Par Arezki Metref [email protected] Les positions m�dianes sont toujours les plus expos�es et les plus difficiles � tenir. N'�tant ni d'un camp, ni de l'autre, on a fatalement les deux contre soi. Cette fatalit� th�orique trouve son expression, de fa�on abrupte, dans les commentaires, tranch�s, parfois insultants, re�us � la suite de la chronique de la semaine pass�e. Ni Sarkozy, ni Kadhafi ? �a ne pla�t pas, on le comprend, aux Atlantistes et aux francophiles incurables, pas plus qu'aux d�fenseurs d'un monde arabe fig� dans le glacis des dictatures avec ce qu'elles comportent d'humiliation pour les peuples. Il est naturellement plus confortable d'appartenir � un camp, et de concentrer, ce faisant, toutes ses cartouches contre ceux d'en face. Ces derniers �tant en l�occurrence ces deux camps qui, hier encore, se rencontraient dans la convergence d'int�r�ts communs. L'historien Gilbert Meynier a bien fait de me rappeler que Kadhafi avait �t�, � l'�t� et � l'automne 2010, missionn� par l'Union europ�enne dont il �tait le fond� de pouvoir via l'Italie, moyennant vraisemblablement subsides, pour contenir le flux migratoire des Africains subsahariens. Il veillait sur l'application du programme de fermeture des fronti�res europ�ennes dit Frontex. �C'est une des raisons pour lesquelles j'ai eu un peu de mal, au d�but, � comprendre les frappes OTAN/europ�ennes tant elles me paraissaient aller � l'encontre de la logique de ces accords�, �crit-il. Comment, en effet, ne pas �tre �tonn� que l'Union europ�enne se m�le de casser cette digue qui retient les vagues humaines cinglant vers les rives europ�ennes de la M�diterran�e ? Chacun des dictateurs du monde dit arabe, � qui est un monde berb�re, copte, kurde, habit� par d'autres peuples, � de Moubarak � Ben Ali, en passant par El Assad et Saleh, a tenu sa long�vit� au pouvoir avec, au bas mot, la b�n�diction des grandes puissances de la mondialisation. C'est pourquoi on aurait presque envie de rire si les circonstances s'y �taient pr�t�es, � la lecture de certains pensums tendant � nous d�montrer que la chute des dictateurs arabes �quivaut � l'effondrement de l'ind�pendance et de �l'identit� des peuples. S'il est plus que certain que les attaques atlantistes comme celle contre Kadhafi, et leurs cons�quences � encore inconnues, et peut-�tre pr�judiciables � l'int�grit� des Etats-nations tels qu'issus des luttes et guerres d'ind�pendance nationales, � ne sont pas motiv�es par la d�mocratie, il n'est pas dit que leur contraire, c'est-�-dire l'appui des dictateurs par les grandes puissances, serve la cause de ces peuples vivant sous la botte perp�tuellement, soumis � l'indignit�, au mieux � l'infantilisation. Si l'on n'est pas un supp�t du pouvoir, en Syrie ou au Y�men, on a � peine le droit de respirer. Fort heureusement, il y a des �penseurs� pour dire � ces peuples qu'il vaut mieux pour eux qu'ils continuent � subir les dictatures dynastiques qui les �touffent, les humilient, les paup�risent plut�t que d'encourir les frappes fallacieuses de l'imp�rialisme. Oui, �a continue... Peste ou chol�ra ? Vous d�sirez ? C'est un hasard du calendrier que ce d�bat essentiel pour la p�dagogie du dilemme, survienne au moment o� le monde comm�more le 10e anniversaire du 11 septembre 2001. Le monde ? En fait ce sont les Etats- Unis, boussole et c�ur battant d'un syst�me unipolaire issu de la Guerre froide, qui entendent l'imposer au monde. Dix ans apr�s cette attaque dont les images napp�es d'irr�alit� continuent � tournoyer sur nos �crans de t�l�vision et dans nos t�tes, o� en sommes-nous ? Le bilan est rapide � dresser. Il aura fallu � peu pr�s 10 ans pour abattre... Ben Laden dans des circonstances plus que troubles. Il en a fallu beaucoup moins pour d�clencher deux guerres, l'une en Irak et l'autre en Afghanistan, pr�tendument contre le terrorisme islamiste, mais en fait pour des motifs beaucoup plus prosa�ques d'int�r�ts financiers et g�ostrat�giques. L'autre �l�ment du bilan est l'inflexion s�curitaire imprim�e aux Etats-Unis et aux grandes puissances plan�taires avec notamment des proc�dures d'exception comme le Patriot Act, et l'arbitraire telles les tortures en Irak et � Guantanamo. Cette inflexion s�curitaire, reconnue comme attentatoire aux droits humains dans les d�mocraties occidentales, se fonde �videmment sur la lutte contre le terrorisme islamiste. Si ce dernier n'existait pas, � mais h�las il existe bel et bien, sans piti�, ravageur, � il aurait fallu l'inventer pour disposer de l'ennemi idoine. Cependant, force est d'observer que l'efficacit� est toute relative. Il n'y a jamais eu autant d'attentats islamistes (Londres, Madrid...), et de si terribles, que depuis que les puissants agitent les peurs de l'autre, mettant ainsi en application concr�te la th�orie du choc des civilisations de Samuel Huntington. L'ennui avec le radicalisme, c'est qu'il conforte celui d'en face. C'est un monde d�sax� par la d�mence du capitalisme financier qui comm�more les attaques du World Trade Center, et qu'on peut analyser a posteriori comme � paradoxe � le d�but de la fin de la supr�matie des Etats-Unis sur le march� mondial. Depuis, on a vu l'�mergence de puissances �conomiques comme la Chine et l'Inde qui semblent vou�es, surtout la premi�re, � un grand avenir. Les projectivistes les plus optimistes pr�voient, � moyen terme, le d�classement des Etats-Unis dont on peut observer d'ores et d�j� les pr�mices. Le 11 septembre aura, en d�finitive, sonn� le glas d'un monde aux contours identifi�s (ceux de la Guerre froide), et accouch� d'un autre o� les conflits pour l'espace, l'eau, le p�trole, l'argent, la nourriture, sont habill�s de fallacieuses frusques id�ologiques, tribales, identitaires, r�gionales, etc. Bienvenue dans le monde de l'opacit� et des faux-semblants !