Deux enquêtes indiquent que des milliers de comptes Twitter (jusqu'à près de 70 000) ont été créés dans le seul but de légitimer la destitution du président bolivien Evo Morales. 13 novembre 2019. Les défenseurs du coup d'État en Bolivie ont cherché à blanchir l'image du nouveau régime dans les réseaux sociaux ainsi qu'à légitimer la destitution du président Evo Morales. Dans le cadre d'une campagne menée sur la plateforme de microblogging Twitter, plus de 4 500 nouveaux comptes ne comptant presque aucun abonné ont été créés ces derniers jours pour positionner le hashtag #BoliviaNoHayGolpe (#Iln'yaPasdeCoupdEtatEnBolivie). Luciano Galup, spécialiste de la communication politique et auteur du livre "Big Data and Politics", a déclaré à Página/12 qu'"il y avait une action clairement coordonnée pour créer des comptes afin de donner du volume à cette tendance". Galup, directeur de la société de conseil Menta Comunicación, a annoncé hier qu'il y avait des milliers de messages contre Evo Morales provenant de comptes qui n'avaient pratiquement aucun abonné : "3 612 comptes ont participé au hashtag #BoliviaNoHayGolpe et ils ont entre zéro et un abonné. Et le plus scandaleux, c'est qu'il y a 4 492 comptes qui ont été créés entre hier et aujourd'hui pour participer au hashtag. Ils ont créé 4 492 comptes en deux jours ", a-t-il rajouté sur Twitter. Tout en reconnaissant que beaucoup de ces comptes pourraient être authentiques - produit d'une société effervescente qui, face à la crise, ouvre un compte pour pouvoir participer - Galup a assuré que la plupart d'entre eux avaient été créés pour installer au niveau international un sentiment de perturbation démocratique en Bolivie. "De telles actions coordonnées n'ont pas beaucoup d'impact sur la politique intérieure. Un trending topic (une tendance sur Twitter) n'a pas tellement d'impact pour les personnes qui vivent ces expériences sur place et sont sur le terrain. Mais au niveau mondial, ils peuvent fonctionner comme de la propagande", a expliqué M. Galup. Selon l'auteur du livre "Big Data et politique " (Penguin Random House, 2019), la campagne contre Evo sur les réseaux vise avant tout à légitimer le coup d'Etat et à blanchir le nouveau gouvernement illégitime. "Les dictatures et les coups d'État doivent être légitimés face à la communauté internationale, sinon il existe la possibilité d'être sanctionné. Il s'agit donc plus d'une stratégie orientée vers l'international que vers l'interne. Evo annonçant sa démission pour éviter une escalade de la violence, Fernando Camacho entrant dans le palais présidentiel avec une Bible et un chapelet, les incendies et les pillages dans les maisons des leaders du Mouvement vers le socialisme (MAS), les mobilisations dans les rues en faveur et contre le coup d'Etat, la sénatrice Jeanine Áñez exigeant que les Forces armées interviennent pour "empêcher le bain de sang", le Pérou empêchant l'avion transportant Evo vers le Mexique de survoler son territoire, la mutinerie des prisonniers dans la plus importante prison à la Paz... Une succession d'images illustrant le coup d'État a inondé les portails des médias du monde entier. "Lorsqu'un conflit surgit et qu'un pays se retrouve dans l'œil du cyclone médiatique, leur interprétation est contestée à l'échelle mondiale. Le cas bolivien est particulier parce qu'il a les caractéristiques d'un coup d'État traditionnel avec des forces armées demandant la démission d'un président. Le nouveau gouvernement a donc un vice de légitimité d'origine ce qui oblige [ses partisans] à présenter des arguments au niveau international pour défendre son point de vue sur les évènements". Avec des hashtags comme #EvoAsesino, #EvoDictador ou #EvoEsFraude, l'objectif est de tâcher l'image d'Evo Morales en l'accusant de corruption ou encore d'avoir "volé" les élections d'octobre dernier, tout en célébrant l'arrivée de sa remplaçante Jeanine Añez en indiquant que le coup d'Etat a finalement apporté "démocratie et liberté" au peuple Bolivien.