Il ne pouvait pas en être autrement. Si déjà en temps normaux, il est soumis à toutes sortes de facteurs influents parfois jusqu'à remettre en cause les fondements de la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande, que dire alors en ces temps de très fortes incertitudes qui voient le pétrole soumis à une pression qui augure un choc inévitable à l'allure prise par les événements depuis la fin de journée de vendredi ? Cela ne s'est pas vu depuis la première guerre du Golfe, en 1991. En fait, ce qui se passe depuis la matinée d'hier lundi ne surprend guère tant tous les ingrédients étaient réunis. Il ne manquait, en fait, qu'une décision radicale de l'un des grands acteurs du marché mondial pour que ça aboutisse à ce qui a cours en ce moment : un prélude à un nouveau choc pétrolier. En effet, pour compléter le tableau dont le décor était déjà planté depuis quelques jours, à vrai dire depuis mercredi, lorsque l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA) annonçait la mauvaise nouvelle de l'augmentation pour la 6e semaine de suite des réserves commerciales américaines. A ce scénario catastrophique pour les producteurs et investisseurs, il ne manquait donc qu'une décision du genre de celle prise par les Saoudiens de céder leur pétrole à prix quasi bradé. Une décision extrême qui sonne clairement comme la réponse à ce qui s'apparente pour les Saoudiens et leurs alliés à une «attaque» de la part des Russes venue sous la forme de leur refus, vendredi dernier à Vienne, d'entériner le plan pensé et mis au point par les Saoudiens de réduire la production de 1,5 million de barils/jour supplémentaire dans le cadre d'Opec+ pour enrayer la chute des prix provoquée, en grande partie, par l'épidémie de coronavirus. Au refus russe, les Saoudiens ont donc décidé d'opposer un dumping en mettant sur le marché leur pétrole à prix défiant toute concurrence. Ainsi, si l'on doit se fier à l'agence Bloomberg, le prix du pétrole saoudien destiné depuis dimanche à l'Asie a été réduit de 4 à 6 dollars le baril, alors que pour le pétrole destiné aux Etats-Unis, il était cédé avec 7 dollars de moins que son prix de marché. La conséquence ne s'est pas fait attendre puisque, pas plus de quelques secondes après l'ouverture du premier marché mondial, en Asie, les prix ont chuté de 30% pour faire passer le baril à son plus bas niveau depuis quatre ans ; le Brent passant de 45 dollars à 36,44, au moment où le WTI a affiché 32,97 dollars. Sur le même marché asiatique, celui qui a donné le ton de cette journée noire, dans l'après-midi, le pétrole de référence américaine (le WTI) s'établissait à 29 dollars alors que le baril de Brent marquait 33 dollars. A l'autre bout du monde, en revanche, sur le marché de Londres, les prix résistaient mieux puisque, à la mi-journée, heure algérienne, le plongeon du prix n'était «que» de 21,5% par rapport à son dernier cours de vendredi, tandis qu'à New York, le baril de référence américaine (WTI) avait commencé par subir une baisse de plus de 22%, en affichant 32,19 dollars, pour ensuite atteindre l'affolant 27,34 dollars. L'on se retrouve ainsi en plein dans le scénario imaginé il y a quelque temps à peine lorsque des analystes, rejoints par des perspectives établies par des banques dont Morgan Stanley qui prédit une augmentation de la demande de pétrole en Chine presque nulle, n'écartaient pas la possibilité d'un baril de pétrole aussi bas que 20 dollars au cours de l'année. De quoi craindre pour la stabilité de certains pays comme l'Algérie, dont même un baril de 50 dollars n'arrange pas les affaires tant que son économie demeure en l'état. Azedine Maktour