[email protected] Si elle m�ritait d��tre r�vis�e ne serait-ce que sur un point, la Constitution devrait inclure la parit� hommes-femmes au rang des constantes nationales et des mythes fondateurs de l�Etat alg�rien. L�Enqu�te alg�rienne sur la sant� de la famille, men�e en 2002, en collaboration avec la Ligue des Etats arabes et l�Office national des statistiques, ainsi qu�une comparaison avec les r�sultats de la Tunisie et de la Syrie (2001), donne des r�sultats �difiants sur les ravages du machisme, de la misogynie et des injustices commises � l�endroit des femmes dans nos pays. Dans le m�me temps, elle appelle � nuancer les comparaisons s�agissant d�une sph�re plut�t homog�ne. Avec un Indice synth�tique de f�condit� estim� � 2,4 enfants par femme en moyenne nationale (2,1 en strate urbaine et 2,7 en rural), l�Alg�rie est en position m�diane comparativement � la Tunisie souvent consacr�e comme mod�le de transition d�mographique relativement avanc� � avec un ISF de 2,1 enfants par femmes (1,9 en zone urbaine et de 2,5 en rurale), d�une part, et � la Syrie qui enregistre un certain retard � 3,4 enfants par femme (3.4 urbain et 4,4 en rural), d�autre part. L��ge moyen au premier mariage reste �lev� aussi bien chez la femme que l�homme, en Alg�rie en se situant � 33,2 ans pour l�homme et 29,7 ans chez la femme, se situant quasiment au m�me niveau qu�en Tunisie o� il est de 32,9 ans. Pour la Syrie il se situe � 28 ans. Par contre, le taux de divorces chez les femmes est cinq fois plus �lev� en Tunisie qu�en Alg�rie (7,1% contre 1,6%), alors qu�il n�est que de 0,5% en Syrie. Le taux de pr�valence contraceptive toutes m�thodes confondues est estim� � 63% des couples en �ge de procr�er en Tunisie ; � 57,1% en Alg�rie et � 46,6% en Syrie. Le taux d�utilisation des m�thodes modernes (contraception hormonale, st�rilet et m�thodes barri�res) est l�g�rement plus �lev� en Tunisie qu�en Alg�rie (53% contre 51,8%). La Syrie enregistre un niveau nettement inf�rieur � 35,1%. En Tunisie, la proportion des consommateurs actuels de tabac d��ge de 15 ans et plus, tous types confondus, est de 26,6% (49,4% chez l�homme et 4,1% chez la femme), En Alg�rie, la proportion de la population actuellement fumeuse est de 20% (39,1% chez l�homme et 0,9% chez la femme). En Syrie, ces proportions sont respectivement de 26,2% (43,4% chez l�homme et 8,0% chez la femme). Ainsi, le tableau est plus contrast�, et les valeurs moins affirm�es, que ne l�indiquent les id�es longtemps colport�es en faveur du mod�le tunisien de �f�minisme d�Etat� dont on s�assure de mieux en mieux son caract�re de �trompe-l��il�(*). A d�faut de la�cit�, par del� les provocations, notre respectable voisin a plut�t d�velopp� un projet politique fond� sur un contr�le �troit de la sph�re religieuse par l�Etat, avec ses corollaires l�assujettissement du religieux et la fonctionnarisation du culte. S�agissant des femmes, on accorde souvent au r�gime tunisien la paternit� d�une innovation majeure intervenue trois mois apr�s l�ind�pendance : la promulgation du CSP, un code voulu en rupture formelle avec le droit musulman tel que pratiqu� ant�rieurement, s�agissant de l��galit� face � l�h�ritage, de la r�pudiation (remplac�e par une nouvelle proc�dure de divorce), de la polygamie ou du tutorat matrimonial (tous deux abolis), en dehors d�autres droits accord�s aux femmes : travailler, se d�placer, ouvrir des comptes bancaires ou cr�er des entreprises sans l�accord pr�alable de l��poux. Une �tude anthropologique du droit et de la pratique judiciaire nuancerait fortement l�appr�ciation de la situation en Alg�rie. Ce qui ne justifie naturellement pas qu�il faille s�en contenter. Avec le recul du temps, on se surprend � douter de la p�rennit� de ces bien maigres acquis : �Cette politique para�t bien �tre un �f�minisme d�Etat�, dans la mesure o� ce dernier assuma un programme de promotion f�minine, visant � rattraper, de fa�on autoritaire et volontariste, la condition des femmes dans les pays occidentaux. Cependant, un f�minisme d�Etat impliquerait que la promotion de la condition f�minine ait �t� au c�ur du projet politique. Or, le CSP n��tait en r�alit� qu�une partie du projet �modernisateur� du r�gime. Son interpr�tation comme l�gislation f�ministe intervint plus tardivement (�) Autre limite, l�esprit dans lequel ce combat pour la promotion de la femme �tait men� ne peut �tre dit f�ministe, m�me si les visages du f�minisme sont multiples. En effet, tout en pr�tendant mettre � �galit� hommes et femmes, Bourguiba ne remit jamais en cause la tradition et l�interpr�tation patriarcale de la religion.� Si bien, qu�en bout de course, �l��galit� fut plus c�l�br�e dans les discours que dans la loi elle-m�me� ou encore dans une pratique judiciaire qui, dans la d�cennie 1980, sous la pouss�e conservatrice, a �pu subvertir la l�gislation�. La r�islamisation progressive par le haut entreprise par les nouveaux r�gents benalistes du pays, grosses fortunes fra�chement constitu�es, au d�but des ann�es 2000 visait � contrer l�opposition de gauche par une alliance avec les partis et les milieux religieux. Elle trouve, en partie, son aboutissement dans la �r�volution des jasmins� qui n�a pas encore d�clin� ou d�roul� tous ses effets. L�auteur de l��tude conclut : �Par-dessus tout, c�est la confusion entre la�cit� et s�cularisation, ou encore la place accord�e � certains symboles, comme le voile, qui ont pu donner l�illusion, flatteuse, que cet Etat avait adopt� les combats des Etats occidentaux, pris leurs soci�t�s comme mod�le, et s�apparentait � eux comme aucun autre Etat arabe.� Ce faisant, l�Occident occultait la voie autoritaire et r�pressive choisie par le r�gime. Au contraire de l��mancipation de droit, les Alg�riens semblent avoir opt�, dans la dur�e, pour une voie soft, de fait. On observe d�ailleurs les m�mes logiques au Maroc o� active depuis quatre ans avec un certain succ�s le � Mouvement du tiers des si�ges �lus des femmes� vers la parit� qui regroupe aujourd�hui plus de mille associations � travers tout le pays. Plus fondamentalement, bon an mal an, 60 � 70% des laur�ats du baccalaur�at sont des femmes. L��ducation, la sant�, la justice, l�universit� et le monde des affaires connaissent une irruption remarqu�e, dominante, des femmes. Dans l��ducation, elles d�passent les 50% des effectifs. Il en est de m�me dans la sant�, o� leur participation est de 58%. Dans la sph�re judiciaire ou extra-judiciaire, la justice, plus de 54% des femmes issues de la facult� de droit exercent en qualit� de notaires. Dans le monde des affaires, les perspectives sont encore plus prometteuses : plus de 64% des b�n�ficiaires de pr�ts de l�Agence nationale de la gestion du microcr�dit, Angem, sont des femmes. Elles sont d�j� environ 6 000 femmes g�rantes d�entreprises. La sph�re politique ne suit cependant pas ces progr�s : seules 30 femmes occupent la place de d�put�e au Parlement et 5 autres au Conseil de la nation. Le nombre de P/APC, walis ou ministres femmes se compte sur les doigts d�une seule main. Une honte. C�est pourquoi, le m�rite et la parit� (en g�n�ral ils vont de paire) gagnent � �tre inscrits au rang des fondamentaux et des constantes. Ce n�est pas un signe de modernit�. C�est un acte de survie. A. B. (*) Augustin Jomier, La�cit� et f�minisme d�Etat : le trompe-l��il tunisien, in la vie des id�es.fr