La wilaya de Sétif enregistre, depuis quelques jours, une recrudescence des cas positifs à la pandémie de Covid-19. Samedi, 14 nouveaux cas confirmés de coronavirus ont été enregistrés, portant le nombre de malades à 871. Quatre décès supplémentaires ont été également enregistrés samedi soir. Un relâchement du respect des règles barrières est à la base de cette situation sanitaire qui inquiète sérieusement les autorités et qui met à mal tous les efforts consentis depuis plus de deux mois. L'assouplissement du confinement a comme libéré les Sétifiens qui s'empressent de reprendre les habitudes prohibées par les autorités sanitaires, au moment où la progression de la contamination ne cesse d'inquiéter dans la capitale des Hauts-Plateaux et certaines de ses daïras. Ici et ailleurs, le constat est le même : les comportements qui favorisent la prolifération du virus pathogène ont repris de plus belle et l'été qui s'annonce risque d'accentuer le phénomène du relâchement. Comme beaucoup le craignaient, la réouverture de certaines activités commerciales et le retour du transport urbain, taxis, bus et tramway, ont laissé penser à certains que la crise de coronavirus est derrière nous. Ce qui est loin d'être le cas et le wali de Sétif n'a cessé de déplorer un «relâchement généralisé des gestes barrières requis dans le cadre de la prévention de la propagation du coronavirus». «Ce relâchement observé dans la ville de Sétif et certaines de ses daïras comme El-Eulma, Aïn-Oulmane ou Aïn-Azel se caractérise notamment par la non-observation de la distanciation sociale et l'absence du port du masque, gestes obligatoires. Nous dénonçons avec la plus grande énergie ces actes d'irresponsabilité susceptibles de faire échec aux mesures de prévention et de sauvegarde que l'Etat a mis en place», a déclaré Mohamed Belkateb. Précisant que «l'assouplissement du confinement ne doit pas faire penser ou croire à l'opinion que la pandémie est désormais éradiquée», le wali a appelé la population au ressaisissement. «L'observation absolue des mesures barrières qui constituent, pour le moment, le seul dispositif pouvant permettre de contrer la propagation de l'épidémie» est de rigueur, a insisté le représentant de l'Etat. L'insouciance de la population La psychose liée à l'apparition du Covid-19 a cédé la place à l'indifférence et à l'inconscience. Dans les rues de Sétif, le constat saute aux yeux. Les usagers qui portent des masques de protection se comptent sur les doigts d'une main. Dans certains espaces publics, les mesures de distanciation physique ne sont plus respectées. Il est dix heures à la cité des Abattoirs en ce dimanche 21 juin 2020. Ce lieu, occupé par des grossistes et détaillants en produits alimentaires, grouille de monde. Les clients viennent de plusieurs wilayas faire leurs emplettes. Ici, la distanciation sociale n'est pas respectée et le port du masque est juste facultatif. D'ailleurs, ceux qui en ont l'ajustent sur le menton, laissant bouche et nez à l'air libre. Il sera réajusté à la vue d'une patrouille de police qui passe par là. On a l'impression que les gens ne se soucient plus des ravages de la maladie de Covid-19 qui sème la désolation. Depuis quelque temps et malgré les campagnes de sensibilisation, beaucoup de citoyens ne se donnent plus la peine de respecter les mesures barrières édictées par les autorités sanitaires pour lutter contre la maladie. « Ce que vous constatez ici reflète l'image de la ville de Sétif. Depuis quelque temps, les Sétifiens ne respectent plus les mesures d'hygiène. Il y a un relâchement total. Parcourez tous les magasins, rares sont ceux qui mettent du gel hydroalcoolique à la disposition des clients alors qu'au début de la pandémie, il y en avait dans chaque commerce », a constaté S. Abdelwahab, un habitué des lieux. À quelques pas de là, à la cité du 20-Août-1955, appelée communément cité des 1 000 logements, un groupe de jeunes assis en face du marché des fruits et légumes, fermé mercredi dernier par les autorités, discute en sirotant un café et en fumant sans se soucier des mesures barrières. Interrogés sur ce relâchement et le non-respect du port du masque, les réponses sont variées. Certains parlent des difficultés de respiration liées au port des masques, d'autres ne croient simplement pas à l'utilité du masque. « J'ai du mal à respirer lorsque je porte le masque. Cela risque de me tuer plus vite que le corona », déclare M. Djamel, un jeune de 26 ans. Son ami Farid, lui, pense que le port du masque ne lui évite pas la contamination. « Si Dieu veut que j'attrape cette maladie ça sera avec ou sans port du masque. Donc je préfère ne pas en porter», dit-il. Il rappelle qu'il y a des réalités qui sont communes aux Algériens. « On ne peut pas se fuir éternellement. C'est cette vie que nous connaissons ici : s'asseoir à côté, se parler entre amis, partager des tasses de café. C'est ça la réalité algérienne. Dieu nous préservera de cette maladie», lance-t-il. Masques et bavettes aux calendes grecques Pharmacien, Abdelkrim constate, lui aussi, le relâchement quasi généralisé. À l'en croire, au début de l'apparition de la maladie, il vendait, au moins, 100 masques par jour. Mais, constate-t-il, pour s'en désoler, depuis quelques semaines, son chiffre d'affaires baisse. « Au début de la pandémie, les gens avaient vraiment très peur et se ruaient pour l'achat des masques. D'ailleurs, on n'en avait plus à cause de la pénurie. Mais aujourd'hui malgré le port obligatoire du masque, les gens ne se bousculent plus pour en acheter. C'est à peine si j'arrive à vendre une dizaine de masques par jour », révèle-t-il. Il trouve « préoccupant » que « seulement la moitié de la population porte le masque dans les lieux publics. Cela veut dire qu'on ne pourra pas arrêter la transmission du virus et que nous devons nous attendre à beaucoup plus de cas », estime-t-il. Pour lui, des sanctions plus sévères doivent être infligées à ceux qui refusent de respecter les mesures barrières notamment le port du masque qui, à son avis, est obligatoire pour tout le monde. Mais pour certains citoyens, l'achat de masques ou de bavettes n'est pas dans leurs moyens. « Je suis chômeur et sans aucun revenu et on nous exige de porter le masque qui coûte entre 50 et 80 dinars l'unité. Si on suit leur raisonnement donc je dois en acheter un chaque jour, mais avec quoi ? Je ne vais pas débourser 400 ou 600 dinars par semaine pour des bavettes, je préfère acheter des cigarettes quitte à ne pas en porter du tout », affirme Nabil. Alors que ammi Salah refuse catégoriquement d'en acheter. « Je suis un travailleur journalier et je n'ai pas les moyens d'acheter une bavette chaque jour. Avec le prix du masque, je préfère ramener deux sachets de lait à mes enfants », dira-t-il. Matchs de foot et veillées nocturnes Chaque fin d'après-midi, les terrains de sport de proximité et les terrains vagues sont pris d'assaut par des jeunes et moins jeunes pour y disputer des rencontres de foot. La reprise de la pratique du sport en public semble servir d'exutoire aux jeunes ayant déserté les bancs d'école depuis le mois de mars et aussi aux moins jeunes qui se sont inscrits au chômage forcé depuis le début du confinement. À travers certaines cités de Sétif, tout donne l'air que les jeunes conjuguent le Covid-19 au passé en bravant les interdits et défiant les forces de l'ordre qui tentent de les contenir. Même les policiers chargés de veiller au grain semblent dépassés. Visiblement, ils ont perdu leur verve du début du confinement. Inutile de parler de gestes barrières ou de port de masque. Ils sont relégués au second plan. « Le masque n'est pas adéquat avec le sport.» Comme Sofiane, ils sont nombreux à sortir cette phrase en guise de prétexte. La nuit tombée et aux heures supposées du confinement, les quartiers populaires de la ville de Sétif, comme Tandja, Birgay, Gareta... se transforment en d'immenses salles de jeux à ciel ouvert avec des parties interminables de jeux de cartes et dominos. Attablés ou assis par terre, les jeunes entament leur soirée en sirotant un café et fumant de la « chicha » pour certains. Dans ces quartiers-là, le coronavirus n'existe pas. Commission d'enquête attendue Devant cette situation inquiétante et alarmante, le ministre de la Santé a décidé de l'envoi d'une commission d'enquête afin de s'enquérir de la situation sanitaire dans cette wilaya lourdement impactée par le coronavirus et de dresser un constat sur les raisons de l'échec des mesures préconisées par le gouvernement dans la lutte contre le Covid-19. Que feront les pouvoirs publics afin d'endiguer la propagation de cette grave maladie dans la wilaya de Sétif ? Mise en quarantaine de la capitale des Hauts-Plateaux ? Mesures sanitaires plus strictes ? Confinement partiel ? « Aucune solution n'est à écarter », nous répond-on. Imed Sellami