Carlos Ruiz Miguel* Dans la phase terminale de présidence, Trump a décidé de «reconnaître» la «souveraineté» du Maroc sur «tout» le Sahara Occidental, actuellement divisé en une zone occupée par le Maroc, une autre contrôlée par la République sahraouie (20 % du total) et une autre zone, petite mais stratégique, contrôlée par la Mauritanie. Cette décision, contraire au droit international, nuit à la paix en Afrique du Nord. Pour la juger en évitant les présentations manipulées, il est nécessaire de rappeler l'histoire et le droit international applicable des Nations-Unies (ONU). L'Espagne a signé un accord de «protectorat» avec les tribus indépendantes du Sahara Occidental en 1884, près de 30 ans avant qu'elle ne soumette, avec la France, le Maroc à un protectorat en 1912. Après l'indépendance de ce dernier en 1956, sa politique étrangère agressive visant à construire le «Grand Maroc» a cherché à annexer le Sahara Occidental, la Mauritanie, le nord-ouest du Mali, l'ouest de l'Algérie et les territoires espagnols d'Afrique du Nord. Le Maroc a protesté lorsque, en 1960, la Mauritanie a rejoint l'ONU, affirmant que ce pays faisait partie de son «intégrité territoriale» (S/4568). Lorsque cette tentative échoua, il tourna son expansionnisme vers l'Algérie, en tentant de s'emparer de ses territoires occidentaux en 1963 (Guerre des sables). Après avoir échoué, le royaume a concentré toute son énergie sur la prise de possession du Sahara Occidental, affirmant également qu'il faisait partie de son «intégrité territoriale» et que la décolonisation du territoire alors administré par l'Espagne ne devait pas se faire par le biais d'un référendum d'autodétermination mais en le «rendant» au Maroc pour qu'il puisse le «récupérer». Pour dissiper les doutes, l'ONU a demandé à la Cour internationale de justice un avis consultatif, qui a été émis le 16 octobre 1975, indiquant que le Maroc n'a jamais eu de souveraineté sur le Sahara Occidental, et que tout au plus le sultan marocain avait des liens personnels avec certaines tribus minoritaires dans le nord du territoire (les Tekna), tandis que les tribus sahraouies majoritaires (comme les Rguibat) ont toujours été indépendantes et n'avaient même pas de liens personnels avec le sultan. La Cour a conclu que la décolonisation du Sahara Occidental devait être réalisée «par l'application du principe d'autodétermination par l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire» (paragraphes 102 et 162). Afin d'organiser le référendum, l'Espagne a procédé à un recensement de la population originelle en 1974. Mais la maladie terminale du général Franco (alors au pouvoir), juste après l'avis consultatif de la CIJ, a été mise à profit par le roi du Maroc et ses alliés internationaux (Kissinger, principalement) qui ont organisé une invasion du Sahara Occidental au moyen de la «marche verte» (déplorée par le Conseil de sécurité de l'ONU dans sa résolution S/RES/380 du 6 novembre 1975). Des pressions ont alors été exercées sur l'Espagne et la Mauritanie pour qu'elles signent l'accord tripartite dit de Madrid du 14 novembre 1975, afin de soi-disant «décoloniser» le territoire sans référendum d'autodétermination. L'Assemblée générale ne reconnut pas la validité de l'accord et exigea le référendum d'autodétermination (résolution A/RES/3458 du 10 décembre 1975). Invoquant l'accord illégal de Madrid, le Maroc et la Mauritanie envahissent le Sahara Occidental, rencontrant la résistance du Front Polisario. Après le retrait de l'Espagne le 26 février 1976, le Front Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique, reconnue par un grand nombre d'Etats. La Mauritanie a renoncé à annexer le territoire, mais pas le Maroc, qui a poursuivi jusqu'en 1991 la guerre contre le Front Polisario (représentant du peuple sahraoui, selon la résolution A/RES/34/37 de 1979 de l'Assemblée générale). Les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, ont signé en 1988 des propositions de règlement qui, complétées par le plan d'application du secrétaire général des Nations-Unies, forment le plan de règlement (S/21360), approuvé par le Conseil de sécurité en 1990 (S/RES/658). Ils ont accepté d'organiser un référendum d'autodétermination sous l'égide des Nations-Unies, avec la coopération de l'Organisation de l'unité africaine, dans lequel les personnes incluses dans le recensement espagnol de 1974 voteraient (paragraphes 23 et 24 du plan de règlement) pour que les Sahraouis choisissent entre l'intégration au Maroc et l'indépendance (paragraphe 31 du plan de règlement). Par la suite, le secrétaire général a décidé que ceux qui s'accréditaient comme Sahraouis devaient être ajoutés au recensement à travers une série de critères (document des Nations-Unies S/23299 de 1991). Après de nombreux obstacles, la Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara Occidental (Minurso) a achevé le recensement en décembre 1999 (S/2000/131). Le registre était prêt. Pourquoi le référendum n'a-t-il pas été organisé ? Parce qu'en 2004, le Maroc (annexe du document S/2004/325 de l'ONU) a déshonoré son engagement contenu dans le plan de règlement. Le 13 novembre 2020, il a également renié ses engagements concernant le cessez-le-feu, provoquant un retour à la guerre après près de 30 ans de tension. La «reconnaissance» d'une «souveraineté» dont la Cour internationale de justice a déclaré qu'elle n'a jamais existé signifie seulement le soutien à une politique d'expansionnisme et de violation du droit international et du droit à l'autodétermination reconnu au Sahara Occidental par la Cour internationale de justice, l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l'ONU. Seul le respect des droits des autres apportera la paix au territoire sahraoui. C. R. M. *Professeur des universités. Directeur du Centre d'études sur le Sahara Occidental de l'Université de Saint-Jacques-de-Compostelle.