A l'occasion du dernier conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat A Bouteflika, une batterie de mesures a été prise dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux algériennes. Mais qu'en est-il dans les faits ? Est-ce que avec une pension de 20 000 da, on peut réellement mettre la femme à l'abri des pulsions machistes et sexistes? Comment peut-on promouvoir les droits de la femme dans une société qui est en collision avec ses propres repères, dans une société sans identité, sans projet clairement défini, une société qui ne sait plus à quelle civilisation et à quel monde elle appartient ? Comment faire la promotion des droits de la femme dans une société qui a froidement tourné le dos à la citoyenneté ? Quelle place pour l'algérienne dans un régime totalitaire et autoritaire qui retient en otage l'école, la religion et tous les outils nécessaires à l'affranchissement de la société ? Femmes disparues, traite des femmes, night-clubs clandestins gérés par des membres de l'autorité sécuritaire, cités universitaires transformées en harems, filles débauchées, filières pornographiques particulièrement juteuses qui se prolongent des quatre coins du pays vers la rive nord de la Méditerranée, un taux de divorces ahurissant qu'on refuse de faire connaître, une société usée jusqu'à la corde par les violences et la discrimination sociale, la destruction de la cellule familiale, la déstructuration des lieux de socialisation...Les violences contre la femme sont richement variées et à multiples trajectoires. La violence à l'égard des algériennes à des origines multiples liées à une politique totalitaire et autoritaire déniant les droits consacrés par l'Islam et l'égalité entre les sexes. Dans le cas de l'Algérie marquée depuis plus d'un siècle par une succession de crises toutes aussi violentes les unes que les autres, la violence contre la femme dépasse largement le cadre privé de la cellule familiale, du domicile conjugal. Bien sur à l'issue des décisions prises par ce conseil des ministres, la presse est vite montée sur ses grands chevaux en saluant le courage des autorités algériennes, en désignant d'un doigt accusateur « le sal barbu intégriste » responsable des violences qui coûtent la vie à des bataillons de femmes chaque année. Non messieurs, le profil du machiste agresseur qui viole et tue les femmes, n'est pas forcement celui de l'islamiste issu du milieu précaire et pauvre. A Tizi, et j'espère que mon ami le docteur Salah Eddine Sidhoum va s'accommoder de ma littérature en ne censurant aucun de mes propos, des concours sont organisés entre les fausses notabilités locales à qui va déflorer le plus grand nombre de jeunes filles par jour. Des jeunes filles issues de milieux pauvres et sans ressources. Si bien qu'aujourd'hui, le certificat de virginité est exigé à chaque mariage. Dans le cadre d'une enquête sur le sujet des femmes battues que nous avons mené pour le compte d'un quotidien national, un juge nous a affirmé que plus de la moitié des auteurs d'actes de violences à l'égard des femmes sont des cadres titulaires de diplômes universitaires ou des entrepreneurs ayant dans la poche les services des autorités locales. Et d'ajouter : « A chaque fois l'affaire est étouffée dans l'œuf. » Le plus souvent, dans toutes les affaires auxquelles nous avons été confrontés, l'agresseur est en majorité un homme bénéficiant par sa fonction professionnelle d'un certain pouvoir. On remarque une proportion très importante de cadres militaires, d'officiers de police, d'entrepreneurs, de fonctionnaires (Papc, chefs de daïras, walis, avocats, journalistes et médecins). Le fait que ces violences se pratiquent au domicile de la victime a toujours été un prétexte pour que les autorités s'en lavent les mains et les qualifient de « problèmes relevant de la sphère privée », ou à défaut pour les besoins d'une cause »laïco-assimilationniste qui fait les affaires du régime totalitaire, on les attribue aux pauvres islamistes. Une telle attitude constitue un refus collectif d'assistance à personnes en danger. Une scandaleuse hypocrisie. Chacun sait que le privé aussi est politique. Et que ce type de violence est le reflet des relations de pouvoir historiquement inégales entre hommes et femmes, dues en particulier au patriarcat, système antérieur à l'avènement de l'Islam, fondé sur l'idée d'une « infériorité naturelle » des femmes et une « suprématie biologique » des hommes. C'est ce système qui s'est superposé au régime autoritaire qui engendre les violences. Toutes les violences. Et ce n'est pas avec une pension de 20 000 da que l'on pourra aider la femme à faire face à une société qui a perdu toutes les valeurs qui ont fait jadis sa grandeur.