Trois jeunes – Mohamed Tadjadit, Walid Kechida, Walid Nekiche – trois cas emblématiques de cette jeunesse sortie de l'anonymat grâce au Hirak, sont libres après avoir vu leurs peines réduites. Tadjadit est un enfant de la Casbah d'Alger. Walid Kechida est de Sétif et Walid Nekiche de la région de Tizi-Ouzou. Comme tant d'autres de leur génération dont beaucoup sont encore en détention, ils ne sont membres d'aucun mouvement et ne se reconnaissent pas dans ces partis siégeant à l'APN et frappés de discrédit. Et comme beaucoup de hirakistes, ils ont le tort d'exprimer leur ressenti sur la situation sociopolitique avec leurs posts et leurs propres mots... Avec un vocabulaire qui n'est pas celui d'un militant politique rompu à la pratique activiste. Avec les mots d'une jeunesse que 20 ans de régime de Bouteflika a cherché à éloigner de la chose politique, qui a soif de justice sociale et de liberté et qui aspire à la citoyenneté. Une jeunesse qui refuse de n'avoir pour tout horizon que la «harga» ou le religieux rétrograde et réactionnaire qui a failli mettre à genoux le pays durant les années 90 et qui sévit encore. Cette jeunesse-là – elle l'a démontré durant un an de Hirak – ne constitue pas une menace pour la stabilité du pays. Elle sera la première à se mobiliser en cas de menace extérieure. L'autre sujet d'actualité, c'est cette histoire de vaccin anti-Covid dont se sont emparés des courants islamistes, histoire d'occuper le terrain médiatico-politique. Et qui a pratiquement sommé les autorités sanitaires de dévoiler la composition du vaccin anti-Covid pour savoir s'il est « halal », faisant fi au passage de la vie de millions de personnes, menacées par l'expansion du coronavirus ! Du coup, dans l'urgence, une commission de la fatwa convoquée par le ministre des Affaires religieuses a validé le vaccin, certifiant qu'il est halal ! Ce qui n'a pas manqué de faire réagir le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), le docteur Merabet, qui s'est interrogé, à juste titre, sur ce «mélange des genres» et la «porte ouverte aux interprétations sur d'autres questions liées à la santé publique» ! En effet, si on suit les islamistes dans leur délire, faudra-t-il dès lors tout soumettre au crible de leur référent religieux ? Comme exiger de rendre publics les composants servant à la fabrication des smartphones, des ordinateurs, des voitures, des trains, des armes, des missiles et des avions civils et militaires, afin de vérifier si, par hasard, les intrants servant à leur fabrication ne contiennent pas du «halouf» ! Plaisanterie mise à part, à travers cette levée de boucliers contre la vaccination, ces courants islamistes d'obédience salafiste - mais pas que - ne recherchent rien de moins qu'à imposer la primauté du religieux sur le politique et, partant, que l'Etat, les organisations sociales et politiques et de la société civile s'effacent devant le religieux. Après avoir accueilli avec une satisfaction à peine dissimulée que la liberté de conscience ne figure plus dans la Constitution révisée, les courants islamistes, toutes tendances confondues, veulent pousser plus loin leur avantage, en continuant de surfer sur le complotisme ambiant et la défiance envers l'Etat et le politique. Ouvrons une parenthèse historique avant de poursuivre : les fondateurs du FLN, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M'hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Didouche Mourad, et le Groupe des 22, ont-ils eu besoin de solliciter une fatwa des Oulémas pour déclencher la lutte armée ? La réponse est non. Les Oulémas ont été mis devant le fait accompli et n'ont rejoint, que contraints et forcés, en 1956, le FLN/ALN, à la veille du Congrès de la Soummam que leurs héritiers ne cessent de pourfendre, soit deux ans après la proclamation du 1er Novembre 1954, pas avant. Face donc à cette situation et face au climat actuel de dégradation sociale, d'un confinement qui pèse sur le moral et les nerfs des Algériens, sur fond d'appels à braver le confinement, à Jijel et ailleurs, de manifestations de supporters du Mouloudia d'Alger qui auraient pu dégénérer, l'urgence d'un assainissement du climat politique et d'un retour à la vie démocratique est plus que jamais à l'ordre du jour. De jeunes activistes ont vu leurs peines réduites, souhaitons qu'il en aille de même pour Khaled Drareni et le général à la retraite Ali Ghediri sur lesquels la Cour suprême doit prochainement statuer, voire de Rachid Nekkaz dont le procès n'a pas encore eu lieu et dont la santé, d'après ses avocats, se serait dégradée. Et, par extension, à tous les détenus d'opinion. H. Z.