[email protected] La croissance fulgurante qu�affiche la Chine occulte un ph�nom�ne commun � tous les Etats totalitaires (au sens de parti unique) et les �conomies dirig�es. Dans une pr�cieuse contribution sur la relation entre �la criminalit� organis�e et l'�conomie souterraine en Chine�, Liu Xiu, enseignant � l�universit� technologique de Chengdu, livre les multiples facettes d�un probl�me social commun � toutes les villes chinoises (*). Sa typologie de la criminalit� organis�e en Chine indique l�existence de trois formes mafieuses, couvrant des domaines aussi vari�s que le trafic de drogue, le blanchiment d'argent, la contrebande, le trafic d'�tres humains, la fabrication et le trafic de fausse monnaie et des armes, la prostitution, etc. Ces trois formes sont : les entreprises l�gales impliqu�es dans des crimes, les organisations criminelles violentes et non violentes. La premi�re cat�gorie regroupe des acteurs �bien instruits et au statut social �lev�, exer�ant dans des organismes gouvernementaux activant des industries � faible technologie, comme le divertissement, la construction, la d�coration, l'exploitation mini�re, etc. Leur arme : la violence ou les pots-de-vin. Selon les statistiques tir�es de 22 cas trait�s par la justice, 50% des organisations criminelles avaient une couverture l�gale. Les organisations criminelles recourant � la violence regroupent g�n�ralement des �ch�meurs repris de justice�, agissant dans la s�curit� priv�e, l�usure, les jeux et casinos, le vol qualifi�, l�enl�vement et la traite des femmes. �Ces organisations criminelles sont la forme immature des organisations de type mafieux, qui sont actuellement rares � P�kin, Shanghai et dans d'autres grandes villes, mais activent dans les petites villes et les comt�s�, nous apprend Liu Xiu. Enfin, les organisations criminelles non violentes sont recens�es �principalement dans les activit�s �conomiques souterraines�, telles que la falsification de documents et factures, la fausse monnaie, la fabrication et la vente de produits contrefaits et de qualit� inf�rieure. Passant au peigne fin les ressources de l'�conomie souterraine, l�universitaire chinois en identifie huit : les infractions relatives aux drogues, la contrebande, le jeu, l�industrie pornographique, le trafic d��tres humains, la fausse monnaie, la contre-fa�on et le trafic d�armes. En d�pit des sanctions s�v�res, y compris la peine de mort, pr�vues par le code p�nal chinois, l'�norme potentiel de profit que le trafic de drogue procure en fait l'une des activit�s criminelles organis�es les plus courantes, comme partout ailleurs dans le monde. Insignifiants dans les ann�es 1980 et jusqu'au d�but des ann�es 1990, les crimes li�s � la drogue ont subitement explos� pour gagner �la plupart des r�gions de la Chine�. Selon des sources officielles allant jusqu�� la fin de juin 2009, le nombre de consommateurs de drogue enregistr�s a atteint 1,218 millions et le nombre de consommateurs d�h�ro�ne et d'opiac�s a atteint 945 000 pour un march� annuel d�au moins 110 milliards de yuans (**). Le second fl�au est la contrebande. Elle couvre les secteurs des technologies de l'information comme les ordinateurs, les t�l�phones cellulaires et les d�chets �lectroniques, mais aussi les produits p�troliers, les v�hicules et pi�ces d�tach�es, les mati�res premi�res chimiques, les cigarettes import�es, les vins et les v�tements, dont la plupart sont import�s. Troisi�me secteur de pr�dilection le jeu. �Les d�linquants ill�gaux criminels font des profits exorbitants en ouvrant des maisons de jeux.� La loterie, les courses de chevaux, les paris sportifs et autres jeux de hasard passionnent les Chinois qui s�y adonnent �par voie de t�l�phone, fax, internet et SMS�. Dans la partie continentale de la Chine, les services pornographiques sont principalement assur�s dans des espaces comme les salons de coiffure, les boutiques de massage, les bains, les salles de danse, les bars, les h�tels et les clubs. On recense actuellement plus de 5 millions de prostitu�es en Chine et, �comme chaque prostitu�e procure de l�emploi pour trois personnes (comme les prox�n�tes, les rabatteurs et les barbouzes dans les lieux de divertissement et les boutiques pour adultes), le nombre de personnes engag�es dans l'industrie du sexe atteint 20 millions de personnes �. Il s�ensuit que si l�activit� d�une seule prostitu�e peut g�n�rer un revenu annuel de 25 000 yuans, cela donne un revenu total de 500 milliards de yuans, soit environ 6% du PIB. Les d�penses des prostitu�es sont diverses : t�l�phones cellulaires, location d�appartements, achat de v�tements de premi�re qualit� et de cosm�tiques. Elles peuvent aussi avoir besoin d'embaucher des gardes du corps ou investir dans les industries du jeu, la m�decine, l'h�tellerie et le tourisme. Cinqui�me fl�au : la traite des �tres humains, notamment des femmes et des enfants. Une stricte politique de planning familial est pratiqu�e avec, en toile de fond, une pr�f�rence pour les gar�ons sur les filles en milieu rural. Cons�quence : de nombreuses familles rurales choisissent l'avortement lorsqu�une fille leur est annonc�e, lorsqu�elles ne l�abandonnent carr�ment pas apr�s la naissance, en attendant d'avoir un gar�on. Ces pratiques sont tellement g�n�ralis�es qu�il est enregistr� aujourd�hui un ratio de 120 hommes pour 100 femmes et m�me 140 pour 100 dans certains endroits, au point que dans certaines zones rurales, les hommes ne parviennent � se marier que s�ils ach�tent une femme enlev�e par un homme de main � elle lui co�terait de 10 000 � 20 000 Yuan. Les enl�vements d�enfants mineurs sont par ailleurs monnaie courante. Comme leurs parents doivent travailler et n�ont pas le temps de s�en occuper, ils sont la proie d�une cha�ne de ravisseurs-n�gociants. Ils arrivent aux mains de l'acheteur final au prix de 40 000 � 80 000 yuans (le prix d'un petit gar�on est g�n�ralement deux fois plus �lev� que celui de la petite fille). Sixi�me fl�au recens� par l�universitaire chinois, le blanchiment d'argent est apparu apr�s la r�forme et l'ouverture de 1978, qui ont succ�d� � une �conomie planifi�e sous contr�le �tatique. Les activit�s de blanchiment d'argent r�sultent ces derni�res vingt ann�es, en amont, de la hausse de la contrebande, du trafic de drogue et de la corruption. Selon un rapport de la Banque populaire de Chine et des services de police et de contr�le des changes, plus de 70 �banques clandestines � interviendraient avec un actif d�environ 3,031 milliards de dollars. Au septi�me rang des p�ch�s capitaux du miracle chinois : la contrefa�on. La production annuelle de produits contrefaits ou de mauvaise qualit� atteint 1,3 milliard de yuans, repr�sentant environ 2% du PIB et les pertes �conomiques annuelles caus�es par cette production avoisinent les 200 milliards de yuans. La perte d'imposition qui en r�sulte est chiffr�e � plus de 25 milliards de yuans chaque ann�e. La contrefa�on gagne tous les secteurs : le tabac, le vin, le sucre, le th�, les aliments, les m�dicaments et les appareils m�nagers �lectriques, etc. La police de Chengdu a d�mantel� en 2002 un groupe qui a �difi� une usine � l'arri�re et au sous-sol d'une cimenterie pour produire des cigarettes de contrebande. L�usine couvrait plus de 6000 m�tres carr�s, avec deux ateliers clandestins de diff�rentes tailles et trois hangars d'une superficie de plus de 1 000 m�tres carr�s. Huiti�me et dernier fl�au : la fabrication et la vente des armes � feu. Comment cela est possible dans un pays o� la simple possession d�une arme personnelle est qualifi�e de crime et passible de la peine de mort ? Nous y reviendrons. A. B. (*) Liu Xiu, Organized Crime and the Black Economy in China, Working Papers Series, no. 7, August 2010, Global Consortium on Security Transformation (GCST). Disponible sur http://www.securitytransformation. org/gc_publications.p hp (**) Entre 2006 et 2009, suite aux pressions des partenaires commerciaux, notamment des Etats-Unis, le cours du Yuan est pass� de 1 dollar pour 8,07 yuans � 1 dollar pour 6,82 yuans.