Une marginalisation sournoise… Nous l'avons rencontré, par hasard, dans un café situé près de l'esplanade du port de Tipasa. Pour les commodités de l'article, nous l'appellerons Habib. La cinquantaine bien entamée, Habib est en vacances en Algérie ; plus précisément dans une ville de la Mitidja où continue de résider la branche de sa famille qui n'a pas émigré en Tunisie ; l'autre branche l'ayant fait «bien avant l'indépendance du pays (de l'Algérie, s'entend)», nous a-t-il déclaré, à ce propos, sans autre forme de précision. Comme notre interlocuteur y est né, il est facile de déduire que cela remonte, au moins, au début des années 1950 du siècle passé… Ce qui fait un bail déjà ! Ayant appris que des enfants de la communauté algérienne installée en Tunisie s'y trouvaient en vacances, il était venu ce jour-là à Tipasa : «Pour voir, nous a-t-il expliqué, s'il n'y avait pas parmi eux des enfants de familles que je connais». Comme à chaque fois, en pareilles circonstances, c'est-àdire, quand on discute avec un compatriote établi à l'étranger, la discussion a porté sur l'image que l'on n'y a de l'Algérie et, corollairement, sur l'accueil qui y est réservé à ses ressortissants. Bien que quelque peu gêné par la tournure prise par la discussion, Habib n'a pu s'empêcher de dénoncer la situation imposée aux Algériens dans ce pays, que l'on dit pourtant frère. DES DESAGREMENTS DIFFICILES À SUPPORTER Non sans préciser, toutefois, qu'il parle «de ceux, au nombre de 13 000, dont l'implantation en Tunisie est ancienne…» ; une manière de dire que les Algériens – quelque 20 000, selon des sources concordantes -, qui s'y sont établis durant les années de terrorisme, bénéficient d'un traitement autrement plus clément. Invité à éclairer notre lanterne sur ce point précis, Habib nous a répondu que «les moyens dont disposent ces derniers leur évitent tous les désagréments que connaissent leurs compatriotes plus anciennement installés… » Au nombre de 13 000, semble-t-il. Des désagréments qui sont, a-t-il poursuivi, «d'autant plus difficiles à supporter qu'ils sont sournois». Plus explicite, il nous dira que ceux-ci «sont causés, en général, par des fonctionnaires zélés qui appliquent, à leur manière, la réglementation en vigueur mais qui, ce faisant, ne commettent jamais l'erreur de sortir du cadre de ladite réglementation…» Et d'ajouter : «La délivrance de la carte de séjour est une parfaite illustration de ces pratiques sournoises ». N'excédant, dans la majorité des cas, jamais une année et ce, même pour les ressortissants nés et/ou établis en Tunisie depuis des lustres, celle-ci, nous a déclaré Habib, «est toujours remise avec du retard». De quelques mois ; ce qui, dans l'intervalle, empêche les demandeurs d'entreprendre quoi que ce soit. Et à propos d'empêchements, notre interlocuteur nous a fait part d'un autre ayant trait, celui-là, aux transactions liées aussi bien au foncier qu'à l'immobilier : «Actuellement, les Algériens ne peuvent ni vendre ni acheter quoi que ce soit…» Invité à nous préciser si un tel empêchement ne concerne que nos seuls compatriotes, Habib a, honnêtement, reconnu son ignorance à ce sujet. Ce qui ne l'a pas empêché d'affirmer, sur un ton des plus catégoriques, que «la communauté algérienne est la moins bien lotie de toutes celles, étrangères, établies en Tunisie ». LES CHAUFFEURS DE TAXI ALGERIENS…. A l'appui de son affirmation, il nous a fait part de la décision prise dernièrement par les autorités tunisiennes de ne pas renouveler leur licence à des Algériens qui exerçaient comme chauffeurs de taxi ; «certains, nous a-t-il dit, depuis près de… 30 ans». Comme le document en question est indispensable à la pratique d'un tel métier, ceux-ci «se sont retrouvés, du jour au lendemain, au chômage», a ajouté Habib. Pour reprendre les propos de notre interlocuteur, «dans le caractère sournois du traitement discriminatoire subi par notre communauté», il a tenu à nous parler de la situation faite aux étudiants qui en sont issus : «Certaines spécialités leur sont pratiquement interdites…», nous a-t-il déclaré, non sans prendre le soin d'expliquer, devant notre stupéfaction, «que cela se fait au mépris de la réglementation en vigueur qui ne stipule aucune mesure du genre…» A ce stade de la discussion et devant de telles informations, révoltantes à plus d'un titre si elles venaient, bien évidemment, à être vérifiées, nous n'avons pas pu nous empêcher de l'interroger et sur la réaction des autorités tunisiennes et sur celle de notre représentation diplomatique et consulaire en Tunisie. Concernant les premières, Habib nous a déclaré qu'à «chaque fois qu'une affaire de dépassement est portée à leur connaissance, elles feignent leur ignorance et n'omettent jamais de promettre de corriger les injustices commises…» Faut-il préciser que ces promesses, dans la plupart des cas, restent, toujours selon notre interlocuteur, sans suite… EL BEBASSIA , LE «GOULAG» Quant à nos représentations, diplomatique et consulaire, Habib a tenu à saluer leur «réveil», entamé depuis quelques temps, qui est «devenu, a-t-il tenu à le déclarer, plus effectif depuis deux années maintenant et ce, avec l'arrivée du nouveau consul général». La prise en charge des problèmes de la communauté algérienne s'en est trouvée, de ce fait, aux dires de Habib, «nettement améliorée», Et, partant, «les liens de celle-ci avec nos représentations, diplomatique et consulaire, davantage renforcés…» Parmi les opérations entreprises par le nouveau consul général qui ont été fortement appréciées par nos compatriotes installés en Tunisie, figurent en bonne place le recensement précis des membres de la communauté algérienne et l'établissement, pour ceux qui n'en avaient pas, de documents officiels d'identité. Des opérations qui ont grandement profité, selon Habib, à quelque 25 familles algériennes établies, depuis fort longtemps, à El Bebassia, une zone montagneuse et boisée, située non loin de Bizerte, dans le nord de la Tunisie ; des familles d'agriculteurs, de conditions modestes, qui vivaient jusque là, semble-t-il, dans un isolement presque total… Avant de prendre congé de nous, Habib a souhaité que «nos représentants diplomatiques et consulaires se rapprochent davantage de notre communauté en Tunisie, établie majoritairement dans les régions de Tunis et d'El Kef, qui, au vu des problèmes auxquels elle est confrontée, en a grandement besoin…»