S'opposant à la candidature d'un pro-iranien à la tête du gouvernement, le président irakien, Barham Saleh se dit lui-même "prêt à démissionner" devant le Parlement. De leurs côtés, les protestataires réclament toujours le renouvellement d'une classe politique jugée corrompue. L'Irak s'enlise dans la crise politique. Le président irakien a mis, jeudi 26 décembre, sa démission dans la balance, expliquant qu'il refusait de proposer au Parlement le nom du candidat des pro-Iran pour le poste de Premier ministre, Assaad al-Aïdani. Se disant garant de l'"intégrité" et de l'"indépendance" du pays, le chef d'État Barham Saleh - un Kurde issu d'un parti traditionnellement proche du voisin iranien mais qui depuis le début de la révolte irakienne fait de la résistance au milieu d'autorités conspuées par la rue - a envoyé une lettre au Parlement. Le président s'y dit "prêt à démissionner" car, dit-il, la Constitution l'oblige à proposer le candidat de la "plus grande coalition" au Parlement, un titre que revendique la coalition emmenée par les paramilitaires pro-Iran, mais que d'autres forces lui disputent. "Le président n'a constitutionnellement pas le droit de s'opposer (...) donc j'annonce ici que je suis prêt à démissionner devant le Parlement", affirme-t-il dans sa lettre. "On ne veut pas d'Assaad l'Iranien" Depuis que le Premier ministre Adel Abdel Mahdi a démissionné fin novembre, après avoir été lâché par le grand ayatollah Ali Sistani, figure tutélaire de la politique irakienne, les pro-Iran poussaient pour que le ministre démissionnaire de l'Enseignement supérieur le remplace. Mais, puisqu'ils n'ont pas pu l'imposer au président Saleh, qui a fait valoir que sa désignation alimenterait plus encore la colère de la rue, ils ont désormais un nouvel homme. Il s'agit d'Assaad al-Aïdani, gouverneur de Bassora, qui s'est déjà illustré à l'été 2018 en descendant personnellement de son convoi pour s'en prendre à des manifestants dans sa grande cité pétrolière, la deuxième ville du pays. "On ne veut pas d'Assaad l'Iranien", scandent les manifestants à Kout, ville du sud, tandis que sur la place Tahrir de Bagdad, d'immenses portraits de cet ancien opposant à Saddam Hussein, un temps réfugié en Iran puis détenu plusieurs années dans les geôles du dictateur, s'étalent, barrés d'une grande croix rouge.
Pas de "candidats des partis" Pour les protestataires, les "candidats des partis" sont d'emblée refusés. Eux veulent des indépendants et des technocrates qui n'ont pas été aux affaires au sein du système politique, installé en 2003 par les Américains et désormais noyauté par les Iraniens. Depuis le 1er octobre, ils réclament dans la rue une refonte totale du système de répartition des postes en fonction des ethnies et des confessions et le renouvellement d'une classe politique inchangée depuis 16 ans. "On poursuivra le mouvement malgré la répression des autorités et les hommes armés des milices", promet Ali Jihad, un protestataire à Nassiriya, où, dans la nuit, des manifestants ont une nouvelle fois brûlé le siège du gouvernorat, déjà visé par un incendie depuis le début de la révolte. À Diwaniya, également dans le sud, ils ont brûlé un nouveau QG d'une milice pro-Iran et continuent jeudi de bloquer une des autoroutes principales du pays.