De Tunis, Mohamed Kettou Alors que la société civile manifeste contre la visite des congressmen américains, perçue comme une ingérence dans les affaires internes, Ennahdha et le parti Tahya Tounès sont à la parade. Une délégation de congressmen américains, conduite par le sénateur Chris Murphy, a séjourné deux jours en Tunisie où elle a eu, notamment, un entretien avec le Président Kaïs Saïed. Elle serait venue sonder le chef de l'Etat tunisien sur ses intentions quant à l'avenir de la Tunisie. Au cours de l'entretien, Kaïs Saïed a défendu, encore une fois, son recours à l'article 80 de la Constitution. «Ce n'était pas un putsh», a-t-il dit. Pour Saïed, seul le peuple décide de son avenir. De son côté, Chris Murphy a déclaré avoir pressé Kaïs Saïed de mettre fin à l'état d'urgence et revenir à la démocratie. Selon lui, les Etats-Unis n'ont de préférence à aucune partie et soutiennent un processus qui garantisse les droits du peuple tunisien. Rappelons que la visite de cette délégation parlementaire fait suite à celle effectuée, il y a trois semaines sous la conduite du premier adjoint du conseiller de la sécurité américaine. C'est dire l'importance du niveau de cette délégation qui, à sa sortie de l'entretien avec Kaïs Saied, n'a pas semblé convaincue des idées avancées par le chef de l'Etat tunisien. En effet, le communiqué publié par la Maison Blanche à ce sujet, laissait entendre que Washington n'avait d'autre plan que de remettre Rached Ghannouchi en selle. Pour les Etats-Unis qui rejettent, sans le dire ouvertement, l'option d'un régime présidentiel, il est urgent de rétablir le Parlement pour assurer une démocratie qui sied à leur politique internationale. Cependant, malgré les pressions continues des Américains et des Français, Kaïs Saïed demeure imperturbable. Il n'a de cesse de rappeler que sa voie est celle choisie par le peuple qui abhorre le parti islamiste, le système électoral en vigueur et le régime hybride imposé par la Constitution de 2014. Partis et syndicats dénoncent la visite Bien avant son arrivée à Tunis, cette délégation a rencontré une hostilité remarquée. La centrale syndicale et certains partis politiques dont le PDL et «Ach-chaâb» ont décliné une invitation qui leur avait été adressée par l'ambassade américaine à Tunis pour une table ronde avec cette délégation de congressmen. Ce refus est motivé par leur attachement, disent-ils, à la préservation de la souveraineté nationale et au rejet de toute intervention étrangère dans le traitement des affaires internes. Pour la centrale syndicale, «les problèmes internes se résolvent entre Tunisiens exclusivement». Allant dans le même sens, le Parti des travailleurs a organisé un sit-in au centre de la capitale pour protester contre cette visite qu'il qualifie «d'ingérence» dans les affaires tunisiennes. Toutefois, ce n'est pas l'avis de toute la classe politique. Des parlementaires, des représentants d'organisations nationales ont été, aussi, invités à cette rencontre qui a suivi les entretiens de cette délégation avec le Président Kaïs Saïed. En effet, certains députés du parti islamiste de Rached Ghannouchi ou Tahya Tounès de l'ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed, ont accepté l'invitation au risque d'être taxés de valets au service de puissances étrangères. On rappelle que cette visite de la délégation américaine était au menu de la rencontre, tenue la veille de son arrivée à Tunis, entre le ministre tunisien des Affaires étrangères et l'ambassadeur américain dans la capitale tunisienne. Au cours de l'entretien, Jarandi a affirmé à son hôte que les évènements du 25 juillet dernier ont pour but de rectifier la trajectoire du processus démocratique et assurer la protection des droits fondamentaux et des droits individuels. M. K.