Jadis, quand on voulait se débarrasser de quelqu'un dans le système totalitaire du stalinisme, on l'envoyait au goulag. La Chine de Mao avait un équivalent. Nombreux sont les opposants qui y ont goûté pendant la Révolution culturelle. Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation et des réseaux sociaux, le goulag est numérique, du moins en partie. Le régime chinois, communiste en dedans, capitaliste au dehors, le peaufine. Le pouvoir chinois a mis au point le bannissement numérique. Ainsi, plus aucun moteur de recherche ne vous orientera vers l'une des actrices les plus célèbres et les plus riches du pays, Zhao Wei. Les films et séries dans lesquels elle jouait ont disparu des plateformes de streaming, son nom effacé des génériques. Même les réseaux sociaux ne font plus aucune mention de son nom. Mais Zaho Wei n'est pas un cas isolé. Ces disparitions, dit-on, sont relativement courantes. Elles touchent le monde de la culture mais aussi des affaires, des militants des droits de l'Homme ou des croyants d'une religion. Disparition numérique, mais aussi physique. On dit qu'un million de musulmans auraient disparu au Xinjiang, sans que leurs proches aient de nouvelles pendant des années. Concernant l'effacement des acteurs de la fan-culture ou de la K-pop, l'argument des autorités est qu'elle corrompt la jeunesse et promeut le culte de l'argent. Le pouvoir totalitaire entend donc reprendre en main l'éducation des jeunes. Il va jusqu'à contrôler le temps d'utilisation de Tik Tok à 40 mn par jour chez les moins de 14 ans et limite le temps d'utilisation des jeux vidéo qualifiés d' «opium spirituel» à 3 heures par semaine pour les mineurs. On serait tenté de penser que l'argument est louable. Mais la libéralisation de l'économie chinoise et sa prospérité internationale ont induit un esprit de réussite capitaliste. Ainsi, les autorités s'attaquent-elles aux effets du capitalisme et non à ses causes. Le Parti communiste chinois proclame donc, par le contrôle d'internet, lutter contre les « influences occidentales » qui mettent en danger le communisme et célèbre l'individualisme. A. T.