De Tunis, Mohamed Kettou La lutte contre la corruption et les malversations financières fait son chemin. Douze personnes, dont un ancien ministre, ont été arrêtées dans l'affaire du transport du phosphate. Trois semaines après avoir gelé le Parlement, le Président Kaïs Saïed ne semble pas pressé pour nommer un successeur au chef du gouvernement Hichem Mechichi, congédié le même jour. Selon l'un de ses conseillers, l'opération n'est pas aussi aisée que le pensent certains. Elle doit être menée avec les plus grands soins et minutie pour choisir l'homme ou la femme qu'exige la situation difficile que traverse la Tunisie sur tous les plans. Entre-temps, le président de la République qui dirige, depuis cette soirée du 25 juillet, ce qui reste du gouvernement, a procédé au limogeage des ministres de la Défense nationale et de la Justice et désigné de simples "gestionnaires" à la tête des départements de l'intérieur et de la santé publique. Dans la foulée, le parquet a ouvert des enquêtes sur des affaires dans lesquelles sont impliqués plusieurs députés qui, sur décision du chef de l'Etat, ont perdu l'immunité parlementaire. En outre, la sortie du territoire est interdite à bon nombre de personnes dont des hommes d'affaires. Et, simultanément, la lutte contre la corruption et les malversations financières fait son chemin. Douze personnes, dont un ancien ministre, ont été arrêtées dans l'affaire du transport du phosphate. Cependant, contrairement à ses habitudes, Kaïs Saïed qui détient, désormais, tous les pouvoirs, ne se contente plus de travailler dans son bureau du palais de Carthage. Il multiplie les sorties d'inspection dans le but d'inciter les responsables de diverses institutions ou entreprises à faire preuve de bonne gestion et de bonne gouvernance. " C'est l'argent du peuple qui est en jeu", ne cesse-t-il de rappeler. A chaque sortie, il rappelle qu'il n'y aura pas de retour à l'avant 25 juillet. Une phrase qui revient comme un leitmotiv dans la bouche du Président qui se dit déterminé à «protéger les intérêts du peuple et à respecter le processus démocratique». Inquiétudes En fait, c'est ce processus qui inquiète le plus certaines parties étrangères qui se disent «préoccupées» par l'évolution politique dans le pays. À commencer par la France dont le ministre des Affaires étrangères avait appelé, il y a deux semaines, à la nomination rapide d'un chef de gouvernement. À cette ingérence qui n'est pas isolée, Kaïs Saïed répond par le silence. De son côté, Washington, qui a semblé s'opposer au scénario du Président tunisien, se dirige vers une attitude plus souple tout en insistant sur le nécessaire retour à l'ordre démocratique. C'est, d'ailleurs, dans ce cadre que s'inscrit la visite, vendredi dernier, d'une délégation américaine de haut niveau, conduite par Jonathan Finer, adjoint du conseiller à la sécurité de la Maison Blanche, porteur d'un message du Président américain et venu s'enquérir, sur place, des intentions du Président tunisien. Ce dernier lui a rappelé ce qu'il avait, souvent, dit depuis trois semaines. «Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Pas de retour à la situation antérieure au 25 juillet et respect total des libertés individuelles et des droits de l'Homme», a-t-il dit à ses hôtes qui semblent satisfaits des explications qu'il leur a fournies. En effet, après l'audience accordée à cette délégation, le ton de Washington a changé en ce sens que les Américains ont banni de leur langage le vocable «coup d'Etat». Le communiqué rendu public par Washington ne parle plus de «dégel du Parlement» mais, uniquement de retour au processus démocratique. En acceptant le conseil tout en refusant le diktat, Kaïs Saïed serait parvenu à étouffer dans l'œuf les éventuelles pressions étrangères, américaines en particulier. Ainsi, il aurait, maintenant, les coudées franches pour mettre à exécution un plan dont il détient seul les secrets. Le fera-t-il avant les délais qu'il s'était lui-même fixés ? Rien n'est sûr car, une semaine seulement l'en sépare. Toujours est-il que le peuple s'impatiente de voir le pays sortir du flou entretenu par le locataire du palais de Carthage, depuis le 25 juillet. M. K.