Tout est dans l�incroyable d�doublement de Mostefa Bouchachi. L�ancien Bouchachi � dont il convient, en d�pit de tout, de respecter le parcours et l�opinion � avait le verbe haut et le regard d�termin�. Le 1er f�vrier, il clamait : �Le r�gime sait qu�il est dictatorial. (�) Il faut qu�il accepte le passage � une transition d�mocratique� Nous ne voulons pas un remaniement du gouvernement qui serait synonyme d�un changement � l�int�rieur du syst�me��(1) Six semaines plus tard, le nouveau Bouchachi contredit l�ancien et : �La d�mission de Abdelaziz Bouteflika n�est pas n�cessaire� Je pense qu�il faut �tre pragmatique : c�est un changement qui peut se faire avec le pouvoir. On peut envisager la mise en place d�un gouvernement de coalition nationale qui organise de vraies �lections dans lesquelles tout le monde participera.�(2) Que s�est-il pass� entre les deux personnages ? Il y eut l�irruption d�un homme : Hocine A�t Ahmed, le fondateur du Front des forces socialistes, qu�on dit adversaire acharn� de la caste militaire et infatigable partisan de la r�conciliation avec les islamistes. De son exil suisse, A�t Ahmed saisit imm�diatement apr�s la chute de Ben Ali et les premiers affolements de Bouteflika, les cons�quences catastrophiques qu�aurait un d�part du pr�sident alg�rien : ce serait la fin du projet de �r�conciliation� caress�e depuis Sant�Egidio ; le t�te-�-t�te insoutenable avec les g�n�raux ; l��mergence d�une Alg�rie nouvelle � la construction de laquelle les islamistes et les �r�conciliateurs� n�auraient pas pris part et dans laquelle, craint-il, les g�n�raux continueraient d�exercer le pouvoir. Le chef du FFS sait que Bouteflika reste indispensable pour la famille �r�conciliatrice�. Depuis 1999, il existe, en effet, un accord non �crit entre le pr�sident Bouteflika, les partis signataires du contrat de Sant'Egidio et les chefs islamistes de l'ex-FIS pour ex�cuter l'accord de Sant'Egidio (r�tablissement de l'ex-FIS et retour � la case 1992). Cette convention secr�te, r�guli�rement bloqu�e par la caste militaire, repose essentiellement sur Bouteflika. Elle devait �tre mise en application d�s l'entame du troisi�me mandat de Bouteflika. Tenue secr�te durant plusieurs ann�es, la transaction fut d�voil�e publiquement par le chef de l�Arm�e islamique du salut, Madani Mezrag, en juillet 2007 puis par son adjoint Ahmed Bena�cha, l�ancien ��mir� de la branche arm�e du FIS, en d�cembre de la m�me ann�e, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad : �D�s sa r��lection en 2009, Bouteflika prononcera une amnistie g�n�rale et permettra au FIS de retourner sur la sc�ne politique ; oui, le champ sera rouvert aux enfants du Front dans le cadre d�un parti politique�, avait d�j� r�v�l�, en d�cembre, Ahmed Bena�cha, l�ancien ��mir� de la branche arm�e du FIS, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad. L�ancien chef terroriste, en plus de reconna�tre l�existence de l�arrangement politique entre l�ex-FIS et le pr�sident, avait ajout� : �Il y a en ce moment plusieurs initiatives pour donner corps � cette solution politique qui va faire l�objet d�un consensus entre les nationalistes et les islamistes. � Cette solution politique, Bena�cha l�appelle �solution finale�, celle qui solderait le contentieux de 1992 n� de l�annulation des l�gislatives remport�es par les islamistes et de la dissolution du FIS. Elle pr�voit une r�habilitation totale et publique du parti dissous et un progressif transfert de pouvoir. L�enjeu Bouteflika Aussi, la fragilisation de Bouteflika � la suite de la chute de Ben Ali et de Moubarak avait-elle alarm� les islamistes, les r�conciliateurs et tout un insoup�onnable monde La riposte devenait capitale. Seul moyen : faire capoter le mouvement de protestation, affaiblir la CNCD et, surtout, jeter une bou�e � Bouteflika. Le 4 f�vrier, Hocine A�t Ahmed donne ordre au FFS et au RAJ de quitter la CNCD. Le 20, il fait la m�me demande � Mostefa Bouchachi, un des fondateurs de la CNCD, proche du FFS, qui se retire. La Coordination nationale pour le changement et la d�mocratie (CNCD) a bien �clat�, sous l�influence des partis politiques, entre partisans de Sant�Egidio et ��radicateurs �, autour de l�enjeu Bouteflika : le changement se fera-t-il avec ou sans Bouteflika ? Mais A�t Ahmed avait surtout compris que Bouteflika avait besoin d�un appui partisan pour se red�ployer. Cet appui viendra d�Abdelhamid Mehri, ancien secr�taire g�n�ral du FLN et cosignataire du contrat de Sant'Egidio. Le 16 f�vrier, Mehri adresse une lettre ouverte � son �fr�re� Bouteflika lui proposant une sortie de crise et lui demandant d'employer l'ann�e qui s�pare l'Alg�rie du 50e anniversaire de son ind�pendance � �pr�parer le changement pacifique souhait�. Cette �transition d�mocratique� formul�e par Sant'Egidio suppose donc le maintien de Bouteflika � son poste au moins jusqu�en juillet 2012 ! Imm�diatement, et dans un geste �spontan�, Hocine A�t Ahmed adresse une lettre � Mehri dans laquelle il le f�licite pour son initiative politique et l�assure du soutien du FFS : �Je veux t�assurer de l�importance et de l�int�r�t que je porte � ta contribution. Elle repr�sente, dans la crise actuelle, une initiative forte et pertinente, �crit Hocine A�t Ahmed. Je suis heureux, sans �tre vraiment surpris, de noter entre nous, des convergences essentielles, dans l�analyse politique de la situation du pays.� La mise en sc�ne est parfaite. Le leader du FFS prend soin de faire part de son accord pour le r�pit accord� � Bouteflika : �Le cinquantenaire de l�ind�pendance verra de nouveau le peuple alg�rien fier de son pass� et rassur� sur son avenir.� C�est le moment de revenir � Mostefa Bouchachi. C�est � l�aune du projet Mehri-A�t Ahmed, inspir� par El-Mouradia, qu�il s�exprime d�sormais. Lib�r� de son devoir de r�serve, il se d�voile alors et appuie le d�lai accord� � Bouteflika dans ledit projet : �Nous savons tous que personne ne souhaite de vacance de pouvoir dans ce pays, nous savons tous � quel point c�est dangereux, surtout dans un pays comme l�Alg�rie, cela peut nous mener tout droit vers une situation � la libyenne. (�) On peut envisager la mise en place d�un gouvernement de coalition nationale qui organise de vraies �lections dans lesquelles tout le monde participera. [la d�mission de Abdelaziz Bouteflika] n�est pas n�cessaire � mon avis, � partir du moment o� il accepte cet accord.� Qu�en pense alors le chef de l�Etat ? Une �source proche de la pr�sidence� annonce dans un article �autoris� du Jeune ind�pendant(3), que �le pouvoir en place semble appr�cier la position et les propositions du FFS (�) qui n�a jamais abandonn� ses luttes pacifiques, des personnalit�s nationales et historiques en association avec d�autres personnalit�s et hommes politiques sinc�res, (qui) peuvent constituer le n�ud gordien de la renaissance nationale. Un profond changement politique, �conomique, constitutionnel est n�cessaire aujourd�hui (�) Selon une source proche du dossier, le pr�sident Bouteflika �doit pr�parer l�Alg�rie � un v�ritable changement politique et constitutionnel avec la participation de l�ensemble de la classe politique et des personnalit�s nationales telles que A�t Ahmed, Mehri et Hamrouche. Le pays doit arriver � faire na�tre la deuxi�me R�publique alg�rienne. (�) L��lection pr�sidentielle pluraliste devrait �tre annonc�e pour le 5 juillet 2012, date de naissance de la deuxi�me R�publique d�mocratique et sociale !� Comprenons donc que le projet Mehri est accept�. Que faire alors des g�n�raux ? Isoler les g�n�raux Les �confidences� d�El-Mouradia � notre confr�re le Jeune Ind�pendante laissent planer aucune �quivoque. La �deuxi�me r�publique � projet�e par le tandem El-Mouradia-Sant�Egidio est d�finie en opposition � �premi�re R�publique qui a pris le pouvoir en 1962 (et qui) a �chou� dans son entreprise. Le GPRA et la Constituante ont �t� dissous par les partisans du ko�. Autrement dit, revenir � 1962, au GPRA de Benkhedda et effacer le putsch de l�arm�e de Boumedi�ne (�les partisans du ko�) qui a install� Ben Bella de force. Revenir � une Alg�rie sans militaires, offerte � un pouvoir civil, cette Alg�rie pour laquelle s�est battu A�t Ahmed ! Comprenons par l� que �deuxi�me r�publique� sera donc une r�publique sans g�n�raux. On nage en pleine hypocrisie : c�est Bouteflika qui �tait l�un des agents les plus z�l�s du putsch militaire de 1962 contre le GPRA ! Qui tirera les marrons du feu si ce sc�nario vient � voir le jour ? Il est � craindre que ce ne soit Bouteflika. Ce qui int�resse Bouteflika dans le plan des partis de Sant�Egidio, c�est qu�il �pouse parfaitement son propre plan : laisser la succession � son fr�re. Car, contrairement aux illusions r�pandues ici et l�, le pr�sident n�a pas renonc� � son projet de faire �lire Sa�d Bouteflika, en d�pit des r�voltes arabes. Le rapprochement avec les partis de Sant�Egidio sert sa strat�gie de niveler le terrain pour son petit fr�re ; lui enlever le poids de l�arm�e ; lui offrir un �parti majoritaire � � la place du FLN (remis� au placard) et du RND (dissous ?) ; agr�er de nouveaux partis qui lui serviraient de �soutiens satellites� ; organiser des l�gislatives anticip�es pour le mettre sur selle avant l��ch�ance 2014� C�est tout cela qu�annonce le Jeune Ind�pendant. M. B. 1. El Watan1er f�vrier. 2. Entretien mercredi 9 mars par le site Maghreb Emergent (CNCD, Pouvoir, agenda du changement : Me Bouchachi s�explique sur tout). 3. Le Jeune Ind�pendant, mercredi 9 mars 2011.