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Emile Habibi : «Porter deux pastèques dans une seule main»
Merveilleux écrivains palestiniens
Publié dans Le Midi Libre le 14 - 01 - 2009

Personnalité controversée par les jeteurs d'anathèmes dont le champ de vision est limité par des oeillères, Emile Habibi (1921/1996) est un Palestinien de « l'intérieur ». La nationalité israélienne ne l'a cependant pas empêché de consacrer sa vie à la lutte de son peuple. Journaliste et écrivain, sa plume audacieuse et novatrice est souvent comparée à celle de Voltaire.
Personnalité controversée par les jeteurs d'anathèmes dont le champ de vision est limité par des oeillères, Emile Habibi (1921/1996) est un Palestinien de « l'intérieur ». La nationalité israélienne ne l'a cependant pas empêché de consacrer sa vie à la lutte de son peuple. Journaliste et écrivain, sa plume audacieuse et novatrice est souvent comparée à celle de Voltaire.
Considéré comme un des plus grands écrivains arabes contemporains, Emile Habibi connaît la consécration dès la parution de son premier roman en 1974. « Les Aventures extraordinaires de Saïd le Peptimiste », paru en Français, chez Gallimard en 1987 est un chef-d‘œuvre d‘innovation et d‘humour. Ses autres œuvres traduites en français sont « Les circonstances étranges de la disparition de Said Abou Nahs », « Péchés oubliés » et « Soraya fille de l‘ogre ». Interviewé en 1994 par le journaliste Kenneth Brown , Emile Habibi a des réponses pétillantes d‘humour. « Je me suis toujours senti capable de «porter deux pastèques dans une seule main», ce qui est une aberration dans notre sagesse populaire. » déclare-t-il, parlant de son double sacerdoce d‘écrivain et de militant. Il ajoute, l‘exercice s‘étant révélé impossible, «avoir préféré sauver celle de la littérature ». Comme souvent les écrivains palestiniens, la nouvelle est le premier genre littéraire qui le captive. Et c‘est lorsque le groupe politique dont il est le sympathisant décide de publier ses nouvelles qu‘il se met à militer, acceptant de sacrifier son don de créateur sachant que les autres sacrifient leur vie. C‘est ce déchirement entre deux vocations que l‘auteur narre dans la fable de «Soraya, fille de l‘ogresse». «Plus tard, je ne suis revenu au travail d‘écriture que parce que j‘étouffais dans les labyrinthes de l‘activité politique. J‘avais parfois l‘impression d‘être une mouche prisonnière d‘une toile d‘araignée, dont rien ne pouvait me sauver sauf l‘exercice de la littérature.» avoue encore l‘écrivain à Kenneth Brown.
Un pommier qui donne
des pommes de terre
«Je suis un pommier et j‘ai décidé de produire des pommes de terre pour nourrir la population.» C‘est ainsi que cet écrivain facétieux se définit parfois. Analysant le don de la création artistique, Emile Habibi qui remarque que seule une minorité le possède à travers le temps et chez tous les peuples, se demande si celui qui le possède a le droit de le sacrifier même si c‘est pour la juste cause de son peuple et celle de l‘humanité tout entière. Pourtant pour lui quand on appartient à un peuple opprimé comme l‘est le peuple palestinien, la question ne se pose pas. «C‘est pourtant cette interrogation qui m‘a aidé à distinguer le domaine de l‘activité politique de celui de la création artistique. Et, à mon sens, le premier trait distinctif est dans le point de départ. Alors que ce point de départ, dans le souci des politiciens, s‘oriente vers l‘extérieur (l‘ennemi, l‘ami, l‘allié, l‘adversaire, etc.), celui du créateur artistique est dirigé vers l‘intérieur, vers son propre être et l‘Etre commun. Notre tâche essentielle, sans pour cela délaisser nos devoirs envers l‘extérieur, est de garder ardent le tison de la conscience individuelle et collective. Je reconnais que, sans l‘activité politique, il n‘y aura pas de changement liminaire. Je reconnais le lien dialectique entre l‘homme politique et le créateur, mais j‘avoue avoir souffert de ne pouvoir que négliger le rôle de ce dernier». Ainsi, l‘écrivain audacieux recommande-t-il aux créateurs de refuser de s‘enfermer dans un carcan politique quel qu‘il soit. «Ce n‘est sûrement pas un hasard si dans la nature, il existe des poiriers en même temps que des plants d‘aubergines. A chacun son rôle !»
L‘arme redoutable de la dérision
Concernant le style satirique qui le caractérise, Emile Habibi se revendique de la tradition des Ibn Mouqaffaa (VIIIème siècle) et autres Aboul Alâ Al Ma‘arrî, (XIe siècle). «Ce genre a su s‘imposer et défier la répression culturelle que nous ont infligée les tyrans à travers les siècles.» dit-il. Le rôle de la satire en littérature est de détruire les idoles et de disperser cette aura suspendue au-dessus de la tête des gens de pouvoir, afin de les remettre à leur vraie place parmi les autres humains, souligne-t-il. «Nous avons cru le pacha pacha, il s‘est révélé être un simple esclave ». L‘écrivain puise largement dans l‘ironie qu‘il considère comme être un trait essentiel du folklore de son peuple et de son patrimoine littéraire. « Si j‘ai choisi le ton mordant de la dérision, c‘est certainement à cause de la situation tragique dans laquelle nous nous sommes trouvés au sein de l‘Etat d‘Israël. A savoir celle d‘une minorité en péril, du seul fait qu‘elle continue d‘exister dans son propre pays, et ne possédant aucune arme, pas même des pierres ! Dans ces conditions, il n‘a pas toujours été facile de se moquer de celui qui impose l‘injustice, ni de celui qui se résigne à la subir. Je ne sais toujours pas qui, de l‘Israélien oppresseur ou du Palestinien opprimé, est le plus aliéné !»
La diversité des dialectes, signe de progrès et d‘évolution
Très ouvert, le fils de Haiffa considère les particularismes populaires locaux comme un élément précieux de la culture arabe. «Cette diversité est un signe de progrès et d‘évolution, et ne signifie en aucun cas "l‘effondrement" de l‘entité arabe dans son ensemble. (…)La littérature régionale arabe est en tête de ces spécificités, et il va de soi que ce qui détermine cette littérature nationale est le dialecte du pays. (…)Je crois que la sauvegarde de l‘héritage culturel est la tâche primordiale de l‘écrivain, surtout quand celui-ci appartient au peuple arabe palestinien dont tant de générations ont subi ruptures, éparpillements, massacres et morcellements politiques. D‘où l‘importance, pour un écrivain, de connaître le patrimoine littéraire de son pays, son style et son folklore sui generis». Ayant exploré nombre de questions théoriques liées à la culture des peuples et à celle des Palestiniens en particulier, Emile Habibi semble torturé en cette année 1994 par la question de l‘évolution du processus de paix. Parlant de la pièce de théâtre qu‘il écrit alors sur les relations entre les habitants de Ain Houd et leurs voisins de Aïn Haoudh, il déclare : «Je l‘ai commencée avant le traité de Reconnaissance mutuelle, mais j‘ai constaté que les conséquences de ce traité n‘apportent aucune modification à ce que j‘ai déjà rédigé. Cela dit, Dieu seul est maître de nos vies…». Il décède deux années plus tard.
K. T.
Considéré comme un des plus grands écrivains arabes contemporains, Emile Habibi connaît la consécration dès la parution de son premier roman en 1974. « Les Aventures extraordinaires de Saïd le Peptimiste », paru en Français, chez Gallimard en 1987 est un chef-d‘œuvre d‘innovation et d‘humour. Ses autres œuvres traduites en français sont « Les circonstances étranges de la disparition de Said Abou Nahs », « Péchés oubliés » et « Soraya fille de l‘ogre ». Interviewé en 1994 par le journaliste Kenneth Brown , Emile Habibi a des réponses pétillantes d‘humour. « Je me suis toujours senti capable de «porter deux pastèques dans une seule main», ce qui est une aberration dans notre sagesse populaire. » déclare-t-il, parlant de son double sacerdoce d‘écrivain et de militant. Il ajoute, l‘exercice s‘étant révélé impossible, «avoir préféré sauver celle de la littérature ». Comme souvent les écrivains palestiniens, la nouvelle est le premier genre littéraire qui le captive. Et c‘est lorsque le groupe politique dont il est le sympathisant décide de publier ses nouvelles qu‘il se met à militer, acceptant de sacrifier son don de créateur sachant que les autres sacrifient leur vie. C‘est ce déchirement entre deux vocations que l‘auteur narre dans la fable de «Soraya, fille de l‘ogresse». «Plus tard, je ne suis revenu au travail d‘écriture que parce que j‘étouffais dans les labyrinthes de l‘activité politique. J‘avais parfois l‘impression d‘être une mouche prisonnière d‘une toile d‘araignée, dont rien ne pouvait me sauver sauf l‘exercice de la littérature.» avoue encore l‘écrivain à Kenneth Brown.
Un pommier qui donne
des pommes de terre
«Je suis un pommier et j‘ai décidé de produire des pommes de terre pour nourrir la population.» C‘est ainsi que cet écrivain facétieux se définit parfois. Analysant le don de la création artistique, Emile Habibi qui remarque que seule une minorité le possède à travers le temps et chez tous les peuples, se demande si celui qui le possède a le droit de le sacrifier même si c‘est pour la juste cause de son peuple et celle de l‘humanité tout entière. Pourtant pour lui quand on appartient à un peuple opprimé comme l‘est le peuple palestinien, la question ne se pose pas. «C‘est pourtant cette interrogation qui m‘a aidé à distinguer le domaine de l‘activité politique de celui de la création artistique. Et, à mon sens, le premier trait distinctif est dans le point de départ. Alors que ce point de départ, dans le souci des politiciens, s‘oriente vers l‘extérieur (l‘ennemi, l‘ami, l‘allié, l‘adversaire, etc.), celui du créateur artistique est dirigé vers l‘intérieur, vers son propre être et l‘Etre commun. Notre tâche essentielle, sans pour cela délaisser nos devoirs envers l‘extérieur, est de garder ardent le tison de la conscience individuelle et collective. Je reconnais que, sans l‘activité politique, il n‘y aura pas de changement liminaire. Je reconnais le lien dialectique entre l‘homme politique et le créateur, mais j‘avoue avoir souffert de ne pouvoir que négliger le rôle de ce dernier». Ainsi, l‘écrivain audacieux recommande-t-il aux créateurs de refuser de s‘enfermer dans un carcan politique quel qu‘il soit. «Ce n‘est sûrement pas un hasard si dans la nature, il existe des poiriers en même temps que des plants d‘aubergines. A chacun son rôle !»
L‘arme redoutable de la dérision
Concernant le style satirique qui le caractérise, Emile Habibi se revendique de la tradition des Ibn Mouqaffaa (VIIIème siècle) et autres Aboul Alâ Al Ma‘arrî, (XIe siècle). «Ce genre a su s‘imposer et défier la répression culturelle que nous ont infligée les tyrans à travers les siècles.» dit-il. Le rôle de la satire en littérature est de détruire les idoles et de disperser cette aura suspendue au-dessus de la tête des gens de pouvoir, afin de les remettre à leur vraie place parmi les autres humains, souligne-t-il. «Nous avons cru le pacha pacha, il s‘est révélé être un simple esclave ». L‘écrivain puise largement dans l‘ironie qu‘il considère comme être un trait essentiel du folklore de son peuple et de son patrimoine littéraire. « Si j‘ai choisi le ton mordant de la dérision, c‘est certainement à cause de la situation tragique dans laquelle nous nous sommes trouvés au sein de l‘Etat d‘Israël. A savoir celle d‘une minorité en péril, du seul fait qu‘elle continue d‘exister dans son propre pays, et ne possédant aucune arme, pas même des pierres ! Dans ces conditions, il n‘a pas toujours été facile de se moquer de celui qui impose l‘injustice, ni de celui qui se résigne à la subir. Je ne sais toujours pas qui, de l‘Israélien oppresseur ou du Palestinien opprimé, est le plus aliéné !»
La diversité des dialectes, signe de progrès et d‘évolution
Très ouvert, le fils de Haiffa considère les particularismes populaires locaux comme un élément précieux de la culture arabe. «Cette diversité est un signe de progrès et d‘évolution, et ne signifie en aucun cas "l‘effondrement" de l‘entité arabe dans son ensemble. (…)La littérature régionale arabe est en tête de ces spécificités, et il va de soi que ce qui détermine cette littérature nationale est le dialecte du pays. (…)Je crois que la sauvegarde de l‘héritage culturel est la tâche primordiale de l‘écrivain, surtout quand celui-ci appartient au peuple arabe palestinien dont tant de générations ont subi ruptures, éparpillements, massacres et morcellements politiques. D‘où l‘importance, pour un écrivain, de connaître le patrimoine littéraire de son pays, son style et son folklore sui generis». Ayant exploré nombre de questions théoriques liées à la culture des peuples et à celle des Palestiniens en particulier, Emile Habibi semble torturé en cette année 1994 par la question de l‘évolution du processus de paix. Parlant de la pièce de théâtre qu‘il écrit alors sur les relations entre les habitants de Ain Houd et leurs voisins de Aïn Haoudh, il déclare : «Je l‘ai commencée avant le traité de Reconnaissance mutuelle, mais j‘ai constaté que les conséquences de ce traité n‘apportent aucune modification à ce que j‘ai déjà rédigé. Cela dit, Dieu seul est maître de nos vies…». Il décède deux années plus tard.
K. T.


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