Par Noureddine Boukrouh [email protected] Jusqu�aux r�volutions arabes, il n�y avait rien � dire sur les pays arabes, car il ne se passait rien depuis les guerres isra�lo-arabes, toutes perdues. Le d�bat d�id�es �tait clos depuis les Mutazila, la sc�ne politique ferm�e depuis les ind�pendances, et les peuples aspiraient en vain depuis la Nahda � devenir des classes moyennes. L�an dernier, ce statu quo a magiquement vol� en �clats : les peuples, las de r�ver du monde moderne lui ont tourn� le dos, et les �g�n�rations Internet� qui ont ouvert la voie aux r�gimes islamistes s�interrogent sur leur devenir. Leurs r�volutions vont-elles s�inscrire dans le sens de l��volution, ou leur feront-elles perdre quelques d�cennies suppl�mentaires avant de les ramener au point de d�part. Un point de d�part qui ne se situe peut-�tre pas un an auparavant, mais des si�cles en arri�re. Jusque-l�, le champ d�analyse de l�islamisme �tait exigu. L�exp�rience alg�rienne n�a pas d�clench� en son temps une r�flexion de grande ampleur car, singuli�re de prime abord, elle ne semblait pas se pr�ter � des conclusions extensibles � d�autres pays. Or aujourd�hui, nous, Alg�riens, avons le sentiment de ne plus �tre seuls devant le miroir de l�Histoire. En le regardant, nous voyons � notre place des Tunisiens et des Egyptiens et avons l�impression de revivre � travers eux des situations d�j� v�cues et d�entendre des slogans d�j� entendus. Ce n�est pas l�histoire alg�rienne qui s�est r�p�t�e en Tunisie et en �gypte, ce sont les ph�nom�nes observ�s chez nous il y a vingt ans qui sont apparus ici ou l� dans l�aire culturelle arabo-musulmane selon un timing inexplicable mais � partir des m�mes ressorts mentaux. Ce champ s�est �largi avec l��mergence des partis islamistes comme principale force politique sur la sc�ne arabe �d�gag�e�, pi�tinant dans le mouvement de foule d�clench� les autres courants d�id�es mis au d�fi d�oser encore dire un mot. Les �lites intellectuelles des pays touch�s ou non par ces r�volutions ne sont pas encore sorties de l��tat de sid�ration dans lequel elles les ont plong�es. Il faut du temps pour qu��mergent de nouvelles id�es, et encore davantage pour qu�elles se r�pandent dans la soci�t�. Mais tout le monde est interpell� et oblig� de r�fl�chir sur la question du jour, l�islamisme, et celle de demain, l�apr�s-islamisme. Dans ces colonnes, on essaye de contribuer � cette r�flexion naissante sans pr�tendre convaincre, et encore moins d�tenir la v�rit�. Qui se souvient de l�in�narrable Rabah Bench�rif (que je salue), le premier pr�sident du PNSD ? Il avait introduit au d�but de la vie politique dans notre pays, avec son parler truculent du Constantinois et ses images renversantes, une note humoristique qui a disparu car depuis on n�a plus ri du fait de la politique. Actuellement, elle fait plut�t pleurer. Il m�avait racont� � l��poque une anecdote qu�il avait v�cue : un �minent candidat du FLN aux �lections l�gislatives de d�cembre 1991 avait organis� une �zerda� dans son bled natal pendant la campagne �lectorale � laquelle �tait venu beaucoup de monde. Dans nos traditions, on ne sert pas individuellement les convives quand ils sont trop nombreux, on les r�unit par groupes autour de �guess�at� de couscous. Apr�s s��tre bien empiffr�, un convive a anonymement trac� avec son doigt et les grains de couscous rest�s au fond de la �guess�a� un mot en lettres majuscules : �FIS�. C�est ce qu�ont fait les Tunisiens et les �gyptiens aux premi�res �lections libres de leur histoire. Mais eux n�ont pas fait un pied-de-nez � un candidat en comp�tition, ils l�ont fait � trente ans de bourguibisme pour les premiers, et � un demi-si�cle de nass�risme pour les seconds. Les r�sultats de ces �lections ont balay� en fait un si�cle et demi d�efforts pour la modernisation de ces pays, provoquant dans le monde le m�me �tonnement que celui que notre peuple avait suscit� en d�cembre 1991. En Tunisie, personne ne s�attendait � une victoire massive d�Ennahda. Que dire alors du tsunami �gyptien o� 85% des �gyptiens (hors Coptes) ont vot� islamiste ? Mais, se surprend-on � se demander, o� sont pass�s les autres, les rationalistes, modernistes, nationalistes, r�volutionnaires, tiers-mondistes, progressistes, socialistes, communistes, ba�ssistes, lib�raux, d�mocrates, f�ministes et autres la�cs qui, vus de loin, faisaient tant illusion ? Ils �taient persuad�s d�avoir forg� une conscience nationale, form� un homme nouveau et b�ti des institutions �qui survivent aux �v�nements et aux hommes�. O� est pass� ce socle populaire solide et acquis au progr�s ? O� est pass�e l�influence civique et patriotique des centaines de films, romans, pi�ces de th��tre, festivals, po�mes, chants et chansonnettes subventionn�s? O� sont ces institutions p�rennes qui n�ont pas surv�cu � un scrutin libre ? O� sont pass�es les �avantgardes progressistes� qui croyaient tracter derri�re elles les masses populaires ? Ce qu�on constate, c�est que les b�tes de trait sont sur une rive et la remorque sur une autre. Cela me rappelle que le premier article que j�ai publi� dans El Moudjahid en novembre 1970 avait pour titre �Islam et progressisme�. A l��poque, il �tait hautement �r�actionnaire� et �contre-r�volutionnaire � d�accoler les deux termes. Apr�s cet article, et surtout les suivants, on m�a coll� l��tiquette de �fr�re musulman�. Aujourd�hui, j�ai envie de dire � ces �on� : �Comment va le progressisme, chers Gros-Jean comme devant ?� Si le progressisme d�hier avait pris en compte les �int�r�ts spirituels� des peuples au lieu de leurs seuls �int�r�ts de classe�, et si l�islamisme d�aujourd�hui avait �t� progressiste au sens non-exclusivement marxiste du terme, les soci�t�s arabo-musulmanes n�auraient pas connu l�apartheid intellectuel qui creuse d�sormais leurs rangs, et la politique serait, comme dans les d�mocraties et les pays sens�s, une simple comp�tition entre des programmes de gestion des affaires publiques. On r�alise aujourd�hui qu�il �tait plus facile de cr�er des � Etats modernes � de bric et de broc que de r�former en profondeur les mentalit�s, de construire sur du vrai, de dispenser un enseignement homog�ne et �pur� d�id�ologie, de promouvoir une culture assise sur la rationalit� et les valeurs morales des peuples. Au lieu de cela, les r�gimes �progressistes � flattaient les foules pour qu�elles demeurent � l��tat de masses propices au despotisme, � la pens�e unique et au pouvoir h�r�ditaire ; ils les ont avilies, abruties et arab�tis�es ; ils ont manipul� leurs sentiments religieux et encourag� l�islam maraboutique comme l�avait fait le colonialisme. Ils croyaient ainsi l��loigner de la politique et des affaires publiques, mais voil� qu�il leur est revenu en plein visage comme un boomerang, rouill� en plus. Mais une telle t�che n��tait pas � la port�e de ces r�gimes, elle �tait du ressort de l�esprit et d�une vision historique qu�ils n�avaient pas. Ils avaient la courte vue, la courte �chelle et la courte paille et croyaient construire l�avenir avec. Les mouvements de l�Histoire �voquent les flux et les reflux des mers. Elle a ses mar�es montantes et ses mar�es descendantes, ses avanc�es et ses reculs, ses victoires et ses revanches. Nous sommes actuellement dans une phase de reflux, de recul, de revanche du pass� sur le pr�sent et des t�n�bres sur la lumi�re. Nous avons vu dans les pr�c�dentes contributions comment l�islam, venu avec un esprit d�mocratique, s�est transform� en syst�me politique monarchique un quart de si�cle � peine apr�s le d�c�s du Proph�te, et comment, ayant jet� les bases de la pens�e scientifique et technologique avec les Mutazila, il a sombr� dans l�obscurantisme apr�s la fermeture des portes de l�ijtihad. J�aimerais signaler ici une curieuse co�ncidence : un Al- Ach�ari (Abou Moussa, gouverneur de Bassorah et de Koufa, mort en 672) a jou� un r�le d�terminant dans le coup d�Etat de Moawiya, et un autre Al-Ach�ari (Abou Hassan, descendant du premier, fondateur du �ilm alkalam � et auteur d�un �Tafsir� du Coran, mort en 935) a cr�� le premier courant de pens�e hostile � la libert� dans tous les domaines, courant fataliste et scolastique qui a conduit par diverses voies au maraboutisme et � l�islamisme. On peut dire qu�� eux deux, le premier sur le plan politique et le second sur le plan intellectuel, ces Y�m�nites ont coul� l�islam. Moawiya et ses �mules � travers les si�cles et les continents ont �radiqu� l�esprit d�mocratique pour pouvoir r�gner sur les personnes, tandis que les p�res spirituels de l�islamisme ont �radiqu� la libert� de pens�e, d�expression et de cr�ation pour pouvoir r�gner sur les �mes. Ils ont agi de concert, se soutenant les uns les autres, en une douteuse alliance entre C�sar et Dieu, entre le glaive et la mosqu�e. Les despotes y ont trouv� leur compte parce que les ul�mas participaient � l�endormissement des masses; et les ul�mas trouvaient le leur en tant que �corps constitu� et pilier de l�Etat. Ils se l�gitimaient mutuellement, leurs int�r�ts objectifs �tant les m�mes et solidaires. Ils se sont partag� les r�les mais le but �tait commun : soumettre politiquement et intellectuellement les peuples, �loigner ceux qui r�fl�chissent et �crivent, faire taire la critique, brider les libert�s� Le changement, la lib�ration de l�esprit et l�encouragement de la cr�ativit� n�ont jamais �t� � l�ordre du jour des dictateurs ignares et des ul�mas despotes. La lutte entre les id�es modernistes et les id�es conservatrices ne date pas d�aujourd�hui, et ce que vit pr�sentement le monde arabo-musulman � un r�trop�dalage end�mique � il l�a v�cu plusieurs fois dans le pass�. C�est ainsi que les id�es wahhabites qui se trouvent � la base de l�id�ologie des partis islamistes �gyptiens ont pris leur revanche sur les id�es modernistes introduites en �gypte par Mohammed (M�h�met) Ali au XIXe si�cle. A partir du Xe si�cle, le monde musulman a �clat� en plusieurs r�gions politiques. L�autorit� du califat abbasside n�est plus reconnue en Iran o� apparaissent les dynasties Tahride puis Saffaride, au Maghreb o� surgissent des dynasties khar�djites, et en �gypte qui s�autonomise avec Ibn Touloun avant de devenir, avec Saladin, le si�ge de l�Empire fatimide. Puis les Mameluks la gouverneront de 1250 jusqu�� l�arriv�e des Ottomans en 1517. Entre-temps, le califat abbasside avait disparu sous les invasions mongoles dont la seconde vague, men�e par Tamerlan, a mis un terme d�finitif au r�gne arabe sur l�islam. En 1798, un g�n�ral de 29 ans, Napol�on Bonaparte, d�barque � Alexandrie. C��tait le premier contact entre l��gypte et l�Occident depuis les Romains. Mohammed Ali, officier d�origine albanaise servant dans l�arm�e ottomane, prend le pouvoir en 1804 et se proclame pacha d��gypte. S�duit par la civilisation fran�aise dont il avait eu un aper�u avec l�exp�dition scientifique amen�e par Napol�on, il nourrit l�ambition de faire de son pays d�adoption un Etat moderne et ind�pendant. Il prend peu � peu ses distances de la Sublime Porte en jouant sur la rivalit� franco-britannique et parvient, en quelques ann�es, � cr�er sa propre arm�e et sa marine. Il liquide en 1811 les Mameluks puis s�empare en 1812 de M�dine, Djeddah, La Mecque et Ta�f, et met � terre le pouvoir wahhabite. Il conquiert en 1820 les provinces voisines : Syrie, Liban et Soudan. Cet homme qui va faire � l��gypte plus de bien que ne lui feront Nasser, Sadate et Moubarak r�unis, s�engage dans une �uvre de modernisation sans pareille dans le monde arabe.Il lance le �Nizam algadid �, organise l��gypte en 14 gouvernorats et 64 d�partements, cr�e des minist�res, un Conseil d�Etat et une industrie militaire et navale. Il installe le t�l�graphe, lance des travaux d�adduction et de r�partition des eaux du Nil, creuse un canal � Port-Sa�d, et construit des centaines de digues pour emp�cher les d�bordements du fleuve en p�riode de crue. Il proc�de � une v�ritable r�volution agraire en divisant les biens �waqf� en �feddans� qu�il distribue aux fellahs, institue le cadastre sur le mod�le fran�ais, et cr�e sa propre monnaie. Il s�entoure de coop�rants europ�ens, ouvre une �cole d�infanterie, une �cole polytechnique, une �cole d�administration, une �cole de traduction, une Ecole des ponts et chauss�es, une �cole de chimie appliqu�e, une �cole des mines, une �cole de g�om�trie et de g�ographie, une �cole v�t�rinaire, une facult� de m�decine, etc. L�imprimerie et les premiers journaux apparaissent en 1828. Il envoie des missions d��tudes en Europe comme celle encadr�e par le cheikh Tahtaoui dont on a parl� dans une pr�c�dente contribution. Son fils, Ibrahim Pacha, �tend cette politique de modernisation � la Syrie, au Liban et � la Palestine, et y �tablit l��galit� entre les trois religions (islam, christianisme et juda�sme). Apr�s avoir conquis le Y�men et la Cr�te, il se tourne vers le c�ur de l�Empire ottoman, s�empare de Konya et arrive � 100 km d�Istanbul quand son p�re lui ordonne de s�arr�ter et de revenir sur ses pas. C��tait une erreur. En 1848, Mohammed Ali d�c�de � l��ge de 80 ans. Ibrahim Pacha �tant mort quelques mois auparavant, c�est le fils de ce dernier, Abbas 1er, qui acc�de au tr�ne et d�fait en peu de temps ce que son grand-p�re avait r�alis� en 44 ans. Influenc� par les milieux religieux, il ferme les grandes �coles, arr�te la politique des grands travaux et chasse les coop�rants �trangers. L�enseignement public p�riclite et l�Egypte retourne en arri�re. L�obscurit� triomphait une nouvelle fois de la lumi�re en terre musulmane. Le m�me mouvement de modernisation (Tanzimat) est conduit dans l�Empire ottoman par le sultan Abdulmajid 1er. En 1839, un d�cret instaure l��galit� de tous les sujets (musulmans, chr�tiens et juifs) devant la loi ; en 1840 est adopt� un code p�nal ind�pendant de la chari� ; en 1856 est d�cr�t�e l�abolition de la �jizya� (imp�t sp�cifique aux non-musulmans)� M�me r�action des milieux religieux wahhabites : de La Mecque, des ul�mas lancent des fetwas contre ces r�formes et appellent au djihad contre le sultan. Quelques ann�es apr�s, la dynamique de progr�s meurt d�elle-m�me sous la pression des id�es r�trogrades. La Nahda a �galement touch� � la m�me �poque la Tunisie o� le bey nomme Premier ministre Khe�reddine Pacha, un homme d�Etat consid�r� comme le fondateur de la Tunisie moderne. C�est lui qui a cr��, notamment, le coll�ge Sadiki o� sont enseign�es pour la premi�re fois les sciences exactes et les langues �trang�res et d�o� sortiront les g�n�rations qui animeront le mouvement de lib�ration de la Tunisie et construiront son Etat ind�pendant. Sous la colonisation, les musulmans (m�me si ce n�est qu�une minorit�) feront des progr�s, �tudieront les sciences et les langues �trang�res et adopteront ce qu�il y a de bien chez l�occupant. Les dirigeants du XIXe si�cle �taient-ils plus visionnaires et plus audacieux que ceux du XXe et du XXIe si�cles ? Faut-il conclure � une impossible renaissance des musulmans ? Le monde arabo-musulman semble en tout cas pris dans une implacable spirale d�involution : les r�volutions arabes n�ont pas �clat� dans les monarchies, mais dans les R�publiques. Plus absurde encore, ce sont les monarchies les plus r�trogrades qui ont gagn� dans l�affaire �tant donn� que les r�volutions ont fini islamistes. Pourquoi les peuples des monarchies iraient-ils se soulever puisque au bout du compte c�est l�islamisme qui les attend, et qu�ils l�ont d�j� ? Ceux qui y trouvaient leur pl�nitude n�ont pas besoin de faire la r�volution, et ceux qui ne veulent pas de l�islamisme trouvent pr�f�rable de vivre sous des r�gimes d�testables plut�t qu�islamistes. C�est ce qui autorise � penser que la r�volution syrienne sera la derni�re. Cette spirale ne s�est pas saisie que des collectifs, elle s�est empar�e m�me des individus d�tach�s de leurs soci�t�s et �voluant dans d�autres environnements culturels. A peine la d�pouille du �franco-alg�rien� Mohamed Merah a-t-elle �t� mise en terre que s�est ouvert � Paris le proc�s d�un autre �Franco-Alg�rien �, Adl�ne Hicheur. Ce dernier n�a pas 23 ans et n�est pas carrossier au ch�mage, il est �g� de 37 ans et est docteur en physique nucl�aire et chercheur au Centre europ�en pour la recherche nucl�aire (CERN) de Gen�ve. Cinq prix Nobel de physique en sont issus, et peut-�tre qu�Adl�ne aurait pu l�obtenir un jour pour la gloire commune des Alg�riens, des Fran�ais et des musulmans. Mais ce jour n�arrivera pas, car il a �t� arr�t� il y a trois ans sous l�accusation d�avoir envisag� des attentats terroristes en France en liaison avec l�AQMI. Le parquet a requis contre lui six ans de prison (il en a d�j� purg� presque trois, � titre pr�ventif) et le jugement, mis en d�lib�r�, sera connu le 4 mai prochain. C�est dire si nous sommes dans un processus de r�gression qui d�fie les lois de la nature, de la science et du bon sens. Ce que nous vivons est l�unique d�menti concret apport� � ce jour � la th�orie de la s�lection naturelle : ce n�est pas le meilleur qui l�emporte sur le plus mauvais ; ce n�est pas le docteur en physique nucl�aire qui ram�ne sur le droit chemin l�islamiste ignare, c�est le terroriste qui met sur le mauvais chemin l�esprit scientifique. Et ce n�est ni le premier ni le dernier cas. J�ai d�ailleurs failli intituler cette contribution : �Islam et r�gressisme�. L�islam est devenu un probl�me chez lui, mais aussi chez les autres, l� o� vivent des communaut�s musulmanes, autrement dit, dans le monde entier. A cause du terrorisme, il est devenu une question de s�curit� internationale. Les musulmans n�iront pas loin sans d�importantes mises au point dans leur fa�on de penser et de profonds changements dans leur comportement entre eux et avec le reste du monde. Mais qui doit initier ces mises au point et ces changements ? Les philosophes, sociologues, historiens et sp�cialistes musulmans des religions ne sont pas reconnus comme comp�tents pour se m�ler des questions islamiques. On leur d�nie le droit de s�en approcher. Les intellectuels modernistes et les politiques ont peur des ul�mas, ils ne peuvent se permettre de les d�fier en raison de l�ascendant qu�ils exercent sur les foules. Et une fetwa peut vite devenir un �contrat� sur une t�te. Les ul�mas ont min� le champ d�approche de l�islam, entour� de fils barbel�s son domaine et bloqu� tous ses acc�s. Ils ont sous leur coupe les �coles juridiques (madhahab), les universit�s islamiques, les programmes d�enseignement des mati�res religieuses, les institutions charg�es des fetwas, les sp�cialistes du �tafsir�, les imams et les t�l�coranistes. Eux seuls sont comp�tents pour l�ijtihad. Et comme ils en ont ferm� les portes, il y a mille ans, personne ne peut les rouvrir. M�me des ul�mas comme Kawakibi, Abdou, Abderrazik ou Mohamed al-Ghazali, qui s�y sont essay�, n�ont pu imposer leurs vues r�formatrices. Ils ont �t� assassin� pour le premier, ostracis� pour le second, pers�cut� pour le troisi�me et marginalis� pour le quatri�me. Si on mettait en balance les ouvrages �crits en faveur de l�immobilisme et ceux en faveur du changement, le rapport serait de 1 � 10 000 ou plus ! Il est plus facile de mettre � bas le despotisme des Etats que de contester celui des ul�mas. Non seulement ils ne veulent pas le changement, ils ne sauraient le mener quand bien m�me ils le voudraient. Leur formation, leur comp�tence, est justement dans le non-changement. Ils ont �t� form�s en cela et pour cela. Ils sont les gardiens de la �tradition� et les transmetteurs du pass�. Ils ont int�r�t au maintien du statut quo parce que c�est aussi leur m�tier, leur gagne-pain. Ils apprennent par c�ur des milliers de pages et prennent leurs prouesses mn�motechniques pour des exploits, pour le summum de la ma�trise des �sciences religieuses�, alors que ce n�est qu�une perte de temps et d��nergie. Est-il besoin � l�heure des NTIC d�apprendre par c�ur des milliers de pages, de mobiliser des milliards de neurones autour de �connaissances� qu�ont peut convoquer par un clic de souris? Les chemins � prendre pour arriver aux solutions sont difficiles parce qu�inconnus, ce sont des sentiers non battus, des directions de pens�e non explor�es. La solution n�a pas �t� identifi�e, les ul�mas ne la connaissent pas, pas plus que les hommes politiques ou les intellectuels modernistes. Sans changements d�importance, l�islam va audevant de graves difficult�s. Les exemples ne manquent pas et les pr�c�dents sont nombreux. Ses rangs se divisent de plus en plus entre musulmans islamistes et musulmans �normaux�, ses territoires se morcellent comme au Soudan, en Palestine et au Mali depuis quelques jours, ses Etats sont affaiblis les uns apr�s les autres, les Arabes chr�tiens et les Arabes musulmans se m�fient les uns des autres, les Arabes chiites et les Arabes sunnites ne se supportent plus, les Egyptiens islamistes souhaitent se d�barrasser des Egyptiens coptes, et l�Occident commence � en avoir assez de ceux qui, comme les folkloriques �Forsane al-izza�, le provoquent sur son propre territoire et tirent argument de sa l�gislation lib�rale pour rejeter ses lois et brandir l��tendard du califat. C�est la guerre mondiale contre eux que les musulmans cherchent ? Ils sont devenus en majorit� islamistes et, comme dans le cas du physicien �franco-alg�rien�, on ne sait jamais � quel moment un islamiste peut devenir un djihadiste et se mettre � planifier des attentats contre son pays de naissance ou d�accueil.