas le un(1) milliard de dollar, donnant une dépréciation en termes de parité de pouvoir d'achat euros de 21,5 milliards moins un (1) milliard, soit 20,5 milliards de dollars US(solde net). Pourtant, il serait intéressant de savoir si la dépréciation n'est pas plus importante par la prise en compte de la différence c'est à dire 110 milliards de dollars moins les 51 milliards de dollars placés à l'étranger, soit 59 milliards de dollars restants en quelle monnaie ils sont libellés. Dans une déclaration officielle le Ministre des Finances algérien interrogé par les députés, en date du 10 février 2008 estime que 50% des réserves de change sont libellées en dollars dont 43 placés en bons de trésor américain. Dans ce cas nous aurons une dépréciation globale de plus de 50% des 110 milliards de dollars de réserve soit 27,5 milliards de dollars moins un (1) milliard de dollars d'intérêts soit 26,5 milliards de dollars en référence à l'euro. Mais cela n'est pas propre à l'Algérie puisque nous avons tous les pays pétroliers du Golfe, Singapour, la Norvège, la Russie et la Chine, les exportations de ces capitaux permettant en partie de couvrir l'important déficit de la balance de paiement américaine. Abderrahmane MEBTOUL Expert international