- Bonjour ! Je voudrais un masque SVP ! - Prenez déjà un dentifrice ! Ça protégera plus efficacement ceux qui vous écoutent ! - ??? C'est-à-dire que les mecs sont en train de s'installer dans le Hirak. D'y creuser à leur rythme un nid douillet, et moi, on me susurre qu'il « ne faut surtout pas tomber dans le piège tendu par le pouvoir qui voudrait, encore une fois, nous emprisonner dans une bipolarisation avec les islamistes » ? J'entendrais presque les peintres et les carreleurs et les maçons faire des travaux rue Charras, au cœur d'Alger, juste en contrebas des manifs du vendredi et faudrait que, là aussi, je n'y vois qu'une manœuvre de Palais tendant à me faire peur ? Plus sournois encore, ceux dont la science du discours et la pensée est tellement poussée et savante qu'ils vous affirment avec un aplomb « gued el Hamlaoui » que le Benhadj de 2020 n'a rien à voir avec le Benhadj des années 90. Il aurait évolué, dis ! Comme aurait évolué la formule de l'arsenic, qui avant, tuait lentement, alors qu'aujourd'hui, il tuerait encore plus lentement, mais tout aussi sûrement les microbes de démocratie que nous sommes. Si je tends encore l'oreille, je suis presque sûr de discerner une sorte de soupir de soulagement chez certains de mes « camarades-camelots » vendeurs de Benhadj. Ils sont au bord de l'extase parce que convaincus que le gnome ne veut pas vraiment les trucider tout de suite, qu'il leur accorde un chouia de sursis, le temps de faire joujou-politique avec eux et ensuite de transmettre leurs noms aux descendants et héritiers de Chérif Gousmi. Encore un ch'tit effort, et ils vont nous jurer la main sur le cœur, et peut-être même déjà sur le Coran, que Benhadj est le « moins mauvais », pour reprendre cette formule devenue célèbre et déjà vintage ! Finalement, oui ! Oui, peut-être bien que le discours de Benhadj a évolué. Peut-être que Benhadj a évolué. Dans le « Harbou Khidaâ » s'entend, bien sûr. Par contre, que dire de nous ? Je constate avec amertume et même dégoût que nous n'avons pas franchement évolué. Que beaucoup d'entre nous gobent encore à gros bouillon la fable à double détente de la cohabitation possible avec le choléra et de la prochaine disponibilité du vaccin contre la peste. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.
P. S. : je vous retrouve tout à l'heure, à partir de 14 heures à Oran, librairie Abdelkader-Alloula pour une rencontre-dédicaces autour de mon recueil de nouvelles L'Homme-Carrefour et autres histoires d'un pays impossible paru aux éditions Frantz Fanon. Dans cet espace, et après une pause d'une journée, je vous retrouve, dès lundi matin, requinqué et fringant après cette virée oranaise. Le Fumeur de Thé