Même durant les terribles journées et nuits sous la colonisation, les familles des Ith Yalas n'oubliaient pas de fêter Yennayer avec un modeste « secsou » (couscous), pour celles qui disposaient de quelques poignées de semoule. C'est le moyen matériel que le temps et le calendrier leur offrent pour renouer avec des valeurs ancestrales qui donnaient un sens à leur combat. Ces familles sont toujours attachées à leurs repères. « La célébration de Yennayer, c'est aussi un œil jeté par les jeunes sur l'histoire de notre région », dira Yazid Makhlouf, un activiste socioculturel, qui est né après l'indépendance, mais qui assume la continuité culturelle de sa communauté. Les pages de l'histoire des Ith Yalas (Guenzet), accrochés aux flans des montagnes de pierre bleue du nord de la wilaya de Sétif, sont riches en évenements. La localité s'est donné le droit de célébrer avec faste Yennayer, et même le 60e anniversaire de l'indépendance. Son histoire est faite de résistance contre l'injustice et de combats pour la liberté et la dignité. Le bilan post-indépendance révèle que tous les villages de Guenzet furent rasés. 680 chahids – plus de 10% de la population résidante – tombèrent au champ d'honneur et des dirigeants de premier ordre ont émergé : le colonel Bougarra, Arezki Kehal (membre de la direction PPA et fondateur du journal El Ouma), les frères Gaïd, leur sœur Malika... À l'occasion de Yennayer 2972, Yazid et ses amis, avec l'aide de la commune de Guenzet, ont concocté un programme à la mesure du double évènement : le premier jour de l'An amazigh et la fête de la récolte de l'olive. Les organisateurs n'ont pas lésiné sur les efforts pour montrer tous les aspects de la vie dans ces montagnes, d'autant plus que la wilaya a choisi Guenzet pour célébrer officiellement cet heureux évènement. Ce programme comprend l'histoire de la révolution de Novembre dans la région, les chants patriotiques, le théâtre et la poésie amazighs, les tenues vestimentaires de la région, la fameuse cuisine des Yalaouis (tigourbabine ou l'authentique chlita), les produits agricoles du terroir... Quant aux femmes de la localité, elles ont juré en ce premier jour de l'An 2972 de suivre l'exemple de leur aînée Malika Gaïd. Elle ont en effet créé l'association Tafat des femmes de Guenzet. Elles ont grandement contribué à la réussite de ces festivités. La venue du premier responsable de la wilaya de Sétif a été une occasion pour Yazid et d'autres membres de la société civile locale pour lui rappeler, dans un long rapport, que leur commune montagneuse est enclavée. Plus grave, elle est marginalisée et, par conséquent, elle manque de tout dans tous les secteurs touchant tous les aspects de la vie de ses habitants. Emu par ce qu'il découvrait, voyait et entendait, sur l'histoire de la région, le dévouement et l'abnégation des Yalaouis, le wali a préféré plier la feuille du discours de circonstance pour s'adresser de manière directe à son auditoire. Il a promis de consacrer plus d'efforts pour la région. Abachi L.