Dans ce qu'a déclaré Emmanuel Macron à des jeunes reçus à l'Elysée à propos du système politique algérien et de l'inexistence d'une nation algérienne avant 1830, il n'y a rien de « courageux » ; ce sont des propos s'inscrivant dans une démarche réfléchie et assumée pour assurer sa réélection en avril 2022. Démarche ayant commencé par cette demande de « pardon » aux harkis, suivie, quelques jours plus tard, par l'annonce d'une réduction des visas, réduction qu'il a expliquée ainsi : « On va plutôt ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant, qui avaient l'habitude de demander des visas facilement... » ! Et toujours à l'adresse des jeunes invités, il pose cette surprenante question : « Il y a le 17 Octobre qui arrive, qu'est-ce que vous me conseillez ? » Est-ce à ces jeunes de lui conseiller ce qu'il doit dire à l'occasion du 60e anniversaire du massacre du 17 Octobre 1961 à Paris, alors qu'il est parfaitement au courant de ce qui s'est passé ? Toujours est-il que le choix des mots qu'il prononcera à cette occasion aura son importance. Ce massacre, non reconnu officiellement, s'est déroulé dans la capitale française, sous les balcons de la République. Il ne s'agissait pas d'une « ratonnade », à savoir un crime raciste commis par une foule chauffée à blanc comme cela se passait dans le sud des Etats-Unis, mais d'un crime d'Etat commis sous la responsabilité du pouvoir politique de l'époque ! Des Algériens sont morts noyés dans la Seine, d'autres massacrés dans la cour de la préfecture de police de Paris, là où un certain Maurice Papon était aux manettes et des centaines d'autres expulsés vers l'Algérie en guerre et dont on peut se demander, une fois arrivés sur place, ce qu'ils sont devenus ! Maurice Papon, à qui a été imputé, 20 ans plus tard, ce crime de masse sans qu'il soit condamné, est resté préfet de Paris jusqu'en 1967 ! Quant à E. Macron, ira-t-il plus loin que son prédécesseur François Hollande, qui s'est borné à reconnaître « la répression sanglante » du 17 Octobre mais sans la qualifier de crime d'Etat ? On verra... Ceci dit, il est loin d'être sorti d'affaire car rien ne dit que l'Algérie ne viendra pas plomber sa campagne électorale. Surtout quand son ministre de l'Intérieur, Gerald Darmanin, affirme que l'Algérie refuse d'accueillir les 7 730 obligations de quitter le territoire français prononcées contre des ressortissants algériens ! Un chiffre qui, s'il est avéré, va donner du grain à moudre à l'extrême-droite et aux tenants de la thèse du « grand remplacement » ! Venons-en à Pegasus, ce logiciel espion qui a permis au Makhzen de mettre sur écoute Emmanuel Macron en personne, 14 ministres de son gouvernement, des journalistes et, dit-on, des forces de police et de gendarmerie chargées de la lutte anti-drogue. Personne n'en parle. Pas même Eric Zemmour qui n'aime pourtant pas les Maghrébins ! Et pourtant, sur cette grave affaire d'espionnage, Emmanuel Macron observe un silence inhabituel. « Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations de presse », affirmait, en juillet dernier, un communiqué de la présidence française ! Depuis, rien. La « lumière » attendra. L'explication de texte avec Rabat n'aura sans doute pas lieu. Et Mohammed VI pourra jouir tranquille de son luxueux hôtel particulier avec piscine couverte situé au pied de la tour Eiffel à Paris, acheté à 80 millions d'euros.(1) Cette tension entre Alger et Paris ne doit pas occulter certains faits. L'histoire de l'Algérie d'avant l'Islam, nos jeunes n'en connaissent rien. Massinissa, Jughurta, Takfarinas, Hiempsal, Syphax, ni Juba I et Juba II ? Connais pas ! Cirta (aujourd'hui Constantine), capitale d'un grand royaume berbère, Cherchell, non plus ! Comment, dès lors, imposer l'idée que l'Algérie, dans ses frontières actuelles ou presque, est l'héritière de la lointaine Numidie ! Quant au reste, et qui a son importance, la dissolution du mouvement RAJ par exemple, ou ces procès à n'en pas finir contre des jeunes, qui, faute d'une vraie liberté d'expression, n'ont que les réseaux sociaux pour dire ce qu'ils pensent avec les mots de leur époque, ne feront que davantage crisper les rapports entre cette jeunesse et les autorités politiques. Il faut leur donner des perspectives, les laisser s'exprimer et se prendre en charge, au lieu qu'ils aient pour seul horizon, la harga qui voit des centaines d'entre eux, dont des universitaires, des femmes, débarquer régulièrement en Espagne. H. Z.