Mohamed Tahar Zerouala est médecin, essayiste, mélomane et écrivain. Mémoires de deux mondes, 141 pages, est son second roman, édité à compte d'auteur. Dans son récit, il nous fait voyager dans quelques grandes villes de l'Algérie, à travers différentes périodes de son histoire. La guerre, la misère, puis l'indépendance, la joie, le bonheur. Et les années noires du terrorisme. Un roman où le héros, Nabil, n'est autre que son auteur, ce jeune étudiant en médecine du début des années 1970, la fac de l'époque. Il raconte son enfance, sous le joug du colonialisme, sa famille. Il rend hommage à son père, un humaniste, un érudit, mélomane ; à sa mère, pour sa bonté, pour l'éducation qu'elle a donnée à ses enfants. On retrouve ses amitiés, ses amourettes, où se mêlent allégresse et mélancolie, la beauté d'Alger, Béjaïa, Constantine où il est né, et où il a grandi. Nous ne vous en dirons pas plus. Nous vous invitons tout simplement à le lire. Le soir d'Algérie : Mémoires de deux rives est l'intitulé de votre dernier roman, qui n'est d'ailleurs pas le premier dans votre palmarès. Médecin, essayiste, mélomane, d'où vous vient cette passion de l'écriture ? Mohamed Taher Zerouala : Mémoire de deux mondes est le titre de mon dernier roman. En fait, c'est mon second ouvrage. Le premier est un ensemble de nouvelles paru aux Editions Thala en 2014. J'espère une réédition prochainement car la première est presque épuisée. Mes amis vont me reprocher de ne pas l'avoir lu, vous connaissez les problèmes de diffusion dans notre pays et les librairies dans certaines villes, aussi importantes soient-elles, se comptent sur les doigts d'une main ! J'ai commencé l'écriture par des essais relatifs à l'hygiène et la santé destinés au grand public. Je l'ai signalé en ouverture de mon dernier roman. Parce que je me considère en mission permanente en tant que médecin qui soigne, qui soulage ou tout simplement qui accompagne son prochain. De plus, j'aime écrire car pour moi c'est un exutoire qui me permet de m'accomplir. Quand je n'écris pas, je m'ennuie. Je ne publie pas tout ce que j'écris. Vous évoquez une autre passion. Celle de mélomane. J'aime toutes les musiques du monde qui sont sérieuses. En vérité, je suis aussi musicien, je joue du violoncelle, je ne peux pas le cacher car il y a beaucoup de témoins ! Je joue de la musique depuis mon très jeune âge. Il faut dire que j'ai baigné dans un milieu musical familial. Ma préférence c'est la musique classique andalouse sans distinction entre le gharnati, la çanaâ ou le malouf ainsi que le vrai chaâbi algérois.
Beaucoup d'écrivains choisissent le titre de leur œuvre à la fin de sa rédaction. Et vous ? C'est extraordinaire, j'ai beau chercher le titre d'un ouvrage que je compose, sans résultat, jusqu'au moment de mettre le point final et le titre apparaît comme par enchantement ! Je ne veux pas entrer dans des élucubrations mystiques ! Pourquoi Mémoires de deux mondes ? Quelle est la signification de ce titre ? L'image de la couverture est une métaphore. Elle représente un derviche tourneur. Ses bras sont tendus avec une main tournée vers le ciel et l'autre vers la terre. Il est entre deux mondes, spirituel et terrestre. C'est un héritage de mon père qui signait ses lettres qui nous étaient destinées (il n'y avait pas de SMS) à l'époque en écrivant au bas de ses lettres : «Votre père dans les deux mondes.» Quand il nous écrivait en arabe, il signait : «Aboukoum Mina Eddarain.» En lisant Mémoires de deux rives, le lecteur s'enrichit d'histoire de l'Algérie, sa culture, sa composante sociologique, et en toile de fond la vie de Nabil, un Constantinois issu d'une famille d'érudits, qui raconte la ville d'antan, la guerre, ses héros, la politique, en faisant sans cesse des comparaisons avec ce qu'elle est devenue aujourd'hui, avec une pointe de nostalgie. Vous regrettez Constantine de jadis ? Je me suis rendu compte que mon livre se divise en deux parties. Il relate deux périodes. Celle d'avant 1962 pendant la colonisation et celle d'après 1962 jusqu'aux années 1990. Ce n'est pas un livre idéologique, ni politique. C'est un livre d'observation par un vrai témoin encore vivant. Le choix de Constantine n'est pas exhaustif. L'histoire peut s'appliquer à n'importe quelle ville d'Algérie. Je me suis promené dans ce livre à Alger, Oran, Béjaïa où je décris toute la splendeur de ces villes pour faire découvrir aux jeunes Algériens leur riche histoire qui leur permettra de se réconcilier avec leur pays et aux plus âgés de se ressourcer. Il y a la vie de tous les jours pendant les deux périodes dans sa composante sociale, culturelle, traditionnelle, religieuse baignant dans une vraie guerre. Il y a de l'amour dans ce livre d'une pureté presque absolue. C'est un roman. De la nostalgie ? Je ne suis pas un nostalgique car cela fait mal. C'est le médecin qui vous le dit. Je préfère évoquer les nombreux et petits bonheurs que j'ai vécus. L'expression est lâchée. C'est la réponse à votre cinquième question Nabil, le héros du livre, c'est vous ? Nabil est un pseudo. Vous les journalistes vous avez une manière bien à vous de lever le voile. Je répondrai par un euphémisme : dans chaque livre, il y a un peu de l'auteur. Je ne terminerai pas sans saluer le quotidien Le Soir d'Algérie pour m'avoir accordé cette interview et permis de m'exprimer une multitude de fois dans les pages «Soirmagazine» que les lecteurs espèrent qu'elles reviennent. Mon roman est édité à compte d'auteur et a été imprimé à l'Enag il y a à peine quelques jours. Son prix ne le dévalorise pas, il est fixé à 350 DA pour 141 pages car je veux le mettre à la disposition d'un grand public. Je vis de mes revenus professionnels. Entretien réalisé par Naïma yachir