J'ai remarqué, au cours de ces dernières semaines, comme une accélération, une frénésie, au sein de la mouvance islamiste. Comme si un coup de sifflet y avait retenti. Déclarations, prêches enflammés, annonces fracassantes d'un retour annoncé sur la scène publique, revendications politiques de plus en plus audacieuses. L'islamisme politique algérien est en effervescence. Personnellement, j'ai toujours affirmé, de façon audible, que l'islamisme politique avait droit d'expression dans notre pays, tant qu'il se revendiquerait d'une légitimité populaire, et qu'il reposerait sur des fondements démocratiques, tels qu'universellement admis. Or, que n'entendons nous pas, depuis quelque temps ? Que la seule légitimité est celle de Dieu, que la démocratie, après avoir été kofr, était devenue une invention franc-maçonnique, que l'article 2 de la constitution, à savoir que l'islam est la religion de l'Etat, devra être appliqué dans toute sa rigueur, que la consommation d'alcool devra être proscrite, que la liberté des citoyens de choisir devra se conformer à toutes les dispositions de la chariaa, et tant et tant de déclarations du même genre, qui annoncent un regain d'intolérance et d'intégrisme. J'ai toujours pensé, et c'est là mon opinion personnelle, que la démocratie est le moins mauvais des systèmes de cohabitation des hommes au sein d'une même société. Et je suis tout aussi convaincu que toutes les sociétés reposant sur des valeurs qui leur sont propres, il est tout à fait compréhensible, voire méritoire, qu'elles adaptent leurs institutions, et qu'elles fixent leurs grandes orientations sur des modèles qui sont en adéquation avec leurs propres ancrages civilisationnels, et leurs identités propres. Modernité ne signifie pas forcément « occidentalité », même si nos sociétés, souvent retardées dans leurs évolution par un parcours historique défavorable, n'ont pas eu d'autre choix que d'arrimer leur existence à la locomotive d'un occident qui les a longtemps opprimées, et qui continue de se sustenter de leurs ressources les plus vives, les seules qui peuvent les propulser enfin à des niveaux de vie dignes. Hier, il les a colonisées, puis il a continué de les exploiter, et désormais, il leur coupe toute possibilité de pouvoir se hisser à son niveau, puisqu'il leur pompe toutes les énergies et les potentialités humaines susceptibles de l'activer et de l'organiser. Des ressources qui ont été formées grâce à des sacrifices immenses, et que l'occident cueille sans bourse délier. Il est donc normal, voire légitime, que nos sociétés ne tombent pas en pamoison intégrale devant les modèles démocratiques occidentaux en l'état, sans chercher à les adapter, et pourquoi pas à les améliorer. Il serait d'autant plus souhaitable que nous puissions trouver les ressources nécessaires pour les humaniser, pour les rendre plus vrais, moins trompeurs, moins malléables pour les lobbies occultes de tout crin qui ont su en détourner toutes les nobles intentions, pour des intérêts souvent sordides. Mais, il n'est pas question, pour autant, de jeter le bébé avec l'eau du bain. La démocratie, que nous le voulions ou non, et malgré non pas ses imperfections, mais les manipulations qui l'ont affectée, reste le meilleur modèle de gestion des sociétés, et de cohabitation des hommes les uns avec les autres, que l'humanité a connu. C'est du moins mon avis. Je ne connais pas de texte plus juste, et plus humaniste, que la déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen. C'est aussi mon avis, mais personne ne me convaincra du contraire. Certains islamistes, les plus tonitruants parmi eux du moins, tiennent à l'endroit de la démocratie un discours tout à fait clair. Elle ne serait pas licite. Selon eux, c'est l'inverse de la question qui se pose: La démocratie est elle soluble dans l'islam ? Et ils répondent à leur propre interrogation en affirmant que non. A notre tour de répondre à ces questions lancinantes. N'attendons pas, encore une fois, que des manipulateurs criminels nous plongent dans un bain de sang, ni que des illuminés qui ne savent peut-être même pas qu'ils sont télécommandés viennent nous asséner leurs propres convictions, comme autant de commandements indiscutables, sous peine de mort. Pour ma part, voici les questions que je pose : -L'islamisme politique est-il seulement une mouvance qui se fonde sur des valeurs civilisationnelles musulmanes, ou un mode de gestion de la société qui tend à la moralisation et à la censure des moeurs, conformément à la chariaa ? -L'islamisme reconnait-il la notion de souveraineté au seul peuple, où considère-t-il qu'elle n'appartient qu'à Dieu ? -L'islam est la religion de l'Etat, selon la constitution du pays, est-il nécessaire de conserver cet article, et si oui, quel devra en être le niveau d'application ? -Si les islamistes parviennent démocratiquement au pouvoir, voudront-ils et pourront-il changer la constitution et les lois, pour imposer à la société une application stricte de la chariaa ? Et si oui, faudra-t-il s'y plier ? J'espère que ces questions susciteront un débat serein et responsable, sans anathèmes ni verdicts péremptoires. Nous avons le devoir de nous impliquer dans ces graves questions qui concernent l'avenir de notre nation. Nous n'avons pas le droit de nous dérober, encore une fois. D.Benchenouf