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Victime d'un faux barrage, un entrepreneur succombe à ses blessures Kabylie, en finir avec les kidnappings
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 20 - 11 - 2010

La série noire des kidnappings continue :60 enlèvements en quatre ans. Les opérateurs économiques, cible privilégiée des groupes armés : un coup fatal à l'économie de la région.
La population d'Aghribs, à une quarantaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, est sous le choc.L'entrepreneur, qui a été blessé, dimanche dernier, par des kidnappeurs, a succombé à ses blessures, hier matin. Hand Slimana, 49 ans, propriétaire d'une entreprise de travaux publics, a reçu deux balles à l'abdomen au moment où il tentait d'échapper aux auteurs d'un faux barrage dressé par un important groupe armé au lieudit Bouhelalou, à 4 km au sud d'Aghribs.
Il a été transporté à l'hôpital d'Azazga par des citoyens qui s'étaient rendus sur les lieux peu de temps après l'attentat. Les assaillants étaient déguisés en éléments des services de sécurité. Son cousin Omar, âgé de 34, sans emploi et père d'un enfant, a été enlevé lors de ce faux barrage.
Il est toujours entre les mains des ravisseurs. D'ailleurs, pour obtenir sa libération, une cellule de crise a été mise en place dans son village, Imekhlef. Les villageois avaient décidé d'une marche pacifique pour aujourd'hui, à 10h, avant de la reporter suite au décès de l'entrepreneur hier matin. «Après le décès de Hand, la marche a été reportée. Le défunt était un homme intègre et estimé par tous les citoyens de la région. Il a laissé une veuve et cinq enfants», nous a déclaré un citoyen de la localité qui nous a précisé aussi que l'enterrement du défunt aura lieu aujourd'hui dans son village natal, Imekhlef. Le jour de l'Aïd, mardi dernier, les citoyens de la région d'Ath Jennad ont organisé une caravane de sensibilisation et de solidarité avec les familles des victimes et en vue de demander la libération de l'otage. Ils ont sillonné les territoires des régions d'Ath Jennad, Iflissen et Azazga.
La nouvelle du décès de Hand Slimana a vite fait le tour de la localité, jetant émoi et consternation au sein de la population.
«La situation s'aggrave de plus en plus et le phénomène prend sérieusement de l'ampleur. Aujourd'hui, il y a mort d'homme. Donc, la sonnette d'alarme est de nouveau tirée sur ces kidnappings qui laminent la Kabylie», nous dira un habitant d'Aghribs qui rappelle que plusieurs enlèvements ont eu lieu dans la région d'Ath Jennad. Le versant est de la wilaya de Tizi Ouzou a enregistré, depuis 2005, pas moins de 10 rapts. Le propriétaire d'une station de concassage à Fréha, en juillet dernier, un vétérinaire et le cogérant du groupe ETRHB avaient été kidnappés respectivement en juillet 2010, en septembre 2008 et en mars 2006 dans la même région. Ils ont été relâchés après plusieurs jours de captivité. Les ravisseurs exigeaient le versement de rançon contre la libération de leurs otages.
Mais depuis quelques mois, ils renoncent souvent à leur demande, car les victimes sont libérées après la mobilisation des villageois.
C'est à Iflissen, dans la daïra de Tigzirt, à 50 km au nord de Tizi Ouzou, que les habitants d'Issenadjène avaient fait plier les kidnappeurs en novembre 2009. Le propriétaire d'un restaurant, enlevé à l'intérieur de son établissement, a été relâché sans condition, alors qu'au préalable, les ravisseurs avaient exigé 700 millions de centimes. La même mobilisation a été rééditée dans plusieurs localités de la Kabylie, notamment à Boghni et Fréha, l'été dernier.
Par ailleurs, notons que plusieurs victimes ont été blessées par balle lors des tentatives de rapt. On citera, à titre d'exemple, le commerçant qui a échappé, le 3 octobre dernier, à un enlèvement devant chez lui, à Azib Ahmed, dans la commune de Tizi Ouzou. Il avait été blessé à la jambe. Un commerçant a été libéré lundi dernier à Beni Douala après
50 jours de captivité.
Hafid Azzouzi
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Soixante enlèvements en quatre ans
le 20.11.10 | 03h00
Dimanche 14 novembre, 22h. La circulation automobile est timide sur la RN71.
Rentrant chez lui à bord de son véhicule en compagnie de son cousin, Slimana Hand, entrepreneur, est intercepté dans un faux barrage dressé par un groupe terroriste fortement armé sur la route de Bouhlalou, entre Azazga et Aghribs. Flairant sans doute le traquenard, l'entrepreneur a tenté de prendre la fuite, mais il sera atteint de plusieurs balles. Il sera abandonné sur les lieux, tandis que son compagnon sera emmené par les terroristes vers une destination inconnue à bord du véhicule de la victime laissée sur place. Grièvement touché, l'entrepreneur a succombé à ses blessures, hier, dans une clinique privée à Tizi Ouzou. Avec cet enlèvement, la wilaya de Tizi Ouzou enregistre son 61e rapt depuis 2006, selon un décompte établi par la presse.
Les localités de Maâtkas, Boghni et Ouacifs, situées dans le versant sud de la région, sont les plus touchées par ce phénomène. D'autres enlèvements ont été perpétrés à Beni Douala, Fréha, Iflissen et Aït Yahia Moussa. A elle seule, la daïra de Maâtkas a enregistré 9 cas d'enlèvement de commerçants qui se sont soldés par le versement de fortes rançons en échange de la libération des otages. Les victimes ciblées sont notamment les commerçants et les entrepreneurs. Le premier acte de kidnapping dans la wilaya de Tizi Ouzou a eu lieu fin 2005 et visé un commerçant exerçant à Maâtkas.
En mars 2006, Meziane Haddad, le patron du groupe de travaux publics ETRHB, a été enlevé sur la route d'Azeffoun. Il sera relâché contre le paiement d'une somme de 24 milliards de centimes. Le procès de cette affaire a eu lieu au tribunal de Tizi Ouzou en présence de la victime. Les auteurs de ces kidnappings jugés par contumace ont été condamnés à perpétuité. A la veille des élections législatives de 2007, un candidat indépendant avait aussi été la cible d'un kidnapping. Entrepreneur de métier, il avait été enlevé à proximité de son chantier dans la région de Yakouren. La victime avait été libérée après que sa famille eut versé une rançon. Face à cette recrudescence des enlèvements, la population s'inquiète et s'interroge sur la facilité déconcertante avec laquelle les groupes armés frappent dans la région.
Les citoyens se sentent livrés à eux-mêmes, notamment dans les zones rurales sans couverture sécuritaire efficace en dépit du déploiement des militaires dans le cadre du dispositif de lutte antiterroriste. Une situation qui accroît le climat d'insécurité qui règne dans la wilaya depuis plusieurs années et ruine davantage l'espoir d'une relance du développement dans cette partie du pays. Attribués aux groupes islamistes activant en Kabylie, les kidnappings sont devenus un business lucratif pour ces derniers. Une filière du grand banditisme est soupçonnée d'y recourir elle aussi pour récolter de l'argent.
Etant rarement élucidés et leurs auteurs restant souvent non identifiés et impunis, les kidnappings ont fini par prendre l'aspect d'un véritable commerce florissant engrangeant des milliards de dinars chaque année, d'autant plus que les services de sécurité n'ont jamais entrepris d'opérations de libération d'otages. Dans l'impunité la plus totale, les groupes armés continuent de cibler des opérateurs économiques et leurs enfants. Pour des observateurs, «il est plus aisé pour les terroristes de s'en prendre à un commerçant ou un entrepreneur et demander des sommes d'argent qui se chiffrent à des centaines de millions aux parents de l'otage que d'organiser des attaques à main armée contre des bureaux de poste ou des banques. Des opérations devenues risquées et rapportant moins en termes de butin, en raison des mesures sécuritaires et organisationnelles prises par les pouvoirs publics pour prévenir ce genre de crime, observé depuis le début de la décennie en cours».
Toutefois, dans certaines communes de la wilaya de Tizi Ouzou, les citoyens ont réussi à faire courber les kidnappeurs grâce à la mobilisation de la population. C'est le cas d'ailleurs des villageois d'Issenadjène, dans la commune d'Iflissen, où le propriétaire d'un restaurant kidnappé a été relâché au bout de 72 heures de captivité, sans versement de rançon. Il en est de même à Boghni où un vieil homme de 81 ans, ancien entrepreneur, a été libéré par ses ravisseurs sous la pression de la population.
A Fréha, aussi, un otage a retrouvé les siens après un rassemblement et une marche organisée par une cellule de crise mise en place au lendemain de son enlèvement. Un appel à une marche et à une grève générale a été lancé par des représentants des villageois de la localité d'Aghribs après l'enlèvement, dimanche dernier, d'un homme de 34 ans, par un groupe armé qui avait dressé un faux barrage sur la RN71. «La mobilisation se poursuivra et s'intensifiera jusqu'à la libération de notre frère», est-il indiqué dans un communiqué transmis à la presse par la cellule de crise mise en place à cet effet.
Ahcène Tahraoui
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Opérateurs économiques : Cible privilégiée des groupes armés
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le 20.11.10
Lorsque le premier acte d'enlèvement a été signalé en 2006 et dont a été victime un membre de la famille Haddad, propriétaire du groupe ETRHB, nul ne s'attendait à ce que le phénomène des kidnappings s'inscrive dans la durée avec toutes les retombées néfastes que subit actuellement l'économie locale, notamment dans la wilaya de Tizi Ouzou. Depuis, un climat d'insécurité s'est installé dans les milieux économiques au niveau local. Du coup, l'activité économique dans la région en prend un coup à tel point que la wilaya a du mal à sortir du sous-développement dans lequel elle se débat ces dernières années.
Pire encore, la région donne l'apparence d'observer un cycle de désinvestissement ces dernières années en dépit d'importants budgets dégagés par l'Etat sous forme de projets d'utilité publique qui visent à faire sortir la région de son marasme. Dans la discrétion, les commerçants et les investisseurs potentiels quittent un après un la région pour aller s'installer ailleurs, dans d'autres wilayas où le minimum de sécurité est garanti. Dans la région, le scénario de délocalisation des unités industrielles ou commerciales est fréquent. La situation a engendré un vide sur la scène économique locale. «Après une décennie de terrorisme, ce sont les enlèvements d'entrepreneurs, commis par le terrorisme associé au grand banditisme, qui se répercutent, malheureusement, sur la santé des entreprises et l'économie locale», déclarait récemment M. Ikharbane, sénateur et ancien P/APW de Tizi Ouzou.
Interrogé sur les conséquences du climat d'insécurité qui prend de l'ampleur dans la région, le président de la Chambre de commerce et d'industrie Djurdjura, Ameziane Medjkouh, reconnaît qu'«il devient de plus en plus difficile de convaincre les gens d'investir dans la région».
Pour mesurer l'impact de l'insécurité dans cette région, il suffit de voir la plupart des 20 zones d'activité dont dispose la wilaya de Tizi Ouzou et qui tardent à connaître le démarrage de l'activité économique tant attendue. A l'exception des zones aménagées sur les axes sécurisés, comme le chef-lieu de wilaya ou à Draâ Ben Khedda, les opérateurs économiques interrogés reconnaissent tous leur hésitation à aller investir dans des zones situées dans des localités comme Boghni, Mekla ou Aïn El Hammam.
En conséquence, le potentiel de la wilaya dépérit graduellement. L'exemple du secteur du tourisme illustre bien la situation : les autorités ont projeté huit zones d'extension touristique (ZET) le long du littoral de la wilaya de Tizi Ouzou, à Azzeffoun et Tigzirt, depuis des années, mais à ce jour, elles restent en friche et ne peuvent être attractives dans un climat sécuritaire en nette dégradation. M. Medjkouh dira à cet effet : «Le créneau touristique est encore vierge, mais son développement nous ramène à la question de la situation sécuritaire.» En tout cas, même si aucune statistique officielle n'illustre la situation, le constat sur le terrain laisse remarquer que dans les zones les plus touchées par le phénomène des enlèvements, comme Azeffoun, Boghni, Maâtkas, Ouadhias ou Ouacifs, plusieurs commerçants parmi les plus connus ont fini par quitter la région pour s'installer dans d'autres wilayas.
Mohamed Naili


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