L'ouverture du procès de Hamid Melzi a été programmée pour ce lundi 16 août au tribunal de Sidi-M'hamed. L'enquête a mis au jour une série d'éléments importants et établi la liste de l'incroyable capital mobilier détenu par la famille. Il aura donc fallu près de deux années pour clore les investigations, menées dans l'une des plus grosses affaires déclenchées au lendemain de la chute de Abdelaziz Bouteflika. L'arrestation de l'ancien P-dg des zones Club-des-Pins et Moretti, le 1er mai 2019, est restée longtemps sans suite, et les développements de l'enquête déclenchée quelques semaines auparavant, tributaires de tout un processus judiciaire qui a conduit à plusieurs renouvellement du mandat de dépôt prononcé le 7 mai 2019. Relevé de ses fonctions la dernière semaine du mois d'avril de la même année, Hamid Melzi savait qu'il encourait de gros risques. Il fait partie de ces hommes qui ont été très rapidement frappés d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national) après les événements ayant conduit à la chute de l'ancien président de la République. Il est aussi sommé de limiter ses déplacements à la wilaya où il se trouve. Très peu d'informations filtrent au sujet de son affaire, mais l'enquête qui se mène au niveau de Bab J'did accumule des faits choquants. Le premier intervient à la veille de son arrestation. Il est basé sur un document officiel. L'agence CPA Aïn Benian où il possède un compte fait une déclaration de soupçon après que son compte eut été crédité d'un chèque de 79 611 300 DA sans justificatif. La transaction est jugée non conforme à la loi car son compte bancaire n'est destiné à recevoir que des salaires en raison de son statut de fonctionnaire public. L'origine de l'argent est qualifiée de douteuse, et ce doute s'ajoute à la longue série de questions qui se posent sur l'origine des très nombreux biens des Melzi répertoriés. Selon les enquêteurs, ils sont évalués à plus de 700 milliards de centimes. Les avoirs justifiés de Melzi et de son épouse ne dépassent pas les 235 074 407 DA. La liste de ces biens laisse sans voix : six terrains (certains à vocation agricole) situés à Cheraga et à Staoueli, huit villas, un appartement à Kouba, un autre logement à Zeralda, plusieurs maisons à Cherchell et Larhat, cinq centres commerciaux, deux villas à Club-des-Pins et Moretti, un restaurant, un appartement à Paris d'une valeur de 160 000 euros, une entreprise d'import-export, Algexim à Paris, ainsi que plusieurs sociétés. Les enquêteurs enclenchent des investigations qui doivent répondre à une question essentielle : d'où provient l'argent qui a servi à enrichir la famille Melzi ? Directeur général et P-dg de l'Epic Résidence d'Etat et SPA société d'investissement hôtelière durant de très longues années, il traîne la réputation d'homme fort, incontrôlable, impossible à déloger de son poste en dépit des nombreux rapports dressés à son encontre et des tentatives de « destitution ». Les médias le surnomment la « boîte noire » de Club-des-Pins, détenteur de bien de secrets des hommes forts qui ont géré l'Algérie des années durant. Les faits qui lui sont reprochés sont liés à la gestion des Résidences d'Etat de Club-des-Pins et Moretti et l'attribution suspecte de contrats de réalisation à plusieurs sociétés. L'affaire des 380 chalets qui devaient être construits par la société chinoise King Young à la Résidence d'Etat est au cœur des investigations menées. Une transaction douteuse menée par Melzi dans ce dossier a occasionné la perte de 2 772 920 000 DA au Trésor public. Les enquêteurs évoquent un rapport alarmant transmis par Melzi au Premier ministère pour faire état du « danger » que représentent les chalets Chadwicks pour leurs occupants (élus, hommes politiques...) et demande leur reconstruction. Le Premier ministère (il s'agissait d'Ouyahia à l'époque) saisit la CNI qui entérine le choix de la consultation restreinte et la construction en 24 mois. « Ce choix est illégal et ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'un projet d'intérêt national, et la consultation restreinte ne doit pas dépasser la somme de 8 000 000 DA », notent les enquêteurs. Ces derniers évoquent également des documents et preuves accablantes, attestant que Melzi a favorisé la société chinoise King Young, bien que celle-ci ait été classée dernière dans la liste de trois sociétés qui avaient postulé pour ce projet : Sinotel Contract Global (chinoise) et Sarl Dema Construction (algérienne). Lors de son audition, le directeur technique chargé du suivi du projet déclare ainsi aux enquêteurs que Melzi avait « personnellement choisi ces sociétés, que King Young avait obtenu la note la plus faible, mais qu'elle avait été quand même choisie, car son offre de 1912, 96 milliards de centimes, est la plus proche des 20 000 milliards fixés par la CNI ». Le directeur technique affirme que Melzi avait lui-même fixé l'offre. Il impose également « le montant de 13 302 582,000 euros pour l'achat de produits de haute qualité pour les chalets ». L'enquête conclut que « Melzi avait trompé la CNI qui a autorisé la voie de la consultation restreinte, alors que son projet ne remplissait pas les conditions et qu'il avait conclu le contrat sur la base de l'article 13 du code des marchés qui concerne les marchés inférieurs à 12 000 000 DA, alors que le marché est de presque 2 000 milliards ». Melzi est aussi accablé par les aveux du métreur vérificateur et le directeur de maintenance qui ont mis l'accent sur « les travaux bâclés, les objets de contrefaçon amenés ». Le directeur de la maintenance et celui des finances refusent, quant à eux, de signer les attestations de travaux et les bons de dépenses, car ils les trouvent surfacturés (30%). Des P-V établis par le bureau d'études Messahel notent de leur côté les graves retards enregistrés pour la reconstruction et le nombre dérisoire d'ouvriers présents sur le site. Le projet qui devait être finalisé en deux ans était toujours inachevé en 2020. King Young s'arrête à la construction de 364 chalets. Melzi impute ces retards à la « mauvaise météo et du retard pris dans la démolition des chalets, car les occupants refusaient de quitter les lieux ». Selon les enquêteurs, il refuse aussi d'appliquer les pénalités de retard et exige, au contraire, des avenants. La commission externe du Premier ministère accepte. Lors des investigations menées, l'examen du document avalisant cette demande fait toutefois ressortir que la signature apposée est celle de la commission des marchés de la Résidence d'Etat qui s'est tenue sous la présidence de Melzi et en présence d'un représentant du Premier ministère et du directeur de l'agence CPA de Aïn Benian. Le projet initialement fixé à 1 912 960 000 DA obtient trois avenants d'un montant global de 865 734 206 DA. King Young transfère 80%, (18 977 444 DA), de la somme en Espagne. Les seize chalets manquants sont payés par la Résidence d'Etat. L'enquête ne s'est pas arrêtée à l'épisode des chalets Chadwik. Elle s'est penchée sur des anomalies constatées dans les projets de réalisation de douze hôtels et écoles d'hôtellerie dont il était chargé de construire par l'Etat en tant que représentant de la SIH. Les montants ahurissants déboursés pour la construction de simples escaliers, de mobiliers de bureaux, d'accessoires et d'autres contrats illégaux seront dévoilés durant le procès. Abdelmalek Sellal, Ahmed Ouyahia et 23 autres personnes seront jugés aux côtés de Hamid Melzi. A. C.