Divine surprise : Gabriel Boric est élu Président du Chili. Qui aurait pensé que ce candidat de 35 ans — le plus jeune Président du Chili et l'un des plus jeunes du monde, —allait battre son rival, José Antonio Kast, héraut de « l'ordre, de la justice et de la sécurité », autrement dit de l'extrême droite, patenté admirateur de Pinochet. Cette victoire d'un démocrate et progressiste dans le pays que le régime autoritaire de Pinochet a donné en laboratoire au néo-libéralisme en fermentation, pose un sérieux bémol au chant funèbre que la dictature du profit entonne pour enterrer définitivement le progressisme jadis flingué par la CIA. Rappelons-nous que l'assassinat d'Allende a été l'aboutissement d'une réaction violente du capitalisme contre une expérience de justice sociale dans cette Amérique latine que les Etats-Unis considèrent comme étant leur pré carré. L'installation de la dictature, en 1973 et jusque en 1990, avait entraîné une répression inédite par son ampleur et sa cruauté contre l'opposition politique et le mouvement ouvrier, couplée à la mise en œuvre d'un programme économique initié par les « Chicago Boys », un groupe d'économistes chiliens formés aux Etats-Unis, visant des réformes néo-libérales allant avec brutalité à l'encontre des intérêts des travailleurs et des couches sociales défavorisées. Le retour de l'espoir est rendu possible par l'élection de ce candidat d'une alliance large, allant du Parti communiste au centre gauche. Il faut dire que les idées de gauche ont connu un regain à la faveur du Mouvement social contre les inégalités de 2019 qui est un peu le Hirak chilien. Ancien leader étudiant revendiquant sans complexe son ancrage à gauche, Gabriel Boric a lancé : « Le Chili est le berceau du néo-libéralisme, nous en ferons le tombeau. » Son programme a de quoi donner de l'urticaire aux partisans du capitalisme débridé : égalité devant les soins avec l'instauration d'un système de santé universel, mise en place de l'Etat-providence soucieux de justice sociale, de suppression des inégalités et de l'émancipation des exploités du néo-libéralisme, retour à un système de retraite par cotisations. Gabriel Boric est bien la revanche posthume d'Allende. A. T.