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Entre l'Olympiade de Londres et l'Olympiade de la Mar del Plata
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 29 - 08 - 2012

Par Sin Jim, texte traduit par Kamal Guerroua le 21 août 2012
(Texte publié en langue arabe le 12 août 2012 dans la rubrique ZOOM)
Beaucoup d'algériens furent heureux lorsque le jeune Makhloufi, l'enfant de l'Algérie profonde eut remporté cette orpheline médaille aux Olympiades de Londres. L'exploit personnel de ce jeune qui mérite d'ailleurs tant de respect et d'encouragements s'est transformé en une carte dont d'aucuns font usage en vue de dissimuler la médiocrité qui gangrène le sport algérien. Pire, d'autres sont même allés loin en prétendant que sa médaille est une prouesse parmi d'autres de son Excellence (fakhamatouhou) même s'il est avéré que le seul qui était chargé aussi bien de l'entraînement que de la formation durant six mois de ce jeune homme fut bel et bien un coach somalien (je vous l'assure, c'est un somalien).
A dire vrai, les détails de l'histoire du héros Makhloufi et les Olympiades de Londres ne concernent pas l'auteur de ces lignes mais les algériens ont-ils vent d'une autre Olympiade qui a eu lieu, celle-là, dans une autre ville du monde qui s'appelle Mar del Plata?
Je ne pense pas que trop de monde en ait entendu parler…y compris l'auteur de cet article jusqu'alors. C'est une pittoresque ville du littoral argentin (son nom signifie « la mer de l'argent»), située en plein océan atlantique et distante d'environ 400 kilomètres de la capitale Buenos Aires. Cette ville a accueilli, il y a quelques jours, une autre Olympiade que le jeune algérien ignore, tout comme le peuple et même le gros lot de ses élites. C'est l'olympiade des cerveaux, une compétition où l'on découvre les savants d'avenir, les timoniers des civilisations et les génies des nations. C'est l'olympiade mondiale des mathématiques. Une compétition qui n'a suscité à ce que l'on sait aucun intérêt ni couverture médiatique. Et pourtant, elle est la seule qui puisse faire découvrir le degré d'investissement des nations dans leurs ressources humaines.
Cette olympiade est organisée chaque année durant le mois de juillet, connue sous le titre «d'olympiade mondiale des mathématiques» et dans laquelle chaque pays envoie une équipe composée de ses meilleurs élèves de deuxième et de troisième année du secondaire (six élèves en tout) qui vont se lancer dans une rude compétition durant quelques jours afin de résoudre une série d'exercices de mathématiques, lesquels, bien que très sélectifs et soigneusement triés, ne nécessitent aucune information évoluée autre que celle que l'élève aurait acquise tout au long de son parcours secondaire. En plus, leur résolution tient essentiellement en l'intelligence du concurrent, ses dons, son intuition, ses capacités d'analyse et surtout du « background» qu'il lui a été inculqué pour traiter ce genre de problèmes.
Dans cette olympiade, il y a aussi des médailles d'or, d'argent et de bronze. C'est une compétition dans laquelle l'on classe les pays sur la base des résultats de chacune de leurs équipes. L'on s'interroge donc quelle fut la part de l'Algérie et qui fut alors «le Makhloufi» de l'olympiade des mathématiques? Hélas, il n'y avait pas de «Makhloufi» des mathématiques pour la simple raison que l'Algérie n'y avait pas participé! En fait, l'Algérie n'a participé à cette compétition scientifique depuis 1997 qu'une seule fois en 2009. La cause de cette absence a une histoire à la fois loufoque et triste que le professeur Khaled Saâdallah avait exposée à l'époque dans l'un de ses articles. J'essaie d'y revenir succinctement afin de pouvoir dévoiler l'autre visage de la tragédie algérienne, son ridicule ainsi que le crime commis à l'encontre de nos propres enfants.
En 1991, cette olympiade a été organisée en Suède et l'Algérie y avait participé avec son équipe mais en raison de la prolongation de son séjour dans le pays organisateur, elle se retrouva incapable de payer la facture et lui est resté des redevances qui avoisinaient les 2000 euros. C'est pourquoi, le comité suédois organisateur a été amené à saisir la tutelle (le Ministère de l'Education Nationale) et cela durant des années en vue de régler cette somme mais le Ministère concerné n'y avait prêté aucune importance. Ce qui amené logiquement ledit comité à se référer au comité mondial en 1997, lequel avait décidé à son tour de geler la participation de l'Algérie jusqu'à ce qu'elle paye ses dettes s'étalant de 1997 à 2009 vu que le Ministère de Benbouzid restait de marbre, privant tout un pays de participer à l'olympiade des mathématiques. Et il s'est avéré même que cette décision aurait été accueillie avec ferveur et lui fut plus qu'un réconfort qui le débarrasserait des soucis de préparation, des péripéties des éliminatoires et par-dessus le marché lui évitera la mise à nu des vices de l'école algérienne. Mais en 2008, un groupe d'enseignants algériens avait voulu ressusciter le rituel de l'olympiade des mathématiques et avait découvert, à sa grande surprise, l'histoire de la non-participation de l'Algérie à cette compétition à cause de…… 2000 euros. Oui pour seulement 2000 euros !! Ironie du sort, le pays qui a dépensé 500 milliards pour une orpheline médaille d'or à Londres, qui avait affrêté des avions en vue de la fameuse razzia d'Oum Dourmane au Soudan et qui a fait venir en fanfare Mélissa et «Mister Bean», fut incapable de payer la modique somme de 2000 euros!
Par patriotisme, ces enseignants avaient décidé de réunir cette somme et de régler la dette contractée. Mais dès qu'ils avaient pris contact avec l'un des mécènes - qui voue encore au savoir du respect -, et lui avaient raconté toutes ces anecdotes, ce dernier décida de payer à lui tout seul toute la facture. Néanmoins, comme l'Algérie est l'unique pays arabe où l'on ne peut transférer de l'argent à l'extérieur, l'un des enseignants résidant à l'étranger s'en chargea. Et cela, convenons-en, est une autre facette d'une autre tragédie. Ainsi le comité mondial a-t-il levé la suspension sur la participation de l'Algérie et le Ministère avait reçu l'invitation pour participer à l'olympiade de 2009 en Allemagne. Curieusement, c'est que le Ministère ne s'est jamais évertué à s'enquérir des détails du règlement de cette affaire, s'est contenté comme si de rien n'était d'envoyer une équipe d'élèves (sans préparation ni entraînement d'ailleurs) pour y participer, laquelle équipe fut classée en fin du peloton et cela parmi les 104 pays participants alors que l'Iran fut classée à la 15e place, le Bangladesh à la 67e place et le Maroc à la 74e. Le Koweït et les Emirats arabes pour leur part , ont clôturé le classement mais avant l'Algérie tout de même.
Certes les élèves algériens qui ont pris part à cette olympiade ne manquaient pas d'intelligence en regard de leurs pairs des autres pays mais il n'en reste pas moins qu'ils manquaient inévitablement de préparation, d'entraînement et de perfectionnement. L'Olympiade des mathématiques s'est transformée en un véritable terrain de concurrence scientifique entre les nations qui s'ingéniaient à ressusciter l'âme de leurs peuples et la faire évoluer. Dans ces pays, l'opération de sélection des élèves et leur préparation se fait plusieurs mois avant ce rendez-vous voire plusieurs années avant. Des spécialistes chevronnés veillent à mener à bout tous ces préparatifs tout en faisant mûrir l'intelligence des participants.
En effet, la participation de l'Algérie en 2009, après 12 années d'absence, fut la dernière. Et pourtant rien ne l'y empêchait de continuer à y participer. Mais celui qui en scrute bien les résultats décèle les vraies raisons de l'abstention du Ministère de Benbouzid à prendre part à l'olympiade qui, sans doute, risque de révéler non seulement le côté sombre mais aussi la médiocre prestation du système éducatif algérien et le degré de dégénérescence du niveau d'enseignement. Aussi serait utile et pertinent de faire ici quelques comparaisons et d'exposer quelques statistiques qui montrent comment les pays évolués mettent les bouchées doubles pour investir dans le potentiel de leurs enfants et les pousser au summum de la performance scientifique afin de gravir les marches qu'avaient empruntées avant eux les vieilles civilisations très versées dans les mathématiques alors que notre pays se débat chaque jour dans les ténèbres de la médiocratie éducative et privilégie la politique du quantitatif sur celle du qualitatif.
L'Algérie a participé 13 fois aux olympiades des mathématiques. Elle a terminé dernière lors de ses deux dernières participations (1997 et 2010) et fini avant-dernière en 1990 et 1991 tandis que les meilleures participations de l'Algérie ont été en 1986 et 1988 où elle a été classée 21e avec une médaille d'argent et deux de bronze.
Si l'on se réfère à d'autres pays musulmans et arabes, l'on remarque qu'il y a un grand décalage en qualité et en quantité. L'Iran, ce pays que d'aucuns qualifient de religieux et d'obscurantiste, avait rapidement fait la prouesse de réaliser d'extraordinaires performances. Elle avait, en fait, participé 27 fois depuis 1985 et fut à la tête du classement mondial en 1998. A son actif, 36 médailles d'or, 77 d'argent et 31 de bronze. Il est à noter que ce pays se classe souvent et cela depuis plus de 15 ans parmi les dix premiers. C'est le cas également de la Turquie, laquelle ne cesse ces dix dernières années de collectionner les médailles d'or et de remporter les meilleures places sur le podium du savoir. Nos deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, bien qu'ils soient en deçà des performances de la Turquie et de l'Iran, sont loin de pâtir de la même honteuse situation de l'Algérie. A lui seul, le Maroc a engrangé 4 médailles d'argent et 32 de bronze dans 30 participations. Quant à la Tunisie, elle a participé 21 fois et remporté une seule médaille d'or, 4 d'argent et 13 de bronze.
Peut-être serait-il intéressant à cette occasion de signaler la participation de la Syrie cette année, oui la Syrie et l'obtention par l'un des membres de son équipe d'un tableau d'honneur.
Incontestablement, la vraie surprise a été l'Arabie Saoudite. Sa première participation date de 2004 et elle était le plus souvent classée en queue du peloton mais dès 2009, elle a commencé à remporter des médailles jusqu'à ce qu'elle ait pu être classée 29e cette année devançant même la France, l'Allemagne et Israël. Elle a eu à son actif deux médailles d'argent et 7 de bronze, récoltées lors des trois dernières participations. Ce qui constitue un saut qualificatif surprenant. En dépit de la régression du niveau d'enseignement en Arabie Saoudite, les olympiades des mathématiques ont attiré une particulière attention des responsables en raison du «prestige» et de l'éclat qu'elles donnent comme preuve du succès de leur système éducatif devant l'opinion publique. Pour cela, de colossaux efforts ont été consentis de leur part afin de sélectionner l'élite des élèves et la soumettre à un entraînement intensif de la part de spécialistes sans pour autant prendre en considération la substance du processus éducatif ou remettre en question le système éducatif de façon à ce que les résultats soient réellement expressifs du niveau d'enseignement, ce qui est, du reste, très malheureux.
Il est important de souligner le fait que dans ces pays vainqueurs des olympiades, l'enseignement est assuré dans la langue maternelle et nul parmi eux n'a trouvé de prétexte pour essayer de coller ses échecs passés à la langue d'enseignement parce que l'expérience a prouvé que le couac est ailleurs.
En fait, on a voulu par le biais de cette analyse mettre à nu l'autre facette de la tragédie algérienne. Dans notre pays, les décideurs se sont évertués depuis plus d'une décennie à gaver le peuple par des réformes qui sont plus proches du travail de sape que d'autre chose et tendent à gonfler de manière factice les résultats de la réussite et satisfaire les vœux de la société en engouffrant les étudiants titulaires de diplômes du baccalauréat dont la crédibilité est entachée d'irrégularités et des moyennes gonflées dans les universités, ce qui nous pousse en toute logique à nous poser des questions pertinentes : Pourquoi l'Algérie n'envoie-t-elle pas ses brillants élèves pour participer à cette olympiade des mathématiques comme ont participé leurs pairs d'autres pays afin que nous puissions constater de visu le degré de succès des réformes de Benzaghou et de Benbouzid? Le vrai défi de Benbouzid ou de son successeur serait d'envoyer une équipe des meilleurs élèves en Algérie afin de pouvoir participer à la prochaine olympiade en Colombie (après l'avoir préparé bien sûr). Il ne serait jamais question ici de douter ou de minimiser les capacités de nos enfants mais force est de constater que la réussite scientifique n'est pas l'unique résultante d'une l'intelligence innée mais elle est aussi produit d'un système éducatif sain, jumelé à un entraînement et un perfectionnement des dons innés, ce qui fait cruellement défaut d'ailleurs dans notre système à nous dans la mesure où un système de cours de soutien (rattrapage), de rachat, de la couleur des tabliers, du gavage dans l'apprentissage, des résultats gonflés à l'extrême n'est fait que pour enterrer les compétences et non pour les forger.
Ironie du sort, il est une chose qui attriste le cœur quand on sait qu'un pays dévasté par la guerre civile comme la Syrie a participé avec une équipe aussi complète qu'homogène…tandis que l'on trouve un autre pays, détenteur d'un excédent financier faramineux et qui de surcroît dépense des milliards de dollars pour commercialiser médiatiquement l'étiquette aussi bien du développement que de la stabilité et dont les ministres de l'éducation s'enorgueillissent du nombre des réussites, tristement timoré ou incapable d'envoyer une petite poignée d'élèves pour se lancer dans une compétition comme leurs pairs dans bien d'autres pays du monde? Ou s'agirait-il alors d'un acte prémédité?
L'olympiade des mathématiques est une noble compétition qui ne nécessite pas un pactole d'argent ni une importante médiatisation. Elle est dépourvue d'offres de publicité, de droits de diffusion suspects et de scandales à répétition de dopage. C'est une compétition où il n'y a plus de place au népotisme ni aux interventions, où le pauvre est égal au riche, où l'on saurait découvrir à quel point les nations mettent à profit leur potentiel humain et estiment le savoir à sa juste valeur. Elle est également le carrefour où se rencontrent les génies de demain et les bâtisseurs de civilisations. C'est pourquoi on ne devrait plus tomber des nues quand on voit l'Iran s'échiner à perfectionner son programme nucléaire alors que l'Algérie se noie encore davantage dans les ténèbres du pétrole et du gaz.
Il faut que le peuple algérien sache que tous les indicateurs et les arguments prouvent à merveille que ce qui se trame contre lui en plein jour, dépasse les limites de l'erreur et de l'intelligence. C'est incontestablement une opération de sabotage concertée des fondements de la nation et une tentative de faire régresser les algériens au stade d' «Indigènes» de l'époque coloniale. Le comble, c'est que cette fois-ci, nos compatriotes sont submergés par un analphabétisme avec des diplômes scientifiques virtuels.
Que Dieu atteste de mon témoignage…


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