Que faut-il de plus pour le pouvoir pour comprendre une bonne fois pour toutes que le peuple ne veut plus de lui. Plus rien ne pourra, en effet, arrêter la marche des Algériens vers leur nouveau destin. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - A travers le 13e acte de la mobilisation nationale d'envergure, le peuple, par des marches imposantes, a confirmé sa détermination de poursuivre sa révolution jusqu'à la satisfaction totale de ses revendications, à savoir un changement radical du système politique et le rejet de la gestion de la transition par les figures du régime. A Alger, la mobilisation est restée intacte malgré toutes les mesures sécuritaires visant à empêcher les citoyens de participer aux manifestations. Hier, la capitale était bouclée mais les centaines de milliers de citoyens étaient au rendez-vous. On a dressé des obstacles, à travers des barrages filtrants de la police et de la gendarmerie, afin d'empêcher les citoyens de rejoindre le centre de la capitale. Mais peine perdue. La détermination des citoyens est supérieure à toute basse manœuvre dont l'objectif est d'avorter cette révolution qui, par son ampleur et son pacifisme, a suscité l'admiration du monde. Certains ont dû subir des blocages pendant des heures avant de passer ces barrages. Les déferlantes humaines étaient donc au rendez-vous, au deuxième vendredi du mois de Ramadhan, avec les mêmes slogans rejetant l'élection présidentielle du 4 juillet, s'opposant à l'instauration d'un Etat militaire, stigmatisant le chef de l'état-major de l'armée, exigeant le jugement des prédateurs des richesses nationales, demandant le départ des symboles du système et appelant à une justice indépendante. Comme chaque vendredi, les manifestants ont commencé à occuper la place de la Grande-Poste dès les premières heures de la matinée. Mais à leur grande surprise, la placette a été minutieusement bouclée par un imposant dispositif de la police sous prétexte, selon un communiqué de la Wilaya d'Alger, de «fissures» qui auraient été constatées sur les escaliers à cause du surpoids qu'ils supportent depuis le début des manifestations ! Les agents de l'ordre ont utilisé le gaz lacrymogène contre les manifestants qui ne voulaient pas céder ce haut lieu du mouvement populaire et qui étaient lourdement armés par leur détermination, slogans et emblèmes. Des blessés évacués par la Protection civile ont été enregistrés à cause des bousculades et de l'usage du gaz lacrymogène. Après la prière de vendredi, des marées humaines se sont déversées sur le centre de la capitale. Des foules immenses ont convergé sur les rues Hassiba-Ben-Bouali, la Grande-Poste, la place Audin et la rue Didouche-Mourad. A 15h moins quelques minutes, la place a été «libérée» par les manifestants sous les cris «Dawla madania machi aâskaria (un Etat civil et non militaire». Plus que jamais déterminés, arborant l'emblème national et le drapeau amazigh pour beaucoup, portant des banderoles et des pancartes, les manifestants d'hier ont peut-être tiré la balle assassine contre l'élection présidentielle du 4 juillet. «Makach intikhabat ya el aissabat (y a pas d'élections, espèce de bandes)» était, en effet, le slogan dominant qui a retenti tout au long de la marche. Organiser cette élection devient presque impossible pour plusieurs raisons. La première et la plus importante est l'opposition du peuple. La deuxième est le refus des élus et des magistrats de l'organiser et de l'encadrer. La troisième est relative au facteur temps. Comment organiser un scrutin dans ces conditions ? Le défilé des Algériens dans les rues du pays intervient au lendemain d'un autre défilé d'un autre mode. Ce défilé s'est déroulé jeudi devant le tribunal de Sidi-M'hamd à Alger. Deux anciens Premiers ministres (Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal), plusieurs anciens ministres, d'anciens puissants patrons et un ancien wali étaient de passage devant le procureur de la République pour répondre de leurs actes délictuels, commis au moment où la gestion des affaires du pays leur a été confiée par Abdelaziz Bouteflika. Mais pour les Algériens, le jugement de ceux qui ont pillé le pays et même l'annulation du cinquième mandat avec lequel on voulait humilier le peuple ne sont pas de nature à faire oublier la revendication principale : le changement radical du système. K. A.