Comme il fallait s'y attendre, la marche hebdomadaire du Hirak d'hier à Bouira a encore drainé des milliers de marcheurs de tous âges, mais, cette fois-ci, et pour la première fois, avec une différence perceptible sur la question du dialogue proposé par le tout nouveau président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune. En effet, hier lors de la marche du vendredi dans son acte 44, deux tendances se sont dégagées des rangs du Hirak. D'un côté, ceux, ils sont peut-être nombreux lors de cette marche qui a drainé encore une fois des milliers de personnes, qui affichaient leur refus total de tout dialogue avec l'actuel pouvoir, assimilé carrément à un «pouvoir militaire» contre qui le Hirak se bat depuis le 22 février, en allant jusqu'à dénier le droit au nouveau Président de parler en leur nom et en lui déniant la qualité de président de la République tant, selon eux, son élection est entachée de fraude caractérisée lors du scrutin du 12 décembre dernier. De l'autre côté, des partisans du dialogue que l'on pourrait appeler comme tels, mais sans que personne parmi eux ose assumer cette position complètement et publiquement. Des partisans qui le disent en aparté, par petits groupes en reconnaissant à demi-mots la légitimité de l'actuel Président et, surtout, l'indispensable dialogue ou négociations, c'est selon, auquel M. Tebboune a appelé. Des partisans du dialogue qui l'affichent à travers des pancartes sur lesquelles sont portés les noms des interlocuteurs qui se comptent pour la plupart parmi les détenus actuels les plus influents du Hirak, à l'instar de Lakhdar Bouregaâ, Karim Tabbou, Fodhil Boumala, Samir Belarbi, mais également d'autres qui sont libres comme Maître Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul, Mokrane Aït Larbi, etc. Des interlocuteurs que les partisans du dialogue mettent au-devant de la scène, en les proposant au président de la République et en l'invitant, à travers des pancartes et autres banderoles, à les libérer et libérer tous les autres détenus du Hirak pour prouver sa bonne foi d'abord, ensuite, pour pouvoir engager des négociations avec eux comme interlocuteurs uniques du Hirak, aux côtés des autres représentants des partis politiques d'opposition qui devraient être de la partie, du moins ceux qui ont accompagné le Hirak depuis le début comme le RCD, le FFS, le PT, le MDS, etc. Pour le reste, des slogans habituels revenaient lors de cette marche. Une marche qui n'a pas été celle des grands jours, alors que tout le monde s'attendait à un raz-de-marée humain. Une chose est sûre : le Hirak se retrouve, pour la première fois depuis 10 mois, à la croisée des chemins : avancer en faisant des propositions concrètes au nouveau Président, ou continuer à marcher dans la rue en ignorant totalement l'agenda de ce Président. Lequel Président sera contraint de composer avec les opportunistes de tous bords comme cela se fait depuis l'indépendance. Cela étant, notons que lors de la marche d'hier, les trois jeunes manifestants blessés à l'œil lors de la journée du jeudi 12 décembre dernier à Bouira ont été omniprésents à travers des posters et autres banderoles, ainsi que des quêtes d'argent organisées pour leur prise en charge médicale, pendant toute la journée dans les principaux boulevards et artères de la ville. Y. Y.