[email protected] Beaucoup de nos lecteurs ont r�agi � la premi�re partie du compte-rendu des travaux de l�intellectuel chinois, Liu Xiu (*). Nombre d�entre eux cherchent � identifier les traits communs aux maffias alg�rienne et chinoise et � souligner les enseignements qu�on peut tirer du mod�le chinois � si tant est qu�il puisse y avoir de mod�le, chinois ou autre. Comparaison n�est pas raison � Il est, certes, ind�niable que le d�collage et l�emballement durable de l��conomie chinoise, avec des taux de croissance impressionnants, � deux chiffres, ont pour corollaire un d�litement du tissu social et une d�liquescence des valeurs culturelles qui ont ouvert une �tonnante �br�che maffieuse� que les Chinois d�plorent et combattent et qu�il n�est pas inint�ressant d��tudier pour notre propre parcours. De l� � en faire un trait majeur ou dominant du mod�le chinois, il y a un pas que nous n�oserons franchir. Poursuivant la lecture de Liu Xiu, on s��tonnera, par ailleurs, d�apprendre que le march� noir touche y compris au domaine sacr� et r�serv� de l�armement et du monopole �tatique de la violence : �Pouss�es par des b�n�fices �lev�s, de nombreuses organisations criminelles sont impliqu�es dans la fabrication et la vente d'armes (�) Sauf pour un petit nombre de chefs de village, les �tudiants, les dirigeants nationaux et les commer�ants individuels, la plupart des criminels impliqu�s sont des agriculteurs. Ils accomplissent g�n�ralement des travaux agricoles pendant la journ�e et fabriquent des armes � feu la nuit�, �crit l�auteur de l��tude. Ici, les profits sont �normes, avec un rapport de 1 � 50 entre le co�t de revient et le prix de vente de l�arme. Aussi, avec l'am�lioration des techniques de fabrication des armes � feu, �il peut vous �tre livr� des armes qui peuvent tirer 8 balles d�un coup�. S�agissant d�un r�gime centralis�, il n�est pas ais�, ni recommand�, de d�tenir de gros capitaux trop longtemps. Il vous reste alors � les faire circuler. Deux �cueils sont alors � �viter, nous apprend encore Liu Xiu : �1. Le cash ne rapporte pas de b�n�fices. 2. De grandes quantit�s de liquidit�s sont plus faciles � d�couvrir.� De mani�re g�n�rale, en Chine, la circulation des �richesses noires� comprend : les d�p�ts bancaires, l'or, les tr�sors et les antiquit�s. Entre 1997 et 1999, le taux de croissance de l'�pargne a largement d�pass� celui de l'�conomie. Toutefois, en 2000, l'�pargne a diminu� de mani�re significative. La raison en est que le pays avait mis l'accent sur la r�pression de la contrebande et cette action a frein� le d�veloppement de l'�conomie souterraine et donc provoqu� une hausse de l'�pargne. Comme partout ailleurs, pour mettre � l�abri leur butin et �chapper aux sanctions, de nombreux criminels tentent de transf�rer leurs revenus ill�gaux � l'�tranger par tous les moyens. Le cas Xiamen �Yuanhua�, survenu en 1999, est le plus grand crime �conomique depuis la cr�ation de la R�publique populaire de Chine en 1949. Une soci�t� a eu recours � ses filiales pour transf�rer de l�argent vers Hong Kong. Le chef d'un gang dans la ville de Changle, province du Fujian, a envoy� ses deux fils porteurs de grosses sommes d'argent � l��tranger pour y acheter des maisons. Les criminels peuvent �galement signer de faux contrats avec des partenaires dans les pays �trangers pour le transfert de capitaux ou de b�n�fices vers l'�tranger. Le recyclage de l�argent sale emprunte �galement d�autres pistes, comme �l'achat de maisons de luxe, voitures, antiquit�s, l�entretien de ma�tresses et les jeux de hasard � l'�tranger�. L'investissement immobilier reste n�anmoins un placement privil�gi�, surtout depuis le d�but des ann�es 1990 et la d�r�glementation qui a rendu monnaie courante ces transactions. On reconna�t �galement qu�avec l'ouverture et le d�veloppement du march� chinois de capitaux, certains d�tenteurs de revenus ill�gaux, qualifi�s de �criminels� par l�auteur, ont commenc� � faire des investissements financiers � long terme. C�est � ce titre que le march� des assurances a gagn� de nombreuses villes c�ti�res comme Fujian, avec l�intervention de moult entreprises non autoris�es. Les clients sont attir�s par des promesses de compensation et de rendement �lev�s. D�autres revenus illicites proviennent de l'usure. Liu Xiu conclut son �tude avec un inventaire d�taill� des impacts, naturellement n�gatifs, de l��conomie souterraine sur l��conomie et la soci�t�, en insistant principalement sur six aspects : 1.- La s�curit� de l'�conomie nationale. Le transfert de grosses liquidit�s vers des pays �trangers affecte le march� financier int�rieur, en poussant les taux d'int�r�t � la hausse et le taux de change � la baisse. A la faveur de ces fuites de capitaux, il se produit par ailleurs ce que l�auteur appelle un �effet de vidange� : �Apr�s les sorties de capitaux, le gouvernement transf�rera des actifs dont la liquidit� est faible ou nulle, qu�il s�agisse de la terre ou du travail. L'augmentation de la fiscalit� va creuser les �carts de revenus et r�duire la consommation domestique et le niveau de l'emploi.� 2.- La production de �bulles �conomiques locales�. L�av�nement subit des nouveaux milliardaires est associ� � celui d�un groupe de �parvenus � qui se permettent des �achats exorbitants avec l�argent mal acquis pour se procurer des maisons de luxe, des voitures et autres articles.� : �La consommation de ces produits concentr�s peut stimuler la hausse des prix et provoquer une inflation sur certains march�s. � 3.- La faible efficacit� de la r�partition des ressources sociales. L'�conomie souterraine entra�ne une r�duction de part de march� des produits de base et se taille naturellement �une position avantageuse dans la concurrence avec l'�conomie formelle, ce qui n'est pr�judiciable � une concurrence loyale sur le march� et une r�partition optimale des ressources �. 4. La perte de recettes et de ressources fiscales. 5.- La corruption des fonctionnaires. A Chongqing en 2008, l��tude d�un groupe de responsables gouvernementaux corrompus par les organisations criminelles a r�v�l� l�existence de 56 personnes d�finies comme �protecteurs� - 36 �taient de la police, 5 du parti et du gouvernement, et 10 des diverses administrations. 6.- La corruption de la �conduite sociale�. Est ici en cause une valeur qu�on croyait s�re et �tablie en Chine, et autorisant � �devenir riche en travaillant dur�. Cela empoisonne la �psychologie sociale� et �d�boussole � moralement les gens ; s�inqui�te Liu Xiu. A. B. (*) Liu Xiu, Organized Crime and Black Economy in China, Working Papers Series, no. 7, Agust 2010, Global Consortium on Security Transformation (GCST). Disponible sur http://www.securitytransformation. org/gc_publications.php