«David Alaba est pour moi une sorte de Beckenbauer noir.» Jamais, de mémoire de journaliste allemand, le patron du Bayern Munich Karl-Heinz Rummenige n'avait autant encensé un joueur: l'arrière autrichien, très engagé contre le racisme, a acquis cette saison une nouvelle dimension sportive et extrasportive. Le défenseur latéral reconverti arrière central, qui tentera de contenir Neymar, Kylian Mbappé et les autres stars du PSG, dimanche soir en finale de la Ligue des champions, est en train de devenir à 28 ans une icône en Allemagne. «Il est le premier joueur qui joue à ce niveau depuis Franz (Beckenbauer), qui prend en main ce sceptre» de leader depuis les lignes arrières, s'est enthousiasmé récemment Rummenige, qui l'a vu arriver à Munich à l'âge de 16 ans, déniché à l'Austria Vienne. «Sa personnalité s'est épanouie, poursuit le patron du Bayern, en ces temps de Black Lives Matter, il a aussi la chance de pouvoir jouer un rôle particulier, en raison de sa couleur de peau». Né dans la capitale autrichienne, fils du célèbre musicien nigérian George Alaba et d'une mère philippine, David Alaba a été parmi les premiers à s'exprimer publiquement après le décès, fin mai, de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier aux Etats-Unis. «Le racisme est omniprésent» «J'ai été confronté au racisme constamment dans ma vie, dans ma jeunesse, dans mon enfance, aujourd'hui encore », a-t-il témoigné. « La question du racisme est, malheureusement, omniprésente dans ma vie (...) le mot en N (nègre, NDLR) m'a constamment été lancé, ça n'avait rien d'exceptionnel.» Aujourd'hui, de par son statut, il avoue échapper à ces agressions, mais ses amis en sont toujours victimes : «Quand j'entends ce qu'ils me racontent, je me dis parfois : Est-ce que rien n'a donc changé ? Voir mes frères et sœurs noirs souffrir autant me rend triste et me brise le cœur». Des souffrances qui ont aussi forgé son caractère et fait de lui le leader qu'il est devenu. Cette saison, il a franchi un cap, en grande partie grâce aux circonstances. Depuis longtemps installé en latéral, ancien complice de Franck Ribéry sur le flanc gauche, il a dû se réinventer en central dès novembre, après les blessures des deux titulaires Niklas Süle et Lucas Hernandez. En quelques matchs, cet athlète d'1,80 m seulement mais très fort de la tête a encore élargi sa palette, pour devenir le patron incontesté de la défense : «Son développement à ce poste est remarquable. Il dirige l'équipe et donne des ordres», constatait son entraîneur Hansi Flick dès le printemps. Guardiola l'avait prédit... Et alors que l'Autrichien joue actuellement une partie de poker avec ses dirigeants, en laissant entendre qu'il pourrait quitter le Bayern après la finale de Lisbonne, Flick a été très clair : «Je vais m'investir, de tout mon poids, pour que lui et Thiago (également partant possible) restent avec nous», a-t-il promis. Car Alaba est aussi devenu l'un des relais du coach dans le vestiaire. «Je parle beaucoup avec les jeunes», explique-t-il, «ils viennent souvent me voir et me poser des questions, j'essaie de leur montrer la bonne voie». Alphonso Davies, la révélation de la saison, a notamment raconté qu'Alaba lui avait donné des conseils précieux pour progresser à son poste d'arrière gauche. Avant Flick, un autre coach mythique, Pep Guardiola, avait déjà vu le potentiel de ce joueur polyvalent, milieu de terrain avec la sélection autrichienne : «Il peut jouer partout, il est rapide, bon dans la relance et toujours concentré à 100%. Il peut sans aucun doute devenir l'un des meilleurs arrières centraux du monde», avait prédit le Catalan, qui l'avait testé à ce poste lorsqu'il entraînait le «Rekordmeister» (2013-2016). Beckenbauer, au XXe siècle, a soulevé trois fois le trophée de la C1. Alaba l'a gagné en 2013. Dimanche, s'il réduit au silence les stars du PSG, il ne sera plus qu'à une marche du «Kaiser».