[email protected] En marge du colloque organis� r�cemment par El Watan, l�historien Mohamed Harbi �voquait, dans un entretien, la n�cessit� de r�examiner dans la clart� la notion du �vivre-ensemble� afin de d�nouer la crise qui mine le pays depuis un quart de si�cle. A l��vidence, la prudente litote dont il fait usage pour parler de nos fractures d�signe sans les nommer nos rapports contradictoires avec tout ce qui repr�sente la place de la religion dans le fonctionnement de l�Etat et les nuisances de ses factions djihadistes dans la paix sociale. Sans doute que les r�f�rents de la religion dans la d�finition m�me de l�Etat remontent � la source et sont soulign�s par les diff�rentes constitutions. Sauf que dans la praxis, ils sont devenus comminatoires � partir des ann�es 1980. Et que le laxisme id�ologique du pouvoir permit l��closion d�une revendication parall�le au sein du syst�me monolithique qui d�cr�tera alors que seule la religion �tait l�alpha et l�om�ga de la nation. Alors l�Islam en tant que spiritualit� devint l�Islamisme alternatif avec tout ce que connotent de p�joratifs les suffixes en �isme�. Sans trop s�attarder sur le r�le n�faste de la mosqu�e, transform�e en tribune pour l�impr�cation, ni �galement d�crire par le d�tail le formatage p�dagogique de l��cole livr�e sans partage � un corps d�enseignants �coranis�s� et obtus, il faut dire que c�est gr�ce � ces deux leviers que l�islamisme �tait parvenu � diffuser une autre perception de la nation. Celle qui ne peut se concevoir en dehors du strict communautarisme religieux. En somme, la profondeur de la crise nationale a pour origine principale la faillite du �novembrisme� originel, mal interpr�t� s�rement, mais surtout f�cheusement d�tourn� par une camarilla d�apparatchiks. En effet, le grand virage du parti unique lors de ses deux congr�s de la d�cennie 1980 n�y fut pas pour peu de choses. La mont�e en puissance d�une id�ologie de substitution tr�s t�t qualifi�e de �salafia � baathiste� livrera le FLN � la pire d�rive fasciste. Ce sera la premi�re victoire de l�islamisme. D�s lors, celui-ci ne fera que consolider ses bastions dans l�appareil d�Etat jusqu�� imposer ses normes au plus modeste commis du service public. Sans l�siner sur les proc�d�s d�intimidation, il demeurera cependant � l�ombre jusqu�� sa l�galisation politique au lendemain du 5 octobre 1988. Par la suite de quelques p�rip�ties l�ayant oppos� � une r�sistance, encore dans les limbes, il substituera tout naturellement le fusil � la d�lib�ration d�mocratique jusqu�� ce que les Alg�riens d�couvrent ce que cache son populisme. Une alternative barbare qui ne fait plus de quartier dans ce huis clos qu�est devenue l�Alg�rie. L�incurie de l�Etat sous le chadlisme cr�pusculaire l�y avait encourag� d�une certaine mani�re. Et c�est seulement au lendemain de 1992 que consensuellement les institutions de la R�publique organiseront la riposte au plus fort de la guerre quasi civile qu�il livra � la population. C�est donc � la strat�gie du �tout s�curitaire� que le pays doit sa survie et partant l��chec du djihadisme local consomm�. Or Bouteflika, d�s son investiture, avait estim� que la r�ponse militaire �tait insuffisante m�me si � un moment elle �tait n�cessaire. La paix, selon lui, doit passer imp�rativement par le sas du dialogue politique. Sa d�marche, d�abord �concordataire� (septembre 2000) puis �r�conciliatrice � (la charte de septembre 2005) a-t-elle aujourd�hui install� durablement le pays dans un �vivre ensemble� serein ? Certainement pas si l�on pr�te vaguement l�oreille au silence assourdissant du r�gime qui n�ose plus en c�l�brer les bienfaits m�me les jours anniversaires, comme ce 29 septembre. Car si l�on se r�f�re aux analystes s�rieux(1), toute la philosophie de Bouteflika s�est, en quelque sorte, dilu�e dans �une construction juridique qui se voulait astucieuse (plut�t) que dans un �difice fond� sur une v�ritable n�gociation et un v�ritable consensus�. Effectivement, le document de la charte a �t� en son temps per�u par les sp�cialistes comme un chef-d��uvre de rh�torique politicienne o� s�entrem�lent l�impr�cision et les poncifs. En un mot, la p�riphrase pour le rendre obscur. Entre autres exemples celui concernant les terroristes qui, sous la plume inspir�e des r�dacteurs, deviennent des �individus� (sic) ayant une �activit� arm�e� ! M�me des distinguos sont de mise qui insistent sur la nature de leur exaction, voire sur la possibilit� de l�extinction des poursuites. Mieux ou pire, le vocable �amnistie�, qui �tait soigneusement �vacu� de la loi 2005, est aujourd�hui dans l�usage officiel, selon Ma�tre Ksentini, le porte-plume des droits de l�homme du pr�sident(2). Quant � la n�gociation et au consensus, ces deux pr�alables indiscutables dans pareil cas, ils furent solubles dans la mascarade r�f�rendaire qui n�est rien d�autre qu�un passage en force sous nos latitudes. Autrement dit, l�imp�ratif d�bat contradictoire qui doit pr�c�der le lapidaire choix entre un �oui� et un �non� est le seul qui valide tout pl�biscite. Or, le 29 septembre 2005 n�a jamais �t� la cons�cration de ce genre de d�lib�ration. C��tait donc de la politique du fait accompli qu��tait n�e notre illusion de paix. Six ann�es plus tard, que reste-t-il de celle-ci ? Statistiquement ceci : 13 attentats majeurs entre 2007 et ao�t 2011 occasionnant 256 morts et 635 bless�s( 3). Une hypoth�tique strat�gie � laquelle s�accroche le pouvoir en recourant � la m�thode Cou� ! Celle qui veut toujours nous convaincre que le terrorisme est �r�siduel� chaque fois qu�il frappe. B. H. (1) � Lire l�interview de Mohamed Chafik dans Libert� du 29 septembre. (2) � Voir Le Soir d�Alg�rie du 29 septembre � propos des d�clarations de Farouk Ksentini au sujet de l�amnistie. (3) � Source des statistiques Libert� du 29 septembre.