La r�ponse du minist�re de la Culture � propos de la censure dont est victime le metteur en sc�ne M. Ziani Cherif Ayad, qui n�est d�ailleurs pas le seul, est stup�fiante. On estime, au niveau du minist�re de la Culture, que des �commissions� existeraient et auraient pour fonction de choisir tel ou tel projet. J�estime, accompagnant l�exp�rience th��trale et culturelle alg�rienne depuis tr�s longtemps, que les �commissions � (on n�en conna�t pas les membres, ce qui est une premi�re) dont il est question ne seraient que formelles et que tout se ferait ailleurs. Il serait int�ressant d�interroger ces �comit�s�, leur composante et leur fonctionnement manquant s�rieusement de transparence. Une lecture, par exemple, des livres traduits dans le cadre de �Alger, capitale de la culture arabe� donnerait une id�e de la tragique situation dans laquelle se trouvent aujourd�hui l�activit� culturelle et lesdites �commissions�. Des livres, trop mal traduits, par des non traducteurs. Qui a choisi ces traducteurs ? Le conflit opposant M. Benguettaf et M. Ziani phagocyte toutes les relations normales entre l��tablissement officiel du th��tre et ce metteur en sc�ne qui a soutenu la production dramatique de Benguettaf de la deuxi�me partie de son parcours qui s�arr�te en 1993, ann�e de leur s�paration, apr�s une exp�rience enrichissante au TNA et dans la troupe El Qala�. Position trop subjective fond�e sur des consid�rations personnelles ? Le minist�re de la Culture qui s�est transform� en minist�re des festivals, ignorant sa fonction initiale, s�est fourvoy�, malgr� lui, dans des territoires glissants. En plus de cela, ayant exerc� comme conseiller de deux th��tres europ�ens et assurant, entre autres cours, un enseignement de th��tre comme professeur � l�universit� d�Annaba et comme professeur invit� dans de nombreuses universit�s europ�ennes, je ne peux que souscrire au fait qu�il existe des hommes de th��tre et de culture qui n�ont pas besoin, dans de nombreux cas, de commission. Et Ziani Cherif Ayad en fait partie chez nous. Qu�on m�explique les raisons de la s�lection automatique ces derni�res ann�es des pi�ces de Mhamed Benguettaf depuis qu�il est � la t�te de la direction du TNA et surtout du �festival national du th��tre professionnel �. Subitement, des directeurs de th��tre et les diff�rents �festivals� (avec �commissions�, tenez-vous bien, ces �festivals � rapportent gros � leurs organisateurs, dans des structures o� l�activit� ordinaire est d�ficitaire) d�couvrent un �grand� auteur dramatique. Cette ann�e, quatre ou cinq de ses anciennes pi�ces sont programm�es dans les th��tres dits r�gionaux et dans le cadre de �Tlemcen, capitale de la culture islamique �. La presse reste silencieuse. Complicit� de certains titres ? Ne serait-il pas temps de s�interroger s�rieusement sur la triste r�alit� du th��tre et de la production artistique et litt�raire de ces derni�res ann�es, marqu�e par de profonds dysfonctionnements organiques et le jeu mal�fique de la rente, au-del� du nombre de pi�ces produites souvent sans public (les registres comptables et la billetterie t�moignent d�une absence presque totale de spectateurs, � l�exception de quelques tr�s rares occasions)? L�essentiel, c�est de faire une sorte de comptabilit� macabre d�activit�s organis�es, m�me en l�absence de spectateurs. La question du public est centrale. N�est-il pas temps d�employer cet argent gaspill� � la r�cup�ration des pans entiers, en rade, de notre m�moire culturelle et � la relance d�une activit� culturelle permanente, pouvant mener � la mise en �uvre de cette �culture �litaire pour tous� dont parlait Antoine Vitez. Le minist�re qui devrait tout faire pour recouvrer le mot �culture� censurerait ouvertement les �uvres de l�esprit et quelques personnalit�s. Comme ce fut le cas de quelques livres. Il existerait, selon une rumeur insistante, une liste noire de personnalit�s ind�sirables. Est-ce vrai ? Curieusement, les lieux o� je donne des conf�rences, avec mon ami Amine Zaoui, voient leur directeur d�gomm� ou l�activit� arr�t�e. Simple interrogation ! Je n�accuse personne. L�exclusion et la censure sont les lieux privil�gi�s de la pauvret�, de la faiblesse, du terrorisme et d�une voix (e) totalitaire d�niant � l�autre d�exprimer une parole diff�rente. Les structures culturelles, d�pendant du minist�re, se refuseraient d�inviter certaines personnalit�s, pour faire plaisir en haut, alors qu�elles sont tr�s cot�es dans leur sp�cialit�. Il n�existerait, dans ce cas, aucune commission ou quelque appel � communication, en principe, obligatoires. Toute voix discordante serait exclue. Les festivals sont les lieux privil�gi�s de la rente. Chacun se souvient des profonds d�saccords entre la ministre de la Culture et deux anciens ministres Kamel Bouchama et Lamine Bechichi � propos de la pr�sidence de l��v�nement �Alg�rie, capitale de la culture arabe�. Les walis de Tlemcen et d�Oran semblent marquer, selon la presse, leur diff�rence dans la gestion de deux �v�nements. Ces festivals seraient sujets � suspicion et � interrogation. Doit-on inviter qui on veut sans justification ? Est-il normal d�organiser des colloques, avec l�argent public, sans appels � communication, privil�giant ainsi de possibles renvois d�ascenseur ? Est-il appropri� d�organiser un concours international de th��tre (�La r�volution alg�rienne dans le th��tre arabe�) sans se soucier de la v�rification de l�originalit� des travaux propos�s ? Quand l��gyptienne Samiha Ayoub est invit�e � quatre reprises au �festival national du th��tre professionnel�, avec l�argent public, sans qu�elle pr�sente quoi que ce soit, cela devrait poser probl�me. Toute d�pense de l�argent public devrait �tre justifi�e. C�est la moindre des choses. Nous avons besoin d�un v�ritable projet culturel, non d�une suite de festi-bouffes qui n�apportent absolument rien au pays sur le plan symbolique, ni d�ailleurs mat�riel. Que reste-t-il, par exemple, de �L�ann�e de l�Alg�rie en France �, �Alger, capitale de la culture arabe� ou du Panaf qui ont consomm� des centaines de millions d�euros ? Je parle de �b�n�fices� symboliques, �immat�riels� pour utiliser un mot impropre souvent employ� par le minist�re de la Culture. Notre m�moire va � vau-l�eau, sans que les pouvoirs publics s�en occupent s�rieusement. Un d�bat national sur l��tat de l�activit� culturelle en Alg�rie. Sans complaisance, ni exclusion s�impose. Au moment o� les choses bougent partout, le minist�re de la Culture devrait s�ouvrir � plus de d�mocratie, r�pudiant toute censure et toute exclusion. A. C. * Professeur. Membre de l��quipe de r�daction de la grande encyclop�die du th��tre (Bordas). Auteur de plusieurs livres sur le th��tre et la culture en Alg�rie.