La récupération de l'argent et des biens issus de la corruption figure au centre des tâches qui incombent désormais au nouveau ministre de la Justice. Belkacem Zeghmati lègue ce lourd dossier à Abderrachid Tebbi, un magistrat plongé depuis de longs mois dans les dossiers de tous ces anciens ministres et oligarques incarcérés pour détournement de deniers publics. Il est d'ailleurs plus que probable que cette connaissance approfondie des dossiers de corruption figure parmi les critères essentiels l'ayant conduit à la fonction de garde des Sceaux. En sa qualité de premier président de la Cour suprême, Abderrachid Tebbi a vu défiler toutes les affaires les plus sensibles d'avril 2019 à août 2020, date marquant la suppression de la juridiction de privilège des anciennes personnalités et ex-ministres. Les dossiers de corruption ont été à ce moment transférés au tribunal de Sidi-M'hamed où un pôle spécialisé a été mis en place pour gérer uniquement ce genre d'affaires. Durant ces seize longs mois, des décisions sensibles ont découlé de sa fonction, signatures de mandats de dépôt signifiant l'incarcération des noms qui ont géré le pays sous Bouteflika, envoi des commissions rogatoires à l'étranger... Ce que très peu de personnes savent jusque-là est que le nouveau ministre de la Justice fait également partie de ces hommes qui ont géré dans l'ombre la grosse colère des magistrats en 2019. Pour protester contre un vaste mouvement de mutation touchant près de 3 000 magistrats, le SNM (Syndicat national des magistrats) avait gelé toute activité judiciaire à travers le pays durant un mois. Un accord avec le gouvernement avait permis un retour à la normale et Abderrachid Tebbi n'est pas étranger aux négociations ayant permis de calmer la situation, ce qui lui confère aujourd'hui une certaine crédibilité auprès du corps de la magistrature. Avant d'accéder au poste de premier président de la Cour suprême, il a occupé la fonction de procureur puis celle de chef de cabinet de Benbitour à la chefferie du gouvernement et de Karim Younès lorsque celui-ci présidait l'APN. Depuis cette fin de semaine, il est sous les feux de la rampe, son nouveau statut l'amène donc à gérer la très délicate mission devant mener à la récupération de l'argent et des biens issus de la corruption, une promesse de Abdelmadjid Tebboune. Lors des passations de consignes, sa première déclaration a déjà porté sur le sujet. Il a fait savoir que la restitution d'avoirs issus des crimes de corruption constituera un « défi à relever, et ce, à travers le recours à toutes les voies possibles pour le recouvrement des deniers publics détournés par le passé dans le cadre d'un effort national visant à récupérer les richesses de la Nation comme l'a promis le président de la République », a-t-il déclaré. Abderrachid Tebbi reprend le dossier là où Zeghmati s'est arrêté. La récupération de l'argent et des biens se trouvant sur le territoire national ne devrait pas poser de problème et dépend de l'exécution des décisions rendues par la justice. Il y a un mois, son prédécesseur avait d'ailleurs annoncé la récupération de 6 000 hectares de terres indûment attribuées. Le communiqué émanant du ministère de la Justice n'a cependant fait mention d'aucun nom. La récupération des biens issus de la corruption demeure, en revanche, très difficile à l'étranger. Deux déclarations différentes de Zeghmati ont clairement laissé entendre que certains pays concernés par ces demandes ont posé des conditions préalables sans en dire plus sur le sujet. Le problème pourrait être identique en ce qui concerne les extraditions réclamées par l'Algérie. L'Algérie aurait, cependant, enclenché des contacts diplomatiques qui auraient déjà permis de régler les dossiers de certaines anciennes personnalités ciblées par un mandat d'arrêt international. A. C.