Le conflit SNM - ministère de la Justice a pris une tournure spectaculaire hier. A Oran, la force a été utilisée contre des magistrats grévistes qui se trouvaient dans l'enceinte même d'un tribunal. L'incident sonne comme avertissement adressé à l'ensemble de la corporation qui en était à son huitième jour de grève hier. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les images d'éléments de la Gendarmerie nationale débarquant au sein du tribunal en disent long sur la nature des décisions prises au plus haut niveau : des magistrats portant des écharpes aux couleurs nationales repoussés sans ménagement, d'autres se voyant intimer l'ordre de sortir d'une salle où ils s'étaient rassemblés pour empêcher la tenue d'une audience, des cris… La scène apparaît comme n'étant rien de plus que la réponse définitive des autorités au mouvement de protestation déclenché dimanche dernier par le Syndicat national des magistrats (SNM) en réaction au récent mouvement opéré par le ministre de la Justice. Les grévistes chassés étaient venus empêcher l'installation des magistrats récemment nommés. Le syndicat, lui, proteste notamment contre les décisions d'affectation prises, selon lui, sans consultation préalable avec les concernés. Zeghmati réfute ces arguments. Selon lui, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en partie solidaire avec le SNM, et des représentants de ce dernier ont bel et bien pris part à une rencontre préalable et ont donné leur accord pour la mise en place d'une période ne dépassant pas les cinq années d'exercice dans les lieux d'affectation. «Les concernés n'ont pas été consultés», maintenait, jeudi encore, Issad Mabrouk, président du SNM, comme toute réponse aux invitations du ministère. Ce dernier avait, en effet, appelé les magistrats «qui se sentent lésés par la décision dont ils ont fait l'objet» à déposer des recours au niveau du CSM. A ce niveau, la situation est bien plus complexe qu'on ne pourrait le croire. Douze membres de la haute instance de magistrature ont pris fait et cause pour les grévistes, ont publié un communiqué annonçant le gel du mouvement, après l'avoir validé une première fois, et attendent depuis une réaction de Abdelkader Bensalah, sollicité pour la convocation d'une session extraordinaire du CSM pour trancher le différend. Bensalah n'a pas répondu, Zeghmati évoque la tenue d'une session ordinaire à la date prévue, la troisième semaine de novembre tandis que le SNM qualifie les réactions du ministère de «mesures d'improvisation» et poursuit sa décision de mener une grève illimitée jusqu'à satisfaction des revendications. Le syndicat est même allé plus loin samedi en se livrant à une déclaration perçue comme une menace. «Nous mettons en garde, dit-il, contre toute atteinte à un juge quelle que soit sa situation, elle ne fera qu'attiser la colère de tous les magistrats et la réponse du syndicat ne sera que plus détonante et ce, quelles qu'en soient les conséquences». La menace de trop ? L'évènement survenu hier au tribunal d'Oran peut largement laisser supposer que la persistance de la grève en question a atteint le seuil de l'intolérable aux yeux des autorités concernées. A un niveau officiel, plusieurs sources ont expliqué l'intervention musclée des gendarmes comme étant venue suite à une sollicitation du parquet d'Oran. Celui-ci, nous dit-on, est en droit de faire appel à la police ou à la gendarmerie pour rétablir l'ordre dans les tribunaux. A l'heure où les gendarmes investissaient le tribunal d'Oran, le ministre de la Justice se trouvait au sein de l'APN pour présenter un nouveau texte de loi. Jusqu'en fin d'après-midi, aucun communiqué émanant du ministère et évoquant la situation ou celle de la grève des magistrats n'a été enregistré. Zeghmati préférerait-il s'en tenir à la récente note adressée aux présidents de cour ? Dans cette dernière, il a rappelé la nécessité de procéder, sans tarder, à l'installation des personnes nouvellement nommées. Une mesure qu'a décidé d'appliquer le président de la cour d'Oran. Des sources proches du dossier ont tenu à indiquer que «certains magistrats ayant pris part au mouvement de grève ont souhaité reprendre leur poste de travail mais se trouvent gênés de devoir faire faux bond à leurs collègues solidaires du SNM». D'autres encore, à l'instar des magistrats qui devaient prendre officiellement leur nouveau poste à Oran, ont pris la décision d'interrompre leur grève. La majorité persistait, cependant, à poursuivre le mouvement de protestation. Des rassemblements ont ainsi eu lieu à travers plusieurs wilayas. A. C.