Ne plus considérer comme des revenus distribués les bénéfices non injectés dans le fonds social de l'entreprise, ne plus soumettre à l'IRG et l'IBS les revenus provenant de la distribution de bénéfices ayant déjà été soumis à l'IBS ou expressément exonérés, suppression du régime de la déclaration contrôlée pour les professions libérales qui seront désormais soumises à l'impôt forfaitaire unique (IFU), lorsque le chiffre d'affaires ne dépasse pas le seuil de 15 millions de dinars. Telles sont quelques-unes des dispositions fiscales prévues par la LFC qu'auront à approuver les députés. C'est à un sacré exercice auquel les pouvoirs publics étaient confrontés pour, d'une part, «corriger» la loi de finances 2020, et, d'autre part, parer au plus pressé pour affronter la situation peu reluisante induite par la pandémie de coronavirus sur l'économie nationale, déjà pas franchement brillante sans cela. L'instauration de nouvelles taxations n'est jamais un exercice qui recueille l'adhésion, surtout dans une conjoncture aussi défavorable pour un gouvernement qui se retrouve dos au mur par la faute, entre autres raisons, d'une très sévère chute des revenus dont dépend l'économie du pays, d'une balance des paiements souffrant d'un déficit structurel chaque année un peu plus menaçant, et d'autres agrégats macro-économiques peu encourageants, à commencer par le PIB dont les projections ne sont pas franchement réjouissantes. La choquante baisse de la demande de pétrole en raison la pandémie de Covid-19 a eu ses conséquences quasi immédiates sur l'économie algérienne en mal de structuration après les dégâts causés durant les deux décennies écoulées malgré une situation financière globale dont beaucoup de pays ne peuvent pas se targuer de jouir. Les prix du pétrole algérien, impactés par le coronavirus, n'offrent qu'une mince marge de manœuvre au gouvernement pour boucler avec le moins de dégâts possibles l'année 2020. Ainsi, si l'on doit se fier aux prédictions, l'Algérie devrait exporter pour moins de 18 milliards de dollars de son pétrole d'ici la fin de l'année, alors que la loi de finances initiale tablait sur des recettes de l'ordre de 35 milliards de dollars. En parallèle, la facture des importations de biens ne devrait diminuer que de 13,1% par rapport aux prévisions de la loi de finances léguée par Bedoui et son équipe, pour se situer à 33,5 milliards de dollars, ce qui devrait aboutir dès lors à un déséquilibre encore plus affolant que d'habitude de la balance des paiements, pas loin des 19 milliards de dollars alors que la loi de finances initiale l'établissait à 8,5 milliards de dollars. Dans la série des chiffres qui font peur, ceux des déficits budgétaires et du Trésor ne sont sans doute pas les moins gravement atteints par la conjoncture imposée. Le déficit budgétaire devrait atteindre cette année les 1 976,9 milliards de dinars, plus de 10% du PIB alors qu'il était prévu initialement à -1 533,4 milliards de dinars, soit un peu plus de 7,2% du PIB. Quant au déficit du Trésor, il monterait à 2 954,9 milliards de dinars, soit -15,5% du PIB. Et pour couronner le tout, si le prix du pétrole demeure sous la barre des 50 dollars, la montée du déficit de la balance des paiements devrait «soulager» les réserves de change d'une trentaine de milliards de dollars. De quoi craindre pour la solvabilité du pays d'ici 2021. Une panoplie de mesures fiscales, mais… Malgré les réserves émises par des députés et les 56 modifications proposées, dont 30 ont été transmises à la Commission des finances et du budget, alors que 23 ont fait l'objet de rejet au motif d'opposition à l'article 139 de la Constitution, et 3 autres pour vice de forme, le gouvernement tient à ses «réajustements» fiscaux même les plus impopulaires, comme c'est le cas de l'augmentation de la taxe sur les produits pétroliers, importés ou produits localement, qui influera directement sur les prix des carburants à la pompe. Ainsi, concernant les impôts directs et taxes assimilées, en plus de l'annulation du régime de la déclaration contrôlée pour les professions libérales en les soumettant au régime de l'impôt forfaitaire unique (IFU), lorsque le chiffre d'affaires ne dépasse pas les 15 millions de dinars, la suppression des 15% d'imposition sur les bénéfices non affectés au fonds social de l'entreprise dans un délai de trois ans, il y a évidemment la mesure énonçant l'exonération à compter du 1er juin de l'IRG sur les revenus mensuels inférieurs à 30 000 dinars, avec la mise en place d'un nouveau barème de l'IRG. Des dispositions d'exonération ont été également prévues au profit des start-up, exemptées de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) et de l'IRG ou de l'IBS pour une durée de trois ans à compter de la date de début d'activité, alors que les start-up assujetties à l'impôt forfaitaire unique devraient être exonérées de l'IFU pendant trois ans. De plus, il a été décidé d'exonérer de la TVA les équipements acquis par les start-up au titre de la réalisation de leurs projets. La LFC a reconduit pour une période de cinq ans supplémentaires l'exonération de l'avantage fiscal accordé aux titulaires de revenus exerçant leurs activités dans les régions du Grand Sud algérien, permettant un abattement de 50% en matière d'IRG et d'IBS au titre des revenus réalisés dans les wilayas d'Illizi, Adrar, Tamanrasset et Tindouf. Il est également prévu une réduction de 25% sur la TAP pour les entreprises du très éprouvé secteur du bâtiment et travaux publics alors qu'il a été concédé la suppression du taux réduit de TVA aux prestataires des activités touristiques pour une durée supplémentaire de trois ans. Et puis, au titre des taxes, malgré la résistance et la désapprobation ayant vu le jour un peu partout dès que la projet de LFC a été rendu public, comme ce fut le cas pour la taxe sur les produits pétroliers, le gouvernement a décidé d'aller jusqu'au bout de sa logique en instaurant une taxe sur les véhicules neufs importés d'un montant variant de 100 000 dinars à 2 000 000 de dinars selon le volume de la cylindrée (800 cm3 à 2.5000 cm3), l'instauration de l'impôt sur la fortune qui viendra remplacer l'impôt sur le patrimoine, et le passage de 24% à 30% de la retenue à la source appliquée aux sociétés étrangères prestataires de services en Algérie. Avec les incertitudes persistantes sur la reprise «effective» de l'économie mondiale, donc la remontée des cours de l'or noir, et l'état des lieux d'une économie nationale presque à réinventer intégralement, la marge de manœuvre des pouvoirs publics n'est jamais apparue aussi mince. Azedine Maktour