Le dernier roman de Maïssa Bey ne peut être lu sans douleur. Chapitre après chapitre, il décrit l'intrusion sanglante de «Madame Lafrance » dans l'histoire de l'Algérie. Madame Lafrance semble être un double monstrueux de Marianne la gueuse, la république à la noble devise… Le dernier roman de Maïssa Bey ne peut être lu sans douleur. Chapitre après chapitre, il décrit l'intrusion sanglante de «Madame Lafrance » dans l'histoire de l'Algérie. Madame Lafrance semble être un double monstrueux de Marianne la gueuse, la république à la noble devise… Un enfant est debout face à la mer. Il assiste en 1830 au débarquement des conquistadores made in France sur la grève de Sidi-Fredj. Puis, il les voit quitter la terre qu'ils ont souillée de leurs convoitises durant plus d'un siècle. Tribus enfumées du Dahra, massacres du 8 mai 1945, enfance dans les bidonvilles et les camps de regroupements, Maïssa Bey aborde tous les aspects de la conquête coloniale dans son style dépouillé et poétique. Face au regard pur de l'enfant, Madame Lafrance, tour à tour, vêtue de lin immaculé ou de hardes ensanglantées, se livre aux exactions et autres perfidies propres au processus colonial. On retrouve le style élégant et dépouillé de Maïssa Bey dans ce roman où la mer est très présente. L'auteure semble renvoyer la France officielle à ses contradictions par la mise en exergue en début d'ouvrage d'un couplet de la Marseillaise et d'un extrait de Ruy Blas de Victor Hugo. «Quoi des cohortes étrangères/ Feraient la loi dans nos foyers !» dit l'hymne national français. L'ouvrage de Maïssa Bey - l'auteure n'a pas perdu son regard douloureux et étonné d'orpheline de guerre - est à la fois un réquisitoire et une longue et lancinante question sans réponse. Pourquoi ? Oui pourquoi cette haine envers l'autre et cette incapacité à le considérer comme un égal ? Le titre du livre, tiré du poème Liberté que le poète de la résistance anti-nazie, Paul Eluard (1895/1952) a écrit durant l'occupation de la France semble relever du même questionnement. «Sur mes cahiers d'écolier/ Sur mon pupitre et les arbres/ Sur le sable sur la neige/ J'écris ton nom /Sur toutes les pages blanches/Pierre sang papier ou cendre/ J'écris ton nom.» Ainsi débute le célèbre hymne à la liberté du poète surréaliste dont l'énigmatique enfant de Maïssa Bey semble une incarnation. Le passage où l'écolier s'échine sans succès à répéter Jime mo piyi, la Fronce» est inoubliable. «Au moment où elle monte sur l'estrade, l'enfant debout, d'une voix haute et claire, prononce enfin cette phrase, en détachant les mots : «J'aime mon pays». Avec subtilité l'auteur fait parcourir aux lecteurs l'histoire de générations que l'on a tenté d'assujettir de la manière la plus brutale. «Profondément convaincue de la légitimité de ses actions et de la grandeur de sa mission, madame Lafrance n'a pas détourné les yeux quand à ses pieds ses hommes ont déposé des trophées sanglants. C'est en son âme et conscience qu'elle a donné l'absolution à ceux qui, pour lui frayer un chemin, ne laissaient sur leur passage que cendres et ruines», écrit l'auteur au neuvième chapitre. Empruntant la langue de la poésie et la mise en scène théâtrale, l'ouvrage de Maïssa Bey est émouvant. Des hommes, des femmes et des enfants «découvrent» le napalm : «Ce seraient incessantes, terrifiantes, des déflagrations au cœur de ténèbres indues. Des lambeaux de soleil s'accrochent et s'incrustent sous les yeux, dans la peau, dans la mémoire. A jamais.» Sur une plage, deux intellectuels analysent la situation en Algérie ou du moins tentent de le faire. En l'un deux, on reconnaît Camus. Sur la même plage, l'enfant soliloque après les massacres du 8 mai 1945. «Fallait pas partir …Si j'étais resté au collège ils ne m'auraient pas arrêté… Les automitrailleuses, les automitrailleuses, les automitrailleuses…Y en a qui tombent…y en a qui courent parmi les arbres..» L'Enfant passe devant les intellos qui ne le reconnaissent pas. «Il les dépasse», souligne l'auteure. Au fragment repris, le lecteur identifie Kateb Yacine. Sobre. Le dernier roman de Maïssa Bey ne peut être lu sans douleur. Il plonge le lecteur dans l'univers colonial, un univers où le code de l'indigénat et tout un arsenal juridique justifient l'injustifiable. Née en 1950, à Ksar El-Boukhari, Maïssa Bey a écrit de nombreux ouvrages. «Au commencement était la mer», son premier roman, a été publié en 1996. «Pierre sang papier ou cendre» a été édité aux Editions Barzakh en avril 2008. Un enfant est debout face à la mer. Il assiste en 1830 au débarquement des conquistadores made in France sur la grève de Sidi-Fredj. Puis, il les voit quitter la terre qu'ils ont souillée de leurs convoitises durant plus d'un siècle. Tribus enfumées du Dahra, massacres du 8 mai 1945, enfance dans les bidonvilles et les camps de regroupements, Maïssa Bey aborde tous les aspects de la conquête coloniale dans son style dépouillé et poétique. Face au regard pur de l'enfant, Madame Lafrance, tour à tour, vêtue de lin immaculé ou de hardes ensanglantées, se livre aux exactions et autres perfidies propres au processus colonial. On retrouve le style élégant et dépouillé de Maïssa Bey dans ce roman où la mer est très présente. L'auteure semble renvoyer la France officielle à ses contradictions par la mise en exergue en début d'ouvrage d'un couplet de la Marseillaise et d'un extrait de Ruy Blas de Victor Hugo. «Quoi des cohortes étrangères/ Feraient la loi dans nos foyers !» dit l'hymne national français. L'ouvrage de Maïssa Bey - l'auteure n'a pas perdu son regard douloureux et étonné d'orpheline de guerre - est à la fois un réquisitoire et une longue et lancinante question sans réponse. Pourquoi ? Oui pourquoi cette haine envers l'autre et cette incapacité à le considérer comme un égal ? Le titre du livre, tiré du poème Liberté que le poète de la résistance anti-nazie, Paul Eluard (1895/1952) a écrit durant l'occupation de la France semble relever du même questionnement. «Sur mes cahiers d'écolier/ Sur mon pupitre et les arbres/ Sur le sable sur la neige/ J'écris ton nom /Sur toutes les pages blanches/Pierre sang papier ou cendre/ J'écris ton nom.» Ainsi débute le célèbre hymne à la liberté du poète surréaliste dont l'énigmatique enfant de Maïssa Bey semble une incarnation. Le passage où l'écolier s'échine sans succès à répéter Jime mo piyi, la Fronce» est inoubliable. «Au moment où elle monte sur l'estrade, l'enfant debout, d'une voix haute et claire, prononce enfin cette phrase, en détachant les mots : «J'aime mon pays». Avec subtilité l'auteur fait parcourir aux lecteurs l'histoire de générations que l'on a tenté d'assujettir de la manière la plus brutale. «Profondément convaincue de la légitimité de ses actions et de la grandeur de sa mission, madame Lafrance n'a pas détourné les yeux quand à ses pieds ses hommes ont déposé des trophées sanglants. C'est en son âme et conscience qu'elle a donné l'absolution à ceux qui, pour lui frayer un chemin, ne laissaient sur leur passage que cendres et ruines», écrit l'auteur au neuvième chapitre. Empruntant la langue de la poésie et la mise en scène théâtrale, l'ouvrage de Maïssa Bey est émouvant. Des hommes, des femmes et des enfants «découvrent» le napalm : «Ce seraient incessantes, terrifiantes, des déflagrations au cœur de ténèbres indues. Des lambeaux de soleil s'accrochent et s'incrustent sous les yeux, dans la peau, dans la mémoire. A jamais.» Sur une plage, deux intellectuels analysent la situation en Algérie ou du moins tentent de le faire. En l'un deux, on reconnaît Camus. Sur la même plage, l'enfant soliloque après les massacres du 8 mai 1945. «Fallait pas partir …Si j'étais resté au collège ils ne m'auraient pas arrêté… Les automitrailleuses, les automitrailleuses, les automitrailleuses…Y en a qui tombent…y en a qui courent parmi les arbres..» L'Enfant passe devant les intellos qui ne le reconnaissent pas. «Il les dépasse», souligne l'auteure. Au fragment repris, le lecteur identifie Kateb Yacine. Sobre. Le dernier roman de Maïssa Bey ne peut être lu sans douleur. Il plonge le lecteur dans l'univers colonial, un univers où le code de l'indigénat et tout un arsenal juridique justifient l'injustifiable. Née en 1950, à Ksar El-Boukhari, Maïssa Bey a écrit de nombreux ouvrages. «Au commencement était la mer», son premier roman, a été publié en 1996. «Pierre sang papier ou cendre» a été édité aux Editions Barzakh en avril 2008.