C'est au moment où le pouvoir dévoile sur la scène publique la guerre des clans qui le dévore depuis plus d'un demi siècle, que les medahates remettent sur le tapis la menace du séparatisme. Comme chacun le sait, un kabyle digne de ce nom ne peut jamais accepter d'exercer la profession de « medaha ». C'est un métier qui est généralement destiné à celles et à ceux qui sont marginalisés et rejetés dans la fange de la vie par la société. Dans le temps, lorsque le Maghreb est venu se construire dans le moule de la Kabylie, les valeurs morales, politiques et intellectuelles étaient portées par les zaouïas, par Ben Badis, El Ouartilani, Cheikh Ben Abderahmane, Cheikh Mohand El Mokhtar, Cheikh Belhaddad, Mammeri, Feraoun, J Amrouche, K Yacine, M Haddad, M Ouari, Djebbar, Mimouni, Dib...Mais plus maintenant. A chaque époque ses propres valeurs, nous dit on. Et cette Kabylie à qui le pouvoir a fait jouer tous les mauvais rôles depuis 1962 à ce jour, a fini par perdre tous ses repères. Les « chouaffates », les « medahates » et les janissaires de la presse ont pris la place de ceux qui devaient guider et orienter le pays. Et c'est ainsi que nous assistons depuis quelques mois à des analyses savantes sur l'avenir commun des algériennes et des algériens, ou il est le plus souvent question de souligner et de marteler à haute voix, ici et ailleurs, sous les encouragements des prédateurs de la haute finance internationale, les différences culturelles et identitaires entre les populations arabophones et berbérophones. Volontairement, nos « medahates », et les janissaires de la presse déguisés en la circonstance en anthropologues, en ethnologues et en sociologues feignent d'ignorer que les maux dont souffrent les algériens viennent de l'Occident, plus particulièrement de cette minorité de la haute finance internationale et de la grosse industrie militaire qui menace l'avenir de l'humanité, et portent un doigt accusateur sur l'arabe et l'Islam qui nous auraient aliénés, spoliés de notre identité et privés d'un épanouissement culturel plus que certain. A l'origine de ce discours, on trouve les barons du régime qui refusent de lâcher le pouvoir au détriment d'autres barons tout aussi illégitimes qui veulent le conquérir en totalité, à la faveur de la conjoncture internationale. Et, qu'il se soit rencontré, par des temps calmes, chez un peuple pacifique, aimable et tolérant, des femmes et des hommes pour réveiller les vieilles haines de races, ce serait un sujet d'étonnement, si l'on ne savait d'où venaient ces « medahates », ces « chouffates » qui ont vagabondé durant des années à travers tous les partis politiques et si l'on ne reconnaissait en eux des chargés de mission d'un DRS, menacé dans son existence. La Kabylie est contre le régime dans sa globalité ; elle n'est pas contrainte de choisir entre le général Tewfik et le clan des Bouteflika. Que cela soit bien dit. Nombre (la majorité écrasante de la Kabylie) de kabyles sont en train de subir la mort dans l'âme la furie dévastatrice de ce discours raciste, inconnu jusqu'ici dans la région. Ils sentent que l'avenir est jalonné d'incertitudes et voient, stupéfaits, l'unité et la cohésion de leur pays se disloquer jour après jour, emportée dans la course folle d'un pouvoir sans identité, obscur et sombre à plusieurs têtes, le DRS , le clan des Bouteflika et la mafia militaro financière inféodée aux cercles de Davos, incapables les uns comme les autres de fournir la moindre explication à ce qui a mal tourné hier( au 1er novembre 1954), à ce qui tourne mal aujourd'hui, et surtout à ce qui pourrait tourner plus mal encore demain. On suppose que le rôle d'un gouvernement est de façonner le récit de la société, de ses contradictions et de ses problèmes ; or un tel récit n'existe pas et n'a jamais existé en Algérie. Et ce pour la bonne raison que, les responsables politiques ont érigé la ruse, la « hachoua » et la paresse intellectuelle en marque de fabrique. Jamais n'a été pensé un modèle de fonctionnement viable pour le pays. Lorsqu'on relit, les déclarations de ces dépositaires autoproclamés de l'identité amazighe, on y cherche en vain la moindre expression d'une idée pour la société algérienne. Hormis un discours xénophobe et raciste, totalement étranger aux traditions de la Kabylie, on ne trouve aucun projet de société digne de ce nom, en mesure de porter l'estocade à un régime moribond qui porte en lui tous les germes de la faillite de l'Algérie en tant que Etat et Nation. Et pour terminer, je cite cette phrase d'André Gide : « Un seul passé ne peut proposer qu'un seul avenir ». Tout comme un âne ne peut pas être un cheval. L'Algérie souffre, parce que la grande carence de ce pays tient à l'inexistence d'une bourgeoisie éclairée, qui découle elle-même de l'absence d'hommes d'Etat. Et ce ne sont pas des chanteurs de cabarets, des trabendistes et un sergent du DRS au passé douloureux qui peuvent dire à la Kabylie ce qu'elle doit faire ou comment reconstruire cette Algérie ou les liens de l'union et de la solidarité sont plus forts que les germes de la division que porte en lui le régime.