«Le bruit de la clef tournant dans la serrure doit être assurément l'œuvre d'une main nerveuse ou pressée…» s'était dit Messaoud qui avait remarqué la maladresse et le tâtonnement qui avait précédé l'ouverture de la porte, mais le claquement violent qui s'en suivit tira définitivement le paisible retraité de la contemplation du spectacle grandiose et exotique qu'il suivait sur le petit écran. Mais le violent choc provoqué par le claquement de la porte d'entrée avait coupé net le rêve poétique du pantouflard qu'était devenu Messaoud. Aïcha venait de rentrer et la succession rapide des bruits ne laissait aucun doute sur sa mauvaise humeur. Comme elle était en vacances, elle avait pris sur elle d'améliorer un tantinet le quotidien de la famille en faisant elle-même le marché : elle s'était toujours culpabilisée d'avoir repris un boulot qu'elle avait abandonné jadis pour élever ses enfants, l'obligeant ainsi à négliger quelque peu toute l'attention qu'elle avait souhaité prodiguer à ses protégés. Car elle se sentait avant tout responsable de ceux avec qui elle avait noué contrat «ad vitam aeternam». «Quel pays ! On ne peut plus vivre normalement !» Aicha avait lâché la bonde de sa mauvaise humeur et se laissait aller. --Il y a un problème ? S'était enquis timidement Messaoud. --Oui ! Il y a un problème ! Et il est de taille ! Il faudrait gagner maintenant dix millions par mois pour vivre simplement ! Et encore, je ne sais pas si cela suffirait ! Il faudrait un couffin de billets pour faire bouillir la marmite ! ---Je t'avais dit que la vie est devenue trop chère et qu'il va falloir faire de douloureuses décisions, renoncer à certaines bonnes choses. Faire de sérieuses coupes à ton budget ! Toutes les futilités que tu achètes pour faire plaisir à tes enfants… Je dis «enfants» alors que ce sont des adultes maintenant… --- Tout augmente : la pomme de terre, l'huile, la semoule, l'électricité, l'eau, les fruits, les légumes ! Il n'y a que les salaires qui ne changent pas ! Et personne ne fait rien ! Et personne ne dit rien ! Où sont les syndicats ? Dans d'autres pays…Bientôt il faudra trouver une solution … ---Comme demander aux enfants de participer… ---Ah ça ! Jamais ! Plutôt crever ! ---Ce sont les effets de la mondialisation et du capitalisme sauvage : le privé est maître des lieux, il augmente quand il a envie d augmenter les prix et le gouvernement doit attendre l'avis du F.M.I. Bientôt nous serons obligés de faire comme les Américains : le salaire ne suffisant pas, tout le monde, enfin presque tout le monde sera obligé de chercher une source de revenu supplémentaire pour joindre les deux bout… Ce sera l'Amérique sans l'Amérique ! Et avec le chômage qui sévit, cela ne sera pas facile. --- Je pense que je devrais reprendre alors la couture, les jours fériés ! ---Et moi penser à faire taxi clandestin ! Nous allons former une belle paire. «Le bruit de la clef tournant dans la serrure doit être assurément l'œuvre d'une main nerveuse ou pressée…» s'était dit Messaoud qui avait remarqué la maladresse et le tâtonnement qui avait précédé l'ouverture de la porte, mais le claquement violent qui s'en suivit tira définitivement le paisible retraité de la contemplation du spectacle grandiose et exotique qu'il suivait sur le petit écran. Mais le violent choc provoqué par le claquement de la porte d'entrée avait coupé net le rêve poétique du pantouflard qu'était devenu Messaoud. Aïcha venait de rentrer et la succession rapide des bruits ne laissait aucun doute sur sa mauvaise humeur. Comme elle était en vacances, elle avait pris sur elle d'améliorer un tantinet le quotidien de la famille en faisant elle-même le marché : elle s'était toujours culpabilisée d'avoir repris un boulot qu'elle avait abandonné jadis pour élever ses enfants, l'obligeant ainsi à négliger quelque peu toute l'attention qu'elle avait souhaité prodiguer à ses protégés. Car elle se sentait avant tout responsable de ceux avec qui elle avait noué contrat «ad vitam aeternam». «Quel pays ! On ne peut plus vivre normalement !» Aicha avait lâché la bonde de sa mauvaise humeur et se laissait aller. --Il y a un problème ? S'était enquis timidement Messaoud. --Oui ! Il y a un problème ! Et il est de taille ! Il faudrait gagner maintenant dix millions par mois pour vivre simplement ! Et encore, je ne sais pas si cela suffirait ! Il faudrait un couffin de billets pour faire bouillir la marmite ! ---Je t'avais dit que la vie est devenue trop chère et qu'il va falloir faire de douloureuses décisions, renoncer à certaines bonnes choses. Faire de sérieuses coupes à ton budget ! Toutes les futilités que tu achètes pour faire plaisir à tes enfants… Je dis «enfants» alors que ce sont des adultes maintenant… --- Tout augmente : la pomme de terre, l'huile, la semoule, l'électricité, l'eau, les fruits, les légumes ! Il n'y a que les salaires qui ne changent pas ! Et personne ne fait rien ! Et personne ne dit rien ! Où sont les syndicats ? Dans d'autres pays…Bientôt il faudra trouver une solution … ---Comme demander aux enfants de participer… ---Ah ça ! Jamais ! Plutôt crever ! ---Ce sont les effets de la mondialisation et du capitalisme sauvage : le privé est maître des lieux, il augmente quand il a envie d augmenter les prix et le gouvernement doit attendre l'avis du F.M.I. Bientôt nous serons obligés de faire comme les Américains : le salaire ne suffisant pas, tout le monde, enfin presque tout le monde sera obligé de chercher une source de revenu supplémentaire pour joindre les deux bout… Ce sera l'Amérique sans l'Amérique ! Et avec le chômage qui sévit, cela ne sera pas facile. --- Je pense que je devrais reprendre alors la couture, les jours fériés ! ---Et moi penser à faire taxi clandestin ! Nous allons former une belle paire.