Depuis que le Premier ministre Adel Abdel Mahdi a démissionné fin novembre, les pro-Iran poussaient pour que le ministre démissionnaire de l'Enseignement supérieur le remplace, alors que la rue rejette toute influence de Téhéran. Le président irakien a mis jeudi sa démission dans la balance, expliquant qu'il refusait de proposer au Parlement un nom d'un candidat des pro-Iran pour le poste de Premier ministre, aggravant un peu plus la crise politique. Alors que la situation politique semble de plus en plus imprévisible, entre l'intransigeance des pro-Iran et celle des manifestants, le grand ayatollah Ali Sistani, dont les sermons ont été jusqu'ici décisifs — c'est après l'un d'eux que le Premier ministre a démissionné — a annoncé qu'il n'évoquerait pas dans ses prêches la situation politique. Cette figure tutélaire de la politique dans le pays a déjà pris ses distances avec les politiciens conspués depuis trois mois par une révolte inédite parce que spontanée déjà marquée par près de 460 morts et 25 000 blessés. Le dignitaire a annoncé qu'il ne jouait aucun rôle dans les négociations entre partis pour désigner un nouveau Premier ministre. Désormais, alors que le délai constitutionnel est dépassé depuis des jours, que l'impasse semble totale et que les candidats pressentis sont de moins en moins acceptables pour la rue, c'est le président de la République Barham Saleh qui s'est dit "prêt à démissionner" dans une lettre adressée au Parlement. Ce Kurde issu d'un parti traditionnellement proche du voisin iranien mais qui depuis le début de la révolte fait de la résistance au beau milieu d'autorités qui se sont raidies face à la rue, a affirmé qu'il mettra sa menace à exécution si le camp pro-Iran s'entête. La Constitution l'oblige à proposer au Parlement le candidat de la "plus grande coalition" au Parlement, titre que revendique la coalition emmenée par les paramilitaires pro-Iran — même si d'autres forces le lui disputent. "Le Président n'a constitutionnellement pas le droit de s'opposer (...) donc j'annonce ici que je suis prêt à démissionner devant le Parlement", affirme M. Saleh dans sa lettre. Depuis que le Premier ministre Adel Abdel Mahdi a démissionné fin novembre, les pro-Iran poussaient pour que le ministre démissionnaire de l'Enseignement supérieur le remplace. Obligé d'abandonner un choix refusé avec vigueur par la rue et M. Saleh, ils ont désormais un nouvel homme : Assaad al-Aïdani. Gouverneur de Bassora, l'homme s'était déjà illustré à l'été 2018 en descendant personnellement de son convoi pour s'en prendre à des manifestants dans sa cité pétrolière, la deuxième ville du pays. "On ne veut pas d'Assaad l'Iranien", ont scandé les manifestants à Kout, ville du Sud, tandis que sur la place Tahrir de Bagdad, d'immenses portraits de cet ancien opposant à Saddam Hussein, un temps réfugié en Iran puis détenu plusieurs années dans les geôles du dictateur, s'étalent, barrés d'une grande croix rouge. Pour les protestataires, les "candidats des partis" sont d'emblée refusés. Eux veulent des indépendants et des technocrates qui n'ont pas été aux affaires au sein du système politique, installé en 2003 par les Américains et désormais noyauté par les Iraniens. Depuis le 1er octobre, ils réclament une refonte totale du système de répartition des postes en fonction des ethnies et des confessions et le renouvellement d'une classe politique inchangée depuis 16 ans.