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"L'oeuvre de Dieu, la part du diable"
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 23 - 07 - 2021

Ce matin confiné, j'ai beau chercher une stratégie nationale contre les Covids, je ne trouve pas grand chose sur le site officiel du ministère de la Santé auquel le président A. Tebboune a donné le monopole de la communication de santé publique sur cette pandémie, je cherche APS et ne remontent que les décisions du "gouvernement Djerad".
Depuis la fin juin, nous sommes passés de 277 contaminations en moyenne par jour à 1070 ce 23 juillet. Et je ne trouve que "la reconduction et le durcissement d'un reconfirment partiel", une reconduction relevant plus de la stratégie de la prévention que de celle du soin. Une stratégie gouvernementale qui, depuis le début de la pandémie, se résume à "respectez les gestes barrières, lavez vous les mains, restez chez vous", et éventuellement priez. En fait, une stratégie qui responsabilise les gens, leur fait porter le fardeau de la hausse des contaminations, une communication sanitaire que se partagent avec une belle unanimité aussi bien le gouvernement quand il s'exprime, que le Comité Scientifique, les médias et les faiseurs d'opinion. Soit, mais quand on est contaminé on fait quoi ?
On va où ?
Comment fait-on pour se soigner ? Existe-t-il un protocole de soins porté par le ministère de la Santé et ses compétences, ses appareils, depuis les directions de la santé qui existent dans chaque wilaya jusqu'aux structures de santé, publiques surtout et privées en charge de leur application, c'est à dire en charge de soigner ? Cette question vitale est partagée dans la solitude des familles contaminées, chacune en fonction de son réseau de compétence se débrouille comme elle peut. Faut-il prendre des antibiotiques, mais les antibiotiques soignent-ils contre les virus ? Doit-on prendre de la chloroquine sans aucun suivi médical, hospitalier, alors que l'on croit savoir que le cœur peut en pâtir ? Comment mesurer son taux de je ne sais quoi quand tout l'appareillage nécessaire à sa mesure devient rare et de plus en plus cher ?Peut-on s'improviser médecin de son propre destin ? Qui décide de la manière dont on se soigne de cette maladie nouvelle, inconnue, effrayante et qui peut tuer ? "Ce sont les laboratoires pharmaceutiques, croit savoir ce professeur en médecine et en colère, qui distribuent leurs antibiotiques par le biais des médecins généralistes ". Qui détient les réseaux de distribution de ce que l'on appelle "l'oxygène" ? Cette économie de la langue qui va à l'essentiel : l'oxygène, continuer à respirer. "Aujourd'hui on ne meurt pas seulement du manque d'oxygène mais également de mauvais soins, chacun y va de sa recette sans aucun protocole vérifié et approuvé", ajoute le professeur de mon réseau privé pour m'informer, comprendre, juger avec si peu d'informations. Dans les hôpitaux publics qui accueillent souvent la détresse quand il est déjà peut-être trop tard, les services d'urgence et de réanimation sont "saturés", dit-on "saturés", "débordés", confronté à ce dilemme terrible pour un soignant : qui sauver et qui sacrifier ?Epargnée jusqu'à la fin juin, l'Algérie aujourd'hui fait face à une circulation sans précédent du virus Covid et de ses variants, plus ils circulent et plus le nombre de contaminés augmente, entraînant à la hausse le nombre de décès. Ceux qui nous gouvernent et qui décident de la stratégie de santé publique, à part faire une leçon de morale à la société, en quoi ont-ils engagé leur responsabilité?
Eté 21 : les variants et les invariables.
Qu'ont-ils mobilisé, en termes scientifiques de savoir, de connaissances, pour mesurer et décider ? J'ai beau chercher, je ne trouve aucune étude scientifique, nationale, épidémiologique sur la circulation du virus, sur les effets des stratégies de soins, chiffrée, documentée, avec des conclusions et des recommandations rendues publiques. D'où viennent les variants, du sud, du nord, de l'est ou de l'ouest ? Qu'ont-ils mobilisé en termes de structures de santé, de moyens et de prévision pour soigner alors que depuis le mois de mai, venant des hôpitaux publics, de l'Institut Pasteur, des laboratoires privés, l'alarme était sonnée : on va vers une troisième vague, à moins que cela ne soit une quatrième, mais qui les compte, nos vagues, scientifiquement, à l'échelle d'un pays et de son continent l'Afrique ? Même le dernier des profanes avait compris lors de la deuxième vague avec son pic à la hausse de la contamination, la première panique des décès et de leurs cortèges de malheurs et de peur, que le maillon faible, comme dans tous les pays du monde, il faut le rappeler, étaient les services des urgences et de réanimation, si fragiles, faute de lit d'hospitalisation et des moyens de soin qui devraient les accompagner. Au cœur de cette problématique, la ressource en gaz médical pour éviter l'étouffement.
Ceux qui nous gouvernent et décident de la santé publique ont-ils profité de l'accalmie providentielle qui, jusqu'alors, avait plutôt épargné notre pays pour prévoir cette hausse du nombre de cas graves et penser ce moyen et long terme ? Un vague communiqué de l'APS nous apprend que c'est le 13 juillet seulement que "Le ministère de l'Industrie pharmaceutique a annoncé…la mise en place d'un comité de veille et de suivi de la disponibilité de l'oxygène médical et l'approvisionnement des établissements hospitaliers, en coordination avec les secteurs concernés". Le 13 juillet… on apprend qu' "Il a été, également, convenu de la nécessité d'établir une cartographie comprenant l'implantation des sites hospitaliers utilisateurs, mentionnant la capacité de leurs cuves ainsi que les lieux d'implantation des producteurs à l'échelle nationale"
Une cartographie qui n'existe pas.
Le 13 juillet ....alors que les services de réanimation étaient déjà en panique et alors : "Que le problème est complexe : on ne sait pas si le problème est celui de la disponibilité, du stockage ou de distribution." Pour transporter ce gaz médical il faut des cuves qu'il faut commander à l'avance, par ailleurs, ajoute mon spécialiste en gaz médical, on a agrandi les hôpitaux mais la tuyauterie n'a pas suivi pour desservir ces extensions et ramener cet oxygène jusqu'aux lits des malades etc, etc…
Et à propos des lits pour soigner, quelle est la stratégie en la matière ?
Lors de la deuxième vague, par la voix du Chef d'état -major, le général Chengriha, il avait été proposé que l'armée, sa logistique, sa discipline, ses capacités à gérer des situations de crise participent à la mise en place d'hôpitaux de campagne à la manière de la Chine à Wuhan. Pourquoi cette option a-t-elle disparu comme potentielle solution? En lieu et place, il serait vaguement question d'ouvrir "des hôtels", étrange réponse sanitaire : "mais un hôpital, ce ne sont pas des lits, mais les soins qui l'entourent."
Ceux qui nous gouvernent ont-ils profité de l'accalmie d'avant cet été 21, de la faiblesse des transmissions du covid pour casser la transmission autour des malades, identifier, circonscrire les clusters, répartis de manière inégale à travers le pays, ont-ils pensé, envisagé le contact traking et en avaient-ils seulement les moyens ?
L'aléatoire et la responsabilité.
Reconduire le confinement et le durcir n'est pas une stratégie de soin, c'est juste convoquer l'aléatoire et se décharger de ses responsabilités politiques et sanitaires de gouvernants, sans même offrir à sa société les moyens de sa survie. Quand bien même nous resterions tous enfermés, cessions de célébrer nos mariages et nos enterrements, abandonnions nos familles, restions les uns sur les autres jusqu'à la folie, de quoi pourrions nous bien nous nourrir dans un pays de chômeurs et de misère croissante pendant que, sans Etat, les affairistes nous ruinent en augmentant les prix de la survie, l'inflation bouffant jusqu'aux dernières économies, alors que même l'eau nous est comptée? Peut-on vivre sans eau et sans air pendant que les autorités traversent à toute allure nos villes dans leurs voitures noires et climatisées aux fenêtres fumées précédés de gyrophares et de motos qui nous jettent sur les bas côtés dans la chaleur et la poussière rouge de l'été?…
Pendant que l'hélicoptère nous surveille et que la police harcèle une jeunesse quadrillée, fouillée matin et soir, palpée à longueur de journée par des forces de l'ordre sans masque.
A ceux qui nous gouvernent dans et par la peur
Un état ne peut se résumer à sa police. Vous n'avez pas de parti, vous n'avez pas d'Assemblée Nationale, vous êtes seuls dans vos citadelles assiégées, comment comptez vous gouverner ? Vous avez peur de votre société et plus vous avez peur et plus vous êtes paralysés, vous surveillant les uns et les autres vous vous rendez incapables de penser l'avenir, d'agir, de prendre vos responsabilités. Sortez de cet axiome anxiogène du "coupable mais pas responsable". Ouvrez vos fenêtres sur une société vivante que vous ne méritez pas, elle est là, résiliente, disponible, solidaire, dans l'attente d'un état auquel elle tient et qu'elle protège contre vous mêmes. N'a-t-elle pas décidé massivement et librement de se faire vacciner dans l'intelligence de la gravité du moment en dépit de la méfiance et de ses réticences ? Arrêtez de mentir, faites lui confiance et elle vous le rendra dans une conscience collective de sauvegarde de l'essentiel.
Qu'attendez vous pour établir une hiérarchie dans vos guerres sans fin entre le vital et le mortifère? Sortez de ce logiciel sécuritaire qui vous tient lieu de stratégie politique depuis au moins 1992 et retrouvez le chemin de la cité politique. L'Algérie n'est pas une caserne, c'est un pays d'histoire, et plus un peuple se libère de ses chaînes, mieux il se défend contre l'adversité. Aujourd'hui vous êtes seuls, espionnés par vos ennemis, par Pegasus et compagnie, entre le Makhzen et surtout Israël, que reste-t-il de la "souveraineté nationale" que vous prétendez défendre en emprisonnant des innocents? Quelle stratégie suicidaire: si ils vous reste une once d'intelligence politique, de savoir géostratégique, de responsabilité politique, vous libéreriez immédiatement tous les détenus d'opinions, les détenus politiques, vous cesseriez votre harcèlement absurde d'une société qui, oui, est coupable de vouloir se mêler de la politique et de son avenir devant vos bilans calamiteux.
Aujourd'hui, l'Algérie vous regarde et attend, inquiète et partagée entre la haine et l'espoir d'un sursaut vital: qu'attendez vous pour nous parler la langue de la vérité, que se passe-t-il dans nos hôpitaux, que se passe-t-il à nos frontières, quelle est le niveau de nos ressources? Qu'attendez vous pour vous adresser à votre société et décréter une trêve démocratique dans l'intérêt général ?Qu'attendez vous pour mobiliser notre intelligence collective, notre imaginaire, pour survivre au virus, et à la guerre des frères, au lieu de la fabriquer ?
Entre virus et Pegasus, "L'œuvre de Dieu, la part du diable", qu'attendez vous pour défendre l'état et la société de l'effondrement qui nous menace ? Que le feu se propage de l'Afrique du Sud à l'Afrique du Nord?
44Amina Beladjat, Abdou Billalouti et 42 autres personnes33 commentaires32 partagesJ'aimeCommenterPartager


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