Les étudiants se sont, une nouvelle fois, mobilisés en masse hier à travers de nombreuses grandes villes du pays en scandant des slogans hostiles au cinquième mandat. A Alger, le mouvement a drainé des milliers de personnes qui se sont principalement rassemblées au centre-ville. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La mobilisation estudiantine s'est donc poursuivie hier un peu partout à travers le territoire national. Les connaisseurs des foules la juge même plus importante que celle qui s'est déroulée au cours des jours derniers puisque le mouvement a réussi à drainer des milliers d'étudiants, y compris dans la capitale, et que de très nombreux enseignants ont cette fois rejoint la protestation paralysant ainsi toute activité universitaire. C'est d'ailleurs le nouveau mot d'ordre lancé dans certains campus, comme celui de Bouira, où une grève illimitée a été décrétée jusqu'à satisfaction de la principale revendication. Dans cette wilaya, les manifestations durent depuis deux jours consécutifs déjà. Des centaines de personnes ont marché à travers la ville dimanche et lundi au lendemain du dépôt des candidatures auprès du Conseil constitutionnel. Hier, une quinzaine de villes ont connu, elles aussi, la même mobilisation. A Annaba, Ouargla, Skikda, Constantine, Adrar, Oran, Médéa, Boumerdès, Constantine, Blida, Béjaïa, Boumerdès, des milliers d'étudiants ont également occupé la rue sans qu'aucun incident ait eu lieu. A Alger, les manifestations ont pris des allures impressionnantes. Les étudiants de toutes les universités ont réussi à se rassembler au centre-ville pour former une immense foule rue Didouche-Mourad et place Audin. Toutes les facultés étaient présentes, celles de Ben Aknoun, de Dély-Brahim, Saïd-Hamdine, celle d'Alger… Sur place, un important dispositif a été mis en place dès les premières heures de la matinée. Les CRS, camions anti-émeutes, des policiers présents en très grand nombre avaient visiblement comme objectif d'empêcher les manifestants de se déplacer hors de ce périmètre. Les groupes, avons-nous appris sur place, avaient comme intention de se diriger vers la présidence de la République fortement quadrillée en début de journée. En rangs serrés, la police a empêché toute progression des manifestants et ces derniers n'ont pas tenté de forcer le cordon de sécurité, se contentant d'un face-à-face qui a duré de longues heures. Pancartes en main, ou à force de cris, les étudiants se sont opposés au cinquième mandat. Des slogans soulignant le caractère pacifique du mouvement ont été aussi régulièrement scandés de même que ceux appelant à la fraternité avec les policiers («Khawa, khawa») lorsque des tirs de gaz lacrymogènes ont été tirés. Les étudiants s'étaient naturellement préparés à ce genre de situation. Beaucoup avaient en main des bouteilles de vinaigre ou portaient des foulards ou masques sur le visage. Le voisinage a aussi une nouvelle fois fait preuve d'une grande solidarité, n'hésitant pas à lancer des bouteilles d'eau des balcons, ou en distribuer carrément sur place à ceux qui en avaient besoin. A un moment de la journée, les grandes artères de la capitale ont également vibré sous le son des klaxons (un véritable concert) des automobilistes ayant pris ainsi l'habitude d'exprimer leur solidarité depuis le début des évènements. En raison de l'importance de la mobilisation, la circulation routière a été fermée en début d'après-midi, tout comme le métro et les axes menant vers les lieux de la manifestation. Une grande tension régnait cependant partout ailleurs à travers la capitale. Appréhendant une sortie des étudiants de l'Université de Bab Ezzouar, des éléments de la Gendarmerie nationale ont été mobilisés en grand nombre sur l'autoroute menant vers l'aéroport. Dimanche, et lors de manifestations similaires, ces brigades avaient carrément barré la route pendant plusieurs heures, interdisant la circulation aux automobilistes. Rien de cela n'est cependant survenu hier. Le plus gros de la contestation est resté concentré à la place Audin. Les tentatives de disperser la foule ont échoué à plusieurs reprises. Vers 16h, les forces de l'ordre ont usé à nouveau de gaz lacrymogènes pour morceler la masse humaine rassemblée. Plusieurs groupes d'étudiants ont commencé à se moment à quitter les lieux. Parmi ces derniers, des jeunes filles rappellent qu'un mot d'ordre a été lancé pour éviter les manifestations de nuit. Même si la soirée n'a pas commencé, beaucoup préfèrent se disperser. Le retrait se fait progressivement. Une certaine tension règne cependant à ce moment, des jeunes tentent d'énerver les CRS, ils sont rapidement dispersés. A. C.