Le président et le Premier ministre se sont quittés sans accord, reconduisant l'impasse politique sans même se fixer de rendez-vous de la dernière chance pour la désignation d'un gouvernement. Le Premier ministre désigné Saâd Hariri et le président Michel Aoun ont échoué à se mettre d'accord sur la formation d'un nouveau gouvernement après des mois de blocage dans un pays en proie à un effondrement économique. Pis encore, lundi, la réunion entre Hariri et Aoun a viré aux échanges d'accusations acerbes et publiques entre les deux hommes, faisant craindre une impasse totale. Aucune nouvelle date de réunion n'a été annoncée. Dans une allocution télévisée enflammée depuis le palais présidentiel, M. Hariri a ainsi violemment pris à partie M. Aoun à l'issue d'une brève rencontre avec lui, lui reprochant d'entraver la formation du gouvernement en insistant sur une "minorité de blocage" au sein de la prochaine équipe ministérielle et en cherchant à imposer une répartition "confessionnelle et partisane" des portefeuilles. "Le travail du Premier ministre désigné n'est pas de remplir des papiers (...) et ce n'est pas au président de la République de former un gouvernement", a lancé frontalement M. Hariri lors d'une conférence de presse. Le qualifiant d'"unique et dernière chance pour le pays", il a réitéré son attachement à un gouvernement de technocrates, réclamé à l'international, "chargé de lancer des réformes, de stopper l'effondrement" et de débloquer une aide étrangère substantielle. La mine grave, le ton saccadé, M. Hariri a assuré avoir soumis au président Aoun une "ébauche" de gouvernement "depuis 100 jours", avant de la dévoiler à la presse, les noms des ministres à l'appui. La présidence de la République a aussitôt démenti dans un communiqué toute velléité de "minorité de blocage" et exprimé son "étonnement" quant aux "propos" et au ton de M. Hariri. Si M. Hariri reste intraitable au sujet d'un gouvernement de spécialistes, auquel Paris est favorable, c'est notamment pour relancer les négociations avec le Fonds monétaire international et "restaurer la confiance de la communauté internationale". Mais le chef de l'influent mouvement chiite du Hezbollah, Hassan Nasrallah, allié du président Aoun, l'a appelé jeudi à revoir sa formule. "Un gouvernement de technocrates qui ne serait pas protégé par les forces politiques ne pourra ni sauver le pays ni prendre des décisions" majeures, a plaidé M. Nasrallah. Le Premier ministre désigné avait déjà rencontré M. Aoun jeudi, qui lui a lancé un ultimatum, l'enjoignant de former "immédiatement" un gouvernement ou de rendre son tablier. Les dirigeants libanais sont devant une situation peu enviable, étant sous les feux de la pression de la rue mais aussi d'injonctions internationales, notamment celles de la France et des Etats-Unis qui veulent urger la formation d'un gouvernement afin de mettre fin à la crise économique qui pèse de tout son poids sur le quotidien des Libanais. Dans ce sillage, la Ligue arabe a appelé hier toutes les factions politiques au Liban à "prioriser l'intérêt" du pays et à "œuvrer rapidement pour sortir de l'impasse politique qui exacerbe les souffrances du peuple libanais", a indiqué un communiqué de la Ligue. La Ligue arabe est prête à "intervenir, si on le lui demande, pour rapprocher les points de vue et réduire la fracture actuelle, afin de parvenir à une solution consensuelle permettant au président désigné de former son gouvernement sans délai (...)", a indiqué le sous-secrétaire général de la Ligue arabe, Hossam Zaki, dans le communiqué. M. Zaki a mis l'accent sur l'impératif de former un gouvernement qui "puisse travailler, avec les compétences des spécialistes, pour extirper le Liban de sa situation de crise actuelle à travers la mise en œuvre des réformes nécessaires qui répondent aux aspirations et aux revendications des Libanais". Amar R.