C'est durant ces moments de crises que le mouvement associatif prend tout son sens. Loin des discours creux ou des promesses sans lendemain, des associations s'activent à être un moyen fort de la logistique pour sortir de cette pandémie. Des mains cousent, cuisinent, récoltent des dons et tissent des liens pour répondre aux besoins du corps médical, des personnes nécessiteuses et autres franges de la société. Nous vous invitons à connaître et à apprécier un travail digne des ruches d'abeilles. «Confiné, oui ! Mais pas inactif !» «Se sentir utile devant une situation désarmante !» Ce sont là les véritables motivations de tous les bénévoles anonymes qui travaillent seuls ou dans le cadre d'une association. Deux actions sont prisées. Coudre encore et encore En considérant les besoins énormes et leur non-disponibilité sur le marché, la confection des bavettes est devenue, en l'espace de quelques jours, un enjeu crucial. Pour y répondre, des hommes et des femmes se sont affairés derrière des machines à coudre pour en confectionner des milliers. Que ce soit dans des ateliers de confection ou dans un coin du salon, ils sont tous animés par la volonté d'apporter de l'aide et de réduire un tant soit peu le risque de contamination. Aussi, l'association nationale des Lions Clubs d'Algérie a mobilisé ses troupes et a mis en place une cellule de crise dès le 15 mars dernier, soit à l'apparition des premiers cas atteints de Covid-19. L'objectif premier a été tracé dès le départ en orientant leur effort vers le soutien du personnel médical. Cette association, structurée de par ses années d'expérience, a pu délivrer du matériel sanitaire aux hôpitaux de la région centre , et notamment à Blida, pour une somme dépassant les deux millions de dinars. Cela s'est concrétisé par trois grandes opérations distinctes. En premier lieu, un don d'un lot de 2 000 flacons de gel hydroalcoolique, puis plus de 30 masques de plongée sous-marine type Décathlon, destinés au service de réanimation de Blida. Enfin, la dernière distribution a été plus large géographiquement, car orientée vers les hôpitaux d' Oran, Tizi Ouzou, Azazga, Tigzirt, Mustapha-Pacha, Bab-el-Oued, Beni Messous, Douéra et Cherchell et ce, avec divers produits : 300 masques respiratoires, 200 litres de gel hydroalcoolique, 6 000 bavettes, 1 000 camisoles. Une aide qui est plus que saluée, comme en témoigne le Pr Mohamed Bradaï, chef de service d'hématologie au Centre anti-cancérologie de Blida dans un mail adressé aux membres de cette association : « Je vous écris, encore une fois, pour vous exprimer notre gratitude pour les efforts fort louables que vous êtes en train de déployer sur le terrain pendant cette période. Les masques que vous nous avez envoyés ont été mis à la disposition du personnel soignant (au CHU et à l'EPH de Blida), qui travaille en contact direct avec les malades affectés par le Covid-19. Les chefs de services respectifs ont exprimé leur entière satisfaction, et m'ont assuré que ces masques de protection sont une excellente alternative qui permettra au personnel soignant d'assurer sa noble mission avec une sécurité optimale. Par votre geste et votre abnégation, vous contribuez à sécuriser les personnes qui sont à l'avant-garde. Mille mercis. Votre association Lions Clubs Algérie porte bien son nom, elle compte bien des lions .» Mais pas que ! La confection des bavettes est considérée par les adhérents de cette association comme un travail quotidien, où chaque membre est censé consacrer du temps pour les coudre et atteindre un objectif de 1 000 par mois. Eh oui, ils pensent à après le confinement afin de les distribuer directement aux passants. A Kouba, ce sont de jeunes apprentis qui ont fait la collecte de machines à coudre pour confectionner des camisoles à base de tissu polypropylène. « Nous avons autour de nous beaucoup d'amis, de mamans, de centres de formation professionnelle, de couturiers qui se consacrent exclusivement aux bavettes. Ces dernières sont soit distribuées au corps médical ou bien aux personnes qui en recherchent. Ceci bien sûr pour se protéger. Mais nous, nous avons fait le choix de coudre des camisoles pour le personnel médical. Cela prend un peu plus de temps et de moyens en termes de tissus. Mais heureusement, nous sommes entourés de jeunes hommes et femmes volontaires qui se relayent », explique Mohamed, un jeune étudiant. Organisés en sorte de collectifs, ces jeunes ne s'arrêtent pas à ce stade mais font également, avec leurs propres voitures, la tournée des hôpitaux pour les délivrer. « Nous essayons d'avoir une sorte de flotte de véhicules. Ce sont, bien sûr, les voitures de nos parents, qui restent confinés, et faisons en sorte aussi de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas être contaminés. Nos proches sont assez fiers de nous, tout en craignant pour notre santé et la leur aussi. C'est un danger invisible qui peut nous coller à la peau, mais nous voulons apporter notre aide, surtout au personnel médical », renchérit un autre étudiant muni de bavettes et de gants. Dans le même état d'esprit, un groupe de jeunes citoyens algériens ,en collaboration avec l'Association nationale pour les échanges entre les jeunes (Anej) mène aussi des actions sur le terrain. Ils appuient cinq établissements hospitaliers : CHU Mustapha, CHU Parnet, CHU Maillot, CHU Beni Messous et hôpital Baïnem, à travers des opérations de désinfection et de fournitures d'équipements de protection. Ils lancent également un atelier de fabrication de masques. Face à la diminution de la matière première mais aussi de l'appui financier, ces jeunes ne désarment pas et lancent un appel à travers les divers réseaux internet, pour poursuivre leurs opérations. Devant l'adversité, toute volonté est la bienvenue ! Repas chauds pour le personnel médical, comme soutien moral Il y a aussi les mamans qui veulent aider avec le peu de moyens dont elles disposent. Comme c'est le cas pour Fadila : «Au départ, nous nous sommes dit qu'avec le confinement, il y a des personnes qui seront dans le besoin, mais nous n'arrivions pas à connaître ces familles. Et comme nous avons l'habitude de cuisiner durant l'année pour les familles des malades hospitalisés, nous nous sommes dit, nous allons continuer dans ce domaine. De ce fait, et comme nous n'habitons pas loin de l'hôpital Mustapha-Pacha, nous nous sommes organisés en groupes, pour cuisiner à tour de rôle un nombre de repas allant jusqu'à 20 par jour. Ce n'est rien, nous en avons conscience mais c'est un geste pour dire à tout le personnel soignant et médical que nous pensons à eux .» Au niveau de l'association Lions Club, cette même action a des allures de véritable entreprise. Des responsables sont désignés, comme Fatiha, pour faire la collecte des données auprès des établissements sanitaires. Elle explique : « De façon régulière, quasi quotidienne, j'appelle les hôpitaux de la région dont je suis responsable, pour recenser les besoins et le nombre de plats à distribuer. Je transmets le nombre à un autre membre pour connaître la quantité de denrées à acheter et qui, par la suite, contacte un autre adhérent responsable de l'aspect financier pour arriver à collecter les dons et qui permettra bien sûr à d'autres membres de cuisiner et livrer les repas nécessaires. Des décharges sont signées et délivrées aussi à tous nos bienfaiteurs, leur permettant d'avoir une sorte de traçabilité et pour instaurer un climat de confiance. C'est un travail à la chaîne, dont chaque maillon est important et vital pour la réussite de cette action. C'est un travail qui est très prenant à la base, mais tellement satisfaisant sur le plan moral. Nous avons la satisfaction de savoir qu'il y a des médecins qui souriront et seront heureux d'avoir un repas chaud pour avoir plus de force et continuer à travailler et lutter contre ce virus .» Des Fatiha, des Mustapha, des Fadila sont des milliers qui œuvrent en silence et dont la fierté est de redonner, un tant soit peu, le sourire aux médecins, infirmiers, agents d'entretien et de sécurité. Tous ceux qui ont témoigné pour cet article ont voulu adresser un hommage appuyé à tout le personnel médical qui est au front, mais surtout aux huit médecins martyrs qu'a enregistrés la corporation. Sarah Raymouche